Les biais heuristiques sont des mécanismes cognitifs par lesquels les individus s'appuient sur des modèles simplistes afin de réduire la charge mentale liée à l'évaluation des informations. Ce phénomène est particulièrement visible lorsque les gens se fient à leurs croyances et opinions préexistantes : si une nouvelle information confirme ces croyances, elle a de grandes chances d’être acceptée (biais de confirmation), et ainsi, potentiellement diffusée. Lewandowsky, Ecker, Seifert, Schwarz et Cook (2012) ont identifié quatre facteurs influençant la croyance en une information : la cohérence du message (est-il compatible avec les croyances préalables ?), sa cohérence interne (est-il plausible ?), la crédibilité de la source, et l’acceptabilité générale (combien de personnes semblent y croire ?).
Une autre raison expliquant la diffusion des fausses informations est liée à des pressions normatives, où les individus propagent des informations erronées dans le but de recevoir une validation sociale. Cela est en lien avec la théorie de l'identité sociale (Tajfel et Turner, 2001, 2004). Une fois qu’une personne croit une fausse information, il devient difficile de changer cette croyance (Lewandowsky et al., 2012), et les tentatives de correction peuvent même renforcer la propagation de ces informations erronées, notamment au sein de groupes idéologiques (Nyhan et Reifler, 2010). Ces éléments soulignent l'importance de la détection rapide et précise des fausses informations, ce qui a conduit à la création de systèmes de détection des fake news.
Bien que les fake news ne soient pas un phénomène nouveau, leur prévalence dans l'ère numérique prend une ampleur préoccupante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les barrières d’entrée dans les médias d’information ont considérablement diminué, grâce à la facilité avec laquelle des sites web peuvent être créés et monétisés via la publicité. En ce qui concerne la diffusion des fausses informations, les coûts fixes associés à l’apparition sur les réseaux sociaux sont faibles, ce qui rend viable une stratégie à court terme consistant à créer une présence sur les réseaux sociaux pour une campagne de fake news, et diminue l’incitation à établir une présence à long terme associée au journalisme de qualité.
Ensuite, les réseaux sociaux sont particulièrement adaptés à la diffusion des fausses informations. Leur format, qui privilégie des fragments courts d’information, rend plus difficile pour les utilisateurs d’évaluer la véracité des messages. De plus, la confiance du public envers les médias traditionnels a fortement diminué ces dernières années. En parallèle, dans de nombreux pays occidentaux, on observe une polarisation politique croissante, ce qui peut accroître la probabilité que les fake news soient crues.
La polarisation politique, qui se traduit par des sentiments négatifs croissants envers l’autre camp politique, a un impact direct sur l’exposition aux fake news. En effet, les réseaux sociaux permettent une réduction de l’importance des intermédiaires, comme les “leaders d’opinion” dans les premières recherches sur la communication politique (Katz et Lazarsfeld, 1955). Cela a conduit à la disparition de l’intermédiation entre les producteurs et les consommateurs d’informations, ce qu’on appelle la “désintermédiation”. Les utilisateurs ont désormais un contrôle plus précis sur leurs sources d’informations (par exemple, suivre des comptes Twitter partageant leurs croyances politiques), ce qui favorise la création de “chambres d’écho” – des groupes d’utilisateurs partageant les mêmes idées, et ne sont pas exposés à des points de vue extérieurs, renforçant ainsi la polarisation.
Ce phénomène s’accompagne de “bulles de filtres” : les algorithmes des réseaux sociaux sélectionnent le contenu que l'utilisateur voit en fonction de ses interactions précédentes, ce qui limite l'exposition à de nouvelles informations et renforce les schémas de consommation d’informations existants. Ces chambres d’écho et bulles de filtres sont directement liées aux fake news, car elles influencent la probabilité qu’une personne diffuse de fausses informations. D'abord, on est plus susceptible d'être connecté à des personnes qui croient en ces informations, ce qui renforce la crédibilité sociale de la fausse information. Ensuite, l’exposition accrue à ces fausses informations augmente la probabilité de les croire, et rend moins probable l’exposition à des informations contraires. Enfin, il existe une pression normative accrue pour diffuser ces informations fausses, même si l'on n’y croit pas soi-même.
