Les discussions sur le système politique de la civilisation de Harappa ont longtemps été au cœur des débats archéologiques et anthropologiques. Les premières interprétations considéraient la société harappéenne comme étant régie par une administration villageoise élaborée, organisée de manière décentralisée. Cependant, ces théories ont évolué au fil du temps. Certains chercheurs, comme Fairservis, ont révisé leurs opinions, admettant qu'il existait peut-être un certain contrôle centralisé et une structure de classe, bien qu'il persistât à soutenir que la force n'avait qu'un rôle mineur dans la régulation sociale. Pour lui, c'étaient plutôt des facteurs tels que l'interdépendance, la religion et la tradition qui jouaient un rôle déterminant dans le maintien de l'ordre social. Mais cette vision a été mise en doute par d'autres, comme S.C. Malik, qui soulignait que l'absence de monuments imposants et de divinités suprêmes allait à l'encontre de l'idée d'un état centralisé fort.

Malik (1968) proposait que le système politique harappéen puisse être rapproché de ce qu'Elman Service qualifiait de "chefferie", une forme de société transitionnelle, située entre la société basée sur la parenté et l'État civil. L'absence de structures gouvernementales apparentes, de force militaire institutionnalisée et de systèmes de domination centrale semblait indiquer une organisation moins autoritaire que celle des civilisations voisines comme l'Égypte ou la Mésopotamie.

Une lecture plus contemporaine des données archéologiques, comme celle de Ratnagar (1991), suggère toutefois que la civilisation harappéenne pourrait bien avoir été un empire, ou du moins une société centralisée avec des réseaux de contrôle complexes. Ratnagar s'appuie sur des parallèles culturels et des preuves archéologiques pour étayer cette thèse, mais des critiques, comme celles de Jim Shaffer (1982), soulignent des incohérences dans cette vision. Shaffer insiste sur le fait que les artefacts, notamment les bijoux en métaux précieux, les sceaux et les écritures, ne semblent pas concentrés dans des résidences de l'élite ou dans des bâtiments administratifs, mais sont plutôt distribués à travers les divers niveaux d'occupation, ce qui indique une distribution relativement égalitaire des symboles de richesse. L'absence de tombes royales imposantes et de palais renforce l'idée que la hiérarchie sociale à Harappa n'était pas aussi marquée que dans d'autres grandes civilisations anciennes.

La question de savoir s'il est pertinent d'appliquer la notion de "state" (état) aux sociétés anciennes reste un sujet complexe. Différents chercheurs ont proposé diverses définitions de ce qu'est un état, en tenant compte de facteurs tels que la centralisation, la hiérarchie sociale et l'usage de la force. Service (1975), par exemple, distingue plusieurs stades d'organisation sociale, allant des bandes de chasseurs-cueilleurs aux tribus et aux chefferies, pour aboutir à l'état. Un état, selon lui, repose sur la légitimité de la force, un pouvoir centralisé et une bureaucratie. D'autres, comme Ronald Cohen (1978), soulignent l'importance de la capacité d'un état à maintenir l'intégration territoriale et à gérer les forces de division interne.

Une autre distinction importante a été apportée par Morton H. Fried, qui a parlé des "états primitifs" (créés à partir d'initiatives indigènes) et des "états secondaires" (imprimés par des modèles extérieurs). La civilisation de Harappa semble se situer dans cette zone grise, entre une forme de chefferie et un état, avec des traits de centralisation mais sans une réelle bureaucratie ni des structures de pouvoir formelles comme celles observées dans d'autres régions.

La question clé réside dans la complexité croissante de ces sociétés anciennes. À mesure que les recherches progressent, il devient évident que les modèles unilatéraux de développement politique, qui plaçaient l'apparition de l'état comme un aboutissement inévitable et linéaire de la civilisation, sont de plus en plus remis en question. Des études récentes, telles que celles de Norman Yoffee (2005) et James C. Scott (2017), contestent l'idée selon laquelle les premières sociétés d'état étaient homogènes ou gouvernées par des élites totalitaires. Ces critiques soulignent que des aspects comme l'intégration territoriale ou la centralisation politique ne sont pas des critères universels, et que les premières formes d'états étaient souvent fragiles et susceptibles de se disloquer.

