La fidélité à la loi et la résistance non violente s'enracinent dans une tradition philosophique profondément marquée par des penseurs comme Thoreau, Gandhi et King. Ces figures incarnaient l'idée que la désobéissance civile, loin de s'opposer à l'ordre établi, se nourrit d'un respect authentique envers la justice et l'humanité. Dans un monde démocratique moderne, l’acte de résistance non violente ne consiste pas à renverser la société, mais plutôt à l'exprimer de manière critique et respectueuse, comme un "mouche du coche", pour maintenir une vigilance constante, en refusant de traiter autrui comme un ennemi à détruire.
La véritable amitié vertueuse, celle qui se fonde sur la sincérité et l'intégrité, ne permet pas l'inaction face à une injustice. Si un ami se comporte mal, il est de notre devoir de le lui faire remarquer. La critique honnête n’a pas pour but de susciter une rivalité politique ou d'attirer l'attention sur soi. Au contraire, elle vise à ouvrir un espace de solidarité vertueuse, où les défauts sont admis pour que l’on puisse tous progresser ensemble vers le bien. C’est ce que doit incarner la véritable vigilance morale.
Ce qui rend la situation complexe, c’est la présence de la complicité. Dans un contexte où la tyrannie et les flatteries sont omniprésentes, le complice n’est jamais un ami. Il accompagne le tyran dans son mal, souvent en fermant les yeux sur les fautes évidentes. Le flattereur, par exemple, n’est pas ignorant, il choisit délibérément de soutenir une cause qu’il sait fausse. Par opposition, la masse des gens souvent prise dans la tourmente de la propagande et de la manipulation des faits, n’a pas toujours la possibilité de discerner la vérité. Les tyrans et leurs alliés peuvent distordre la réalité à tel point que la simple quête de vérité devient un exercice difficile.
Cela soulève une question : comment un citoyen ordinaire peut-il savoir si une élection a été volée, ou si une accusation de fraude est bien fondée ? Dans un monde où la vérité se fragmente et se déforme, il arrive un moment où chacun de nous doit faire un "saut de foi". Mais ce saut n’est pas dénué de risques. Nous pouvons choisir de croire des autorités ou des experts, mais le choix de croire ne doit pas être aveugle. L’idéal est de rester vigilant, de soumettre les informations à un examen critique, et d’admettre qu’il y a toujours une part d’incertitude dans nos croyances. La sagesse consiste en une reconnaissance humble de ce que l’on ignore, tout en restant constamment à l’affût de l’autodéception.
La vigilance est nécessaire pour éviter la complicité, mais elle n’est pas une solution définitive. Le citoyen-philosophe, ou l’artiste, le journaliste, le scientifique, ou même le médecin, doit constamment se confronter à un monde incertain et souvent injuste. Le processus d’amélioration morale est limité par l’histoire, les contextes sociaux et les réalités politiques. Dans un monde non-optimiste, il est impossible d’échapper complètement à la complicité. Il n'existe pas de paradis idéologique où l’on puisse se libérer des vices humains. La tâche du citoyen-philosophe consiste à tendre vers la vertu dans un monde qui n’est pas fait pour la perfection.
Albert Camus, par son approche philosophique, illustre cette idée à travers son œuvre, notamment dans La Peste, où il critique les tyrans et propose une solidarité humaine dans la résistance face à l’absurde. Camus montre que la tyrannie se nourrit du silence et du mensonge. C’est pourquoi les tyrans et leurs partisans cherchent à contrôler la parole publique par la censure et la manipulation de l’information. La stratégie de l’oppression repose sur le déni de la vérité et la création d’une fausse réalité. Cependant, Camus nous montre que pour contrer cette tyrannie, il faut refuser de se taire. La solidarité naît dans cette résistance à l’oppression, qu’elle soit idéologique ou politique. L'art, pour Camus, devient un vecteur essentiel de cette lutte contre la séparation imposée par la tyrannie. L’artiste, comme le philosophe, devient l’agent de la résistance, car il réunit là où la tyrannie sépare.
Cependant, cette rébellion n’est pas sans risques. Comme le montre Camus, dans un monde marqué par des conflits incessants et des tyrans de toutes sortes, la vigilance doit être sans fin. Les révoltes se succèdent, mais la résistance doit toujours renaître. Camus conclut que personne n’échappe à la peste de la tyrannie, et que la vigilance dans nos actions quotidiennes est ce qui nous protège de la complicité. Nous devons, dans chaque acte, éviter de devenir les instruments de la tyrannie. C’est par un engagement conscient, une attention constante à la vérité et une résistance à la passivité que l’individu parvient à se maintenir en dehors de la complicité. Il s’agit ici de maintenir une lucidité critique, de ne jamais accepter la facilité de la soumission.
La clé réside donc dans cette vigilance active. Dans une époque marquée par l’incertitude et l’affrontement idéologique, chaque citoyen a un rôle à jouer dans la quête de la vérité. La complicité ne réside pas seulement dans des actes directs de soutien à l’injustifiable, mais aussi dans la passivité et l’acceptation de la manipulation.