Les fake news ont un impact considérable sur les élections, comme l’a montré l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis. Selon Allcott et Gentzkow (2017), les fake news étaient fortement biaisées en faveur de Donald Trump ; leur étude a révélé que 115 histoires de fake news pro-Trump ont été partagées 30 millions de fois sur Facebook, contre 41 histoires pro-Clinton partagées 7,6 millions de fois. Cette dynamique a été exacerbée par le fait que les fake news étaient souvent ciblées en fonction de l’identité politique des individus, ce qui les rendait plus susceptibles d'être consommées par des personnes partageant des idées similaires.
Les dangers des fake news sont multiples : elles érodent la confiance dans les institutions démocratiques, réduisent la cohésion sociale, et contribuent à l'ascension de leaders populistes. Certains commentateurs attribuent une part importante à la propagation des fake news dans l’élection de Donald Trump en 2016. Cependant, d’autres chercheurs, comme Vargo, Guo et Amazeen (2018), se sont intéressés à l'impact des fake news sur le paysage médiatique en ligne. En utilisant le cadre conceptuel de l'Agenda-Setting, ces auteurs ont démontré que les fake news peuvent influencer l’agenda des médias en générant des informations erronées auxquelles les journalistes doivent répondre, par exemple à travers des vérifications des faits. Cette dynamique a été confirmée par des tests de causalité utilisant la base de données GDELT, qui a montré que les fake news ont réussi à transférer la salience de certaines questions (comme les relations internationales) vers les médias en ligne entre 2014 et 2016.
En réponse à cette situation, plusieurs approches ont été proposées pour vérifier la véracité des informations. Deux grandes catégories existent : l'approche centrée sur le contenu de l'information elle-même (y compris les textes et images) et celle qui se concentre sur la source. L'approche de vérification basée sur les connaissances consiste à recouper les affirmations avec des sources externes, un processus souvent appelé "fact-checking". Ce processus est essentiel pour contrer l'influence des fake news et préserver l'intégrité de l'information dans le débat public.
Comment les informations statistiques influencent-elles la perception de la consommation des "fake news" ?
Les recherches menées par des experts en communication et en sciences sociales ont mis en évidence une relation complexe entre la perception des consommateurs de fausses informations et les statistiques fournies concernant leur consommation. Par exemple, lors des élections américaines de 2016, de nombreuses études ont démontré que l'ampleur du phénomène des "fake news" était largement exagérée par le public, notamment en raison de la manière dont ces informations étaient présentées. Selon une étude menée par le Pew Research Center (Barthel, Mitchell & Holcomb, 2016), 64% des Américains estimaient que les fausses informations avaient semé « une grande confusion » après l'élection, et 71% ont déclaré qu'ils rencontraient fréquemment des nouvelles politiques complètement inventées en ligne.
L'une des approches principales pour influencer la perception de ce phénomène repose sur la fourniture de données statistiques de base. Ces données, qu'elles concernent la prévalence de la consommation de fake news ou les groupes démographiques les plus affectés, sont censées influencer le jugement subjectif du public concernant l'ampleur et la fréquence de ce problème. Cependant, les effets de telles informations statistiques sont ambigus. En effet, la présentation de telles statistiques pourrait soit diminuer la perception de la gravité du phénomène, soit au contraire, la renforcer.
Une approche consiste à utiliser ces statistiques pour réduire l'inquiétude perçue par le public en fournissant des données descriptives réelles. Si, par exemple, il est révélé que seulement 27% des Américains ont été exposés à une fausse information pendant l'élection de 2016, cela pourrait réduire la perception d'une prévalence excessive du phénomène. Les données de base peuvent ainsi rétablir un équilibre et réduire l'anxiété sociale autour du phénomène des fake news en fournissant un ancrage réaliste face à des perceptions souvent exagérées.