La gestion de la population et la centralisation de la production agricole, notamment par l'imposition de taxes sur les récoltes, apparaissent comme des signes distinctifs des premiers états, mais ces sociétés étaient souvent menacées par des phénomènes comme les guerres fréquentes, les maladies infectieuses et les dégradations environnementales. L'apparition de grands empires n'a pas été le seul modèle : il existait aussi des sociétés non centralisées, souvent composées de nomades ou d'archétypes d'organisations plus fluides, qui ont persisté bien après la formation d'états sédentaires.

En fin de compte, l'idée d'un "empire" harappéen doit être examinée sous un angle plus nuancé, prenant en compte non seulement les artefacts et les structures matérielles, mais aussi les dynamiques sociales et politiques qui se déroulaient dans ces sociétés. Ces dynamiques étaient probablement marquées par une forme de gestion collective de la richesse et de la culture, ce qui diffère des modèles impériaux traditionnels.

La culture de Daimabad : Une fenêtre sur la préhistoire de l'Inde

Les rives de la Pravara, un affluent de la Godavari, abritent un site archéologique majeur dont les fouilles ont été menées entre 1976 et 1979 par une équipe du Survey Archéologique de l'Inde, sous la direction de S. A. Sali. Ce site se distingue par une séquence chalcolithique bien documentée, qui nous offre un aperçu précieux de la vie de nos ancêtres dans l'Inde préhistorique. Le site couvre plusieurs périodes culturelles, chacune témoignant des évolutions techniques et sociales des populations anciennes. La première période, avant 2300/2200 avant notre ère, appartient à la culture de Savalda, suivie de la période de transition Harappéenne, puis de la culture de Daimabad (1800-1600 av. J.-C.), une phase clé de l’histoire chalcolithique de la région.

La période II, datée de 2300/2200 à 1800 avant notre ère, correspond à la phase post-Harappéenne et marque un tournant important dans le développement de la civilisation de Daimabad. À cette époque, la taille du site augmente considérablement, atteignant environ 20 hectares. Les habitations, disposées des deux côtés d'un mur épais de 30 à 50 cm fait d'argile noire, témoignent d'une organisation urbaine complexe. La plus grande des maisons mesurait 6,3 × 6 m et présentait une structure en briques de terre avec des toitures en matériaux végétaux. Les objets découverts incluent des poteries fines peintes en noir avec des motifs géométriques linéaires, des vases, des bols sur pieds, ainsi que des sceaux en forme de boutons gravés de caractères Harappéens. Des découvertes exceptionnelles incluent également des fragments de pots inscrits et des outils en pierre tels que des lames microlithiques, des perles en pierre et en terre cuite, des bracelets en coquillage, ainsi que des perles en or. Ces artefacts montrent une activité artisanale avancée, notamment dans la métallurgie du cuivre, comme en témoigne la présence de scories de cuivre sur le site.

La période III, intitulée culture de Daimabad, marque une transition culturelle avec une nouvelle typologie de poterie, notamment la céramique noir sur crème. De nouvelles fouilles ont révélé des éléments intéressants, tels que des outils en os, des perles, des outils en pierre, et même des restes d'un four de fusion du cuivre, suggérant la continuité de l'activité métallurgique sur le site. Des pratiques funéraires variées, telles que des inhumations dans des fosses, des urnes funéraires post-crémation et des sépultures symboliques, ont également été observées, ajoutant une dimension spirituelle à la culture matérielle du site. Par ailleurs, les restes végétaux découverts témoignent de la diversité alimentaire des habitants, incluant des légumineuses comme le pois chiche et le moong, ainsi que l'apparition du gramme cheval (horse gram) pour la première fois.