La Tyrannie et ses Conséquences : Une Réflexion sur la Nature du Pouvoir et de l'Amour des Suiveurs
Après le 6 janvier, Donald Trump a désavoué la violence qu'il avait incitée, ce qui a amené certains de ses partisans à se sentir trahis. Pourtant, d'autres ont continué à lui accorder leur soutien, allant jusqu'à adapter les théories du complot de manière à faire croire que la violence survenue au Capitole ce jour-là n’avait pas été perpétrée par ses partisans, mais par des gauchistes infiltrés dans la foule. L’un des supporters de Trump a ainsi exprimé : « Si cette violence venait de conservateurs, je la condamnerais. Il n’y a aucune excuse pour la violence. Cela ne changera pas mon soutien à Trump. Ceux qui l’aiment continueront à l’aimer, que ce soit pour un second mandat ou non. » Cette déclaration est frappante. L’amour qu'inspire Trump semble inébranlable et traverse même les générations, si l’on en croit ceux qui espèrent que ses enfants prendront la relève, si ce n’est lui-même. Cet amour, presque inconditionnel, peut sembler admirable à certains, mais il a causé de réelles souffrances : des partisans ont perdu la vie ou se sont retrouvés en prison à cause de leur dévouement.
La gestion catastrophique de la pandémie de COVID-19 par Trump fut probablement l'une des plus graves erreurs de son régime. Son orgueil l’a empêché de reconnaître la gravité de la situation. Il a mis en cause la Chine, les médias, et même les autorités locales et étatiques, rejetant la responsabilité de ses propres échecs. En conséquence, près de 400 000 vies ont été perdues sous son administration, nombre de ces victimes étant des supporters de Trump. Pendant que lui, Giuliani et les membres de son cercle recevaient des soins médicaux de haute qualité et se rétablissaient, ceux qui vivaient dans la pauvreté, sans assurance santé, et travaillant dans des conditions dangereuses, étaient bien plus vulnérables. Mais même la pandémie ne diminua pas l’amour de ses partisans envers lui. La dévotion persistait, peu importe les tragédies.
Certains partisans de Trump en vinrent à voir les mesures de prévention de la maladie, comme le port du masque, les confinements, et la distanciation sociale, comme une forme de tyrannie. Le sénateur Rand Paul cita C. S. Lewis pour illustrer ce point : « Parmi toutes les tyrannies, celle exercée sincèrement pour le bien de ses victimes est peut-être la plus oppressive. » Plus étrange encore fut l'affirmation de Michael Flynn, ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, selon laquelle la pandémie de COVID-19 aurait été « fabriquée » pour exercer un contrôle et saper les élections du 3 novembre 2020. Ce phénomène nous ramène au problème de la polarisation. Les critiques de Trump l’accusent de contribuer à l'aggravation de la pandémie à travers ses impulsions tyranniques, son mensonge et son égocentrisme. En revanche, ses partisans considèrent que le véritable mal a été l'overreach tyrannique des autorités médicales et des gouvernements locaux, qui ont, selon eux, nui à Trump.
La question de la tyrannie et des épidémies est ancienne et complexe. L’une des plus célèbres représentations littéraires de cette dynamique se trouve dans la pièce Œdipe roi de Sophocle, où la peste frappe Thèbes comme une malédiction divine, conséquence des actions tyranniques du roi Œdipe. Celui-ci refuse d’admettre sa propre responsabilité et rejette la vérité, accusant ses accusateurs d'être eux-mêmes des tyrans. Le message de Sophocle est limpide : la véritable malédiction n'est pas seulement la peste, mais l'ignorance et l'arrogance du tyran, qui refuse d’accepter la réalité et transforme la vérité en ennemie.
Ce mécanisme de déni et de rejet de la vérité est ce qui rend la tyrannie si dangereuse. Le tyran, convaincu de sa propre supériorité et soutenu par ses partisans, mène ses sujets dans une impasse, où la réalité est déformée, et la vérité, rejetée comme une simple invention. Cette dynamique se produit non seulement dans des régimes autocratiques, mais elle peut aussi se manifester dans des sociétés démocratiques, où le pouvoir devient un moyen d'imposer une vision du monde qui n'accepte aucune contradiction.
Il est évident que Trump ne peut pas être tenu entièrement responsable des résultats fatals d'une pandémie. Cependant, la connexion entre tyrannie et épidémies a une longue histoire. Les tyrans sont souvent responsables de catastrophes, non seulement à travers leurs actes directs, mais aussi par leur incapacité à accepter la vérité et à agir avec sagesse. Lorsqu'un dirigeant cherche à imposer sa propre vision du monde, à nier la réalité et à manipuler ses partisans, cela mène inévitablement à des conséquences tragiques.
La réflexion sur la tyrannie doit donc être abordée sous un angle théologique, où la question du pouvoir absolu est posée. Aucune créature humaine ne devrait détenir un pouvoir divin. La tyrannie est l'aspiration humaine à un pouvoir illimité, souvent basé sur la fierté et l’ambition, au détriment du bien-être collectif. Un tel pouvoir est fondé sur l’illusion de détenir la vérité absolue, rejetant la sagesse et les voix discordantes. Ainsi, la solution à la tyrannie, à la fois politique et spirituelle, réside dans la recherche de la vérité, la sagesse, et la modération sous la loi.
Il est crucial de ne pas idéaliser les dirigeants politiques ou de les considérer comme des sauveurs divins. L’histoire nous montre que les véritables tyrans se nourrissent de la crédulité des masses et exploitent leurs faiblesses pour s’imposer. Le modèle de sagesse que nous devons chercher est celui qui repose sur une humilité profonde, la reconnaissance des erreurs humaines et la recherche de la justice plutôt que de la gloire personnelle. Les tyrans sont ceux qui tentent de forcer la réalité à se conformer à leur volonté, et les conséquences de leur échec sont souvent tragiques et dévastatrices pour ceux qui les suivent aveuglément.

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