D'un autre côté, il existe une autre dynamique. Les individus, dans leur majorité, sont peu aptes à interpréter correctement les informations statistiques complexes (Hoffrage et al., 2000). Plutôt que de tempérer les jugements erronés, l'introduction de statistiques pourrait, paradoxalement, les renforcer. Selon le principe de disponibilité (Tversky & Kahneman, 1974), une information qui devient plus facilement accessible à l'esprit d'un individu est susceptible d'en influencer l'évaluation. Ainsi, même une statistique relativement modérée sur la consommation des fake news peut amener les gens à exagérer leur perception de l'ampleur du phénomène. L'impact de ces informations ne dépend donc pas uniquement de leur véracité, mais de la manière dont elles sont perçues et interprétées par le public.
Les biais de groupe ajoutent une autre couche de complexité à cette question. Les individus ont tendance à percevoir que les membres des groupes auxquels ils n'appartiennent pas consomment davantage de fausses informations. Par exemple, les partisans de Hillary Clinton sont plus enclins à estimer que les électeurs de Donald Trump ont été plus exposés aux fake news que ceux de leur propre camp, et vice versa. Ces biais peuvent se renforcer si les gens perçoivent que certains groupes sont particulièrement vulnérables à ce phénomène. Ainsi, une fois l'ampleur de la consommation de fake news rendue plus visible, ces perceptions biaisées risquent d'être amplifiées, exacerbant les divisions sociales et politiques.
L'efficacité des statistiques de base dans la formation de ces perceptions peut également être modulée par des caractéristiques individuelles. Les personnes qui sont déjà bien informées sur le phénomène des fake news ou qui consomment activement des médias sociaux sont moins susceptibles de modifier leurs perceptions en fonction de nouvelles informations statistiques. En revanche, ceux qui n'ont pas d'opinion préconçue ou qui n'ont pas encore réfléchi profondément à la question pourraient être plus influencés par les nouvelles données.
Un autre aspect essentiel est la manière dont les statistiques sont présentées. Par exemple, le simple fait de mentionner qu'un pourcentage précis de la population a été exposé à des fake news peut être perçu de manière différente en fonction de la manière dont ces informations sont formulées. Un pourcentage peut paraître plus frappant qu'une moyenne arithmétique, même si les deux révèlent une situation similaire. En combinant ces deux types d'informations, on peut renforcer la salience du problème, ce qui pourrait amplifier les préoccupations du public.
En conclusion, l'influence des statistiques sur les perceptions des fake news est loin d'être linéaire. Elles peuvent à la fois diminuer ou augmenter la perception de la gravité du problème en fonction de la manière dont elles sont présentées, de l'expérience préalable des individus avec les médias sociaux, de leur niveau d'engagement politique et de leurs traits cognitifs. Comprendre ces dynamiques est essentiel pour ceux qui cherchent à gérer la désinformation dans un environnement médiatique saturé. En effet, la simple présentation de chiffres peut parfois avoir des conséquences inattendues sur la manière dont le public évalue un phénomène aussi complexe.
Pourquoi les attributions de "fake news" sont-elles si attrayantes pour le public ?
La désignation de certaines informations comme des « fake news » — des affirmations selon lesquelles les journalistes induiraient délibérément le public en erreur en diffusant des informations fausses — est un phénomène de plus en plus présent dans les débats contemporains sur les médias. Cette accusation représente une menace sérieuse non seulement pour la confiance envers les médias, mais aussi pour le processus démocratique dans son ensemble. Les personnes qui attribuent des intentions malveillantes aux journalistes et aux médias trouvent souvent un cadre de référence pour expliquer leur monde qui semble plus « structuré » et prévisible, particulièrement dans un environnement médiatique de plus en plus complexe.
Les recherches antérieures, fondées sur la théorie du contrôle compensatoire et le besoin personnel de structure (PNS), suggèrent que ces attributions sont si attrayantes parce qu'elles offrent un moyen de trouver une forme de structure dans un monde qui paraît incertain et chaotique. Lorsqu’une personne ressent une insuffisance de contrôle sur son environnement, elle peut se tourner vers des explications simples, comme l'idée que les médias dissimulent volontairement des informations pour manipuler l'opinion publique. Cette manière de structurer la réalité offre un sentiment de sécurité psychologique, bien que, en réalité, elle soit basée sur des interprétations erronées.