La période IV, de 1600 à 1400 av. J.-C., appartient à la culture de Malwa, et des structures plus élaborées sont mises en évidence. Les maisons de cette période sont plus spacieuses et présentent des murs en argile épais, souvent renforcés par des poteaux en bois. Certaines maisons, identifiées comme des ateliers de métallurgistes, contiennent des fours utilisés pour fabriquer des objets en cuivre, notamment des rasoirs en cuivre. Des structures religieuses, telles que des plateformes en argile avec des autels de feu de formes variées, ont été retrouvées, suggérant des pratiques rituelles liées au culte du feu. La présence de 16 sépultures, avec des pratiques funéraires incluant des offrandes végétales, donne un aperçu de la vie spirituelle de la communauté. L’alimentation de cette époque se diversifie, avec l’introduction de l'orge, de plusieurs variétés de blé, de millet et de légumineuses. Un parfum à base de plantes aromatiques, probablement fabriqué à partir de la Pavonia odorata, pourrait aussi avoir été utilisé.

Dans le contexte de Daimabad, une découverte particulièrement intrigante a été celle d'un trésor de bronzes en 1974, composé de quatre objets métalliques trouvés par un agriculteur. Ce trésor, acquis par le Survey Archéologique de l'Inde, comprend une série de sculptures en bronze représentant un char à deux roues conduit par une figure humaine, des animaux en bronze, tels qu’un buffle d'eau, un éléphant et un rhinocéros. Ces objets montrent un niveau élevé de savoir-faire dans la fonderie du bronze et possèdent une finesse esthétique notable. Les figures, bien que non utilitaires, pourraient avoir joué un rôle rituel ou symbolique, et la présence de roues suggère qu’elles étaient utilisées dans des processions.

Les fouilles à Inamgaon, un autre site majeur de la région, ont également enrichi notre compréhension de la vie chalcolithique dans le Deccan. Ici, les fouilles ont révélé des maisons rectangulaires avec des murs de terre crue et des toits en chaume, caractéristiques des habitations traditionnelles de la région. Les restes fauniques découverts indiquent que les habitants de cette époque pratiquaient l’agriculture, la chasse et la pêche, et consommaient principalement de l’orge, en raison des conditions climatiques défavorables à la culture du blé. Les outils en pierre et en cuivre trouvés sur les sites de la culture de Malwa témoignent de l’importance de l’artisanat dans cette société, qui utilisait des pierres comme le chalcédon et l'agate pour fabriquer des instruments.

Ainsi, les fouilles de Daimabad et Inamgaon offrent une vue fascinante sur la vie préhistorique dans le sous-continent indien. Elles révèlent des sociétés complexes, dotées de pratiques métallurgiques avancées, de structures sociales et religieuses élaborées, et d’une économie basée sur une agriculture diversifiée et des échanges. Ces sites sont essentiels pour comprendre l’évolution des civilisations anciennes dans l'Inde et la manière dont les sociétés chalcolithiques se sont adaptées à leur environnement tout en développant des cultures matérielles et spirituelles distinctes.

Comment l'utilisation de la technologie du fer a-t-elle transformé la société ancienne ?

L’étude des "masses alimentaires", restes parfois retrouvés dans des fosses datant de l'Âge du Fer, révèle des informations fascinantes sur les pratiques culinaires et la transformation des plantes en aliments. Les résidus trouvés, parfois des erreurs de cuisson ou des restes de plats cuisinés, témoignent de l'utilisation des millet et des légumineuses dans la préparation de divers mets. L'analyse de ces restes nous permet de comprendre que les habitants de ces régions utilisaient des techniques culinaires variées, dont la fabrication de pâtes sèches et de pâtes humides. L'archéologie des pratiques alimentaires, qui englobe la transformation, la préparation, la consommation et l'élimination des aliments, ainsi que les aspects sociaux et culturels de l'alimentation, constitue aujourd'hui un champ de recherche dynamique. Les méthodes scientifiques modernes permettent d'approfondir cette étude et de comprendre mieux les rituels alimentaires qui se sont développés à cette époque.