Le PNS, ou besoin personnel de structure, est une tendance humaine fondamentale à rechercher la simplicité et la clarté dans le monde. Ce besoin, selon certains chercheurs, peut amener une personne à adhérer à des croyances rigides, surtout lorsque des informations complexes ou ambiguës sont présentées. Par conséquent, les affirmations concernant les « fake news » peuvent devenir un mécanisme compensatoire qui permet de restaurer un sens de contrôle personnel dans un contexte perçu comme instable ou déroutant. La croyance en des récits simplifiés de manipulation par les médias répond à ce besoin psychologique de réduire l'incertitude, même si cela implique une vision du monde fondée sur des généralisations infondées.
Des interventions possibles, comme la mise en avant de documents sources primaires lors de la consultation des articles en ligne, pourraient réduire l’impact de ces attributions. Si, par exemple, les lecteurs avaient la possibilité d'accéder à des preuves directement liées à un article, cela pourrait potentiellement augmenter la confiance envers les médias et diminuer l’attractivité des accusations de fausses nouvelles. De telles stratégies technologiques visent à répondre à ce besoin de structure en fournissant plus de transparence et de clarté.
Toutefois, bien que ces mesures puissent, en théorie, réduire l'attrait pour les "fake news", elles risquent de ne pas changer fondamentalement le niveau individuel de PNS. Ce changement pourrait simplement rediriger ce besoin vers d'autres sources de structure, comme le gouvernement ou la religion, comme le montrent certaines recherches (Kay et al., 2008; Kay et al., 2010). De plus, dans des sociétés où la polarisation politique est forte, il est possible que ces mécanismes augmentent la tendance à voir le monde en termes opposés, « nous contre eux », créant ainsi une confiance plus grande dans des sources jugées fiables par un groupe particulier, tout en rejetant d'autres.
Le climat médiatique de l'élection présidentielle américaine de 2020 a mis en lumière la manière dont ces dynamiques jouent un rôle important dans la manière dont le public perçoit les médias. À mesure que des récits de "fake news" ont circulé, un nombre croissant d'individus ont exprimé leur méfiance envers les sources traditionnelles d'information. Ce phénomène a non seulement exacerbé les tensions politiques, mais il a également alimenté des croyances erronées concernant l'intégrité des processus démocratiques.
Les recherches actuelles offrent également des perspectives sur la manière dont certaines populations sont plus vulnérables à l'influence des « fake news ». Il a été démontré que les individus de statut social inférieur, ou ceux qui ressentent une perte de contrôle personnel, sont plus enclins à adhérer à ces théories de la conspiration. Ces individus, ayant souvent un contrôle perçu moindre sur leur vie, trouvent dans les accusations de "fake news" une explication qui leur permet de rationaliser des sentiments de déconnexion et de méfiance envers les autorités traditionnelles.
L’essor des accusations de fake news ne doit pas être compris uniquement comme une réaction à des manipulations extérieures, mais aussi comme un phénomène enraciné dans des mécanismes psychologiques profonds. Les attributions de mensonges médiatiques sont un moyen pour certains individus de restaurer une sensation de prévisibilité et de sécurité, en particulier lorsqu'ils sont confrontés à une réalité médiatique fragmentée et déroutante. Cette tendance s’appuie sur une recherche constante de structure, un besoin psychologique fondamental qui, bien que naturel, peut souvent mener à des jugements erronés et à une polarisation accrue.
En fin de compte, une compréhension plus fine des processus psychologiques qui sous-tendent ces croyances pourrait ouvrir la voie à des interventions plus efficaces pour limiter la propagation des fausses informations. Cependant, il est essentiel de reconnaître que ces mécanismes sont profondément ancrés dans les besoins psychologiques humains et qu’une approche uniquement technologique ou politique pourrait ne pas suffire à inverser cette tendance. Une approche intégrant à la fois une éducation plus profonde sur la pensée critique et une meilleure gestion des médias pourrait permettre de réduire de manière significative la croyance en les fausses nouvelles.
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