Les fouilles archéologiques menées sur des sites mégalithiques montrent que ces tombes ont souvent été utilisées pendant plusieurs siècles, mais elles étaient rarement réutilisées au sein d’une même génération. Ces sépultures semblent appartenir à une élite restreinte au sein de sociétés hiérarchisées. En comparaison avec les tombes néolithiques et chalcolithiques plus anciennes, les tombes mégalithiques contiennent moins de restes de jeunes adultes et d'enfants, et un pourcentage élevé d'adultes masculins. Ces observations laissent supposer l’existence d’une société organisée, où les rituels funéraires étaient d’une grande importance. Des peintures rupestres découvertes sur les sites mégalithiques, comme celles de Mallapadi et Paiyampalli dans le Tamil Nadu, révèlent des scènes de combats, de raids de bétail et de chasse. Ces représentations sont précieuses, car elles offrent un aperçu direct de la vie de ces communautés et de leurs préoccupations sociales.

L’édification des mégalithes semble avoir été un travail communautaire, impliquant sans doute des rituels collectifs. De plus, les études ethnographiques de communautés mégalithiques modernes suggèrent que la construction de ces monuments était liée à des fêtes, des échanges de cadeaux et à la création d'alliances sociales. L’idée que ces monuments étaient au cœur de pratiques sociales et culturelles collectives est renforcée par des indices d’interactions possibles avec d’autres civilisations contemporaines, comme celle de Harappa. Par exemple, une inscription retrouvée sur un plat à Sulur, datant du 1er siècle avant notre ère, présente des similitudes avec des inscriptions retrouvées sur des tablettes miniatures de Harappa, suggérant une certaine continuité dans les traditions d’écriture.

Le rôle de la technologie du fer dans ces sociétés anciennes est un sujet de débat complexe. Si l'on trouve des artefacts en fer dès le début du 2e millénaire avant notre ère, c’est surtout à partir de 1000–800 avant notre ère que l’utilisation du fer devient omniprésente dans le sous-continent indien. De nombreuses recherches se sont intéressées à l'impact de cette technologie, notamment sur les transformations agricoles et sociopolitiques. L'usage des haches en fer dans l’assainissement des forêts et des charrues en fer pour les cultures est souvent évoqué comme ayant permis l’expansion agricole dans des régions comme la vallée du Gange. Toutefois, ces hypothèses ont été contestées, et des analyses récentes montrent que l'impact du fer sur l'agriculture et l’urbanisation a été plus progressif et complexe que ce qui avait été précédemment suggéré. Contrairement à l'idée d'une déforestation massive, les forêts ont continué à dominer le paysage bien après l’introduction du fer. La réduction significative des forêts n’est véritablement apparue qu'à l’époque coloniale, avec l’expansion des chemins de fer et la pression démographique.

Il est donc primordial de comprendre que l’apparition de la technologie du fer n’a pas provoqué immédiatement des changements radicaux dans toutes les régions du sous-continent. Dans certaines zones, notamment au sud de l'Inde, l'impact de cette technologie a été plus lent, freinée par des contextes socio-politiques spécifiques, comme les conflits incessants et les pillages. Le fer a certainement été un facteur important dans l’histoire ancienne, mais son influence ne peut être vue de manière isolée, sans prendre en compte d’autres éléments comme les dynamiques sociales et économiques qui façonnaient les sociétés de l’époque.

Les débats entre les données textuelles et archéologiques sur cette période, notamment en ce qui concerne les relations entre les civilisations aryennes et la culture de la vallée de l'Indus, soulignent la complexité de l’interprétation des traces matérielles du passé. Les rapprochements entre la littérature Sangam et les derniers développements de la culture vedique montrent bien que les découvertes archéologiques ne peuvent être comprises qu’en étant mises en relation avec les récits et traditions écrites, tout en reconnaissant que ces deux types de sources ne se superposent pas toujours de manière directe. Il est essentiel de considérer les technologies anciennes, telles que le fer, dans un cadre global, où elles interagissent avec des changements sociaux, politiques et culturels qui redéfinissent les sociétés au fil du temps.

Comment les traditions religieuses dominantes ont-elles influencé les cultes populaires et les ont-elles appropriés?

Les traditions religieuses dominantes ont toujours cherché à établir des liens avec les cultes populaires, tout en les subordonnant et les incorporant dans des cadres plus larges. Ce processus de syncrétisme religieux se reflète dans de nombreuses manifestations artistiques et architecturales, notamment dans les temples et les sculptures de l'Inde ancienne. L’un des exemples les plus frappants de cette évolution se trouve dans les représentations de divinités composites, telles que Hari-Hara, où Shiva et Vishnu sont fusionnés en une seule entité, chacun représentant un aspect du divin. Cette figure, qui apparaît notamment dans les grottes de Badami au VIe siècle, symbolise cette volonté de lier les cultes locaux à ceux des grandes traditions religieuses. L'art et la sculpture, en tant que moyens d'expression, ont permis d'illustrer cette fusion des panthéons, tout en affirmant une forme de continuité avec des cultes populaires plus anciens.

L’iconographie de Hari-Hara, avec ses attributs distincts, montre clairement comment Shiva et Vishnu se partagent les éléments caractéristiques de chacun. Par exemple, la main droite de la divinité porte une hache de bataille, attribut de Shiva, tandis que la main gauche tient une conque, symbole de Vishnu. La couronne est également une combinaison des éléments des deux divinités, l'une représentant les cheveux enroulés de Shiva et l’autre la couronne royale de Vishnu. Ce type d'art, qui associe les attributs divins, représente non seulement une rencontre de deux visions religieuses, mais aussi une tentative d'unification des cultes populaires sous des formes de divinités plus élevées, reconnues par les grandes dynasties royales.

Les inscriptions dénombrent des dons pour la construction et l’entretien de sattras, des lieux de charité souvent liés à des établissements religieux. Ces dons, inscrits sur des pierres et des fragments de stèles retrouvés dans des sites comme Gadhwa, témoignent de l'engagement des rois à soutenir ces pratiques religieuses locales. Parallèlement à ces actes de charité, les rois maintenaient également des liens avec les traditions védiques, comme en témoigne l'adhésion aux yajnas (sacrifices védiques), qui ont joué un rôle crucial dans la légitimation de leur pouvoir. En cela, l'exercice du pouvoir royal était indissociable des rituels religieux, qu'ils soient brahmaniques ou populaires, montrant une sorte de tolérance religieuse ou de politique de patronage hybride, capable de rallier diverses communautés sociales et religieuses.

En parallèle à l'essor des cultes sectaires, une autre évolution marquante fut l’émergence du Tantra, une voie religieuse complexe, qui, bien que non considérée comme une religion en soi, a eu une influence considérable sur les pratiques religieuses de l'époque. Le Tantra n’est pas simplement un ensemble de rites, mais un système intégral, mêlant yoga, méditation, symbolisme sexuel et divinités redoutées. Il s'exprime principalement à travers des cultes tantriques où la divinité est envisagée sous ses aspects masculins et féminins, le principe féminin, la shakti, étant vu comme l'énergie créatrice du cosmos. Cette pratique, réservée à un cercle restreint d'initiés, implique des rites secrets dont les mantras et les yantras jouent un rôle fondamental. Les figures mythologiques et les rituels tantriques, souvent associés à des représentations de déités terrifiantes, montrent un univers spirituel profondément axé sur l'énergie et la transformation intérieure. Cette pratique a marqué non seulement les sectes Shaiva et Shakta, mais aussi des courants au sein du bouddhisme, bien que son influence y fût moindre.

Les sectes tantriques, notamment parmi les Shaiva et Vaishnava, ont produit des textes en sanskrit et ont influencé le développement de cultes populaires dans les cours royales. Par exemple, les sectes telles que les Kapalikas, Kalamukhas et Nathas se sont développées pendant la période médiévale, et les royautés ont souvent patronné ces cultes, intégrant ainsi le tantrisme dans leur vie politique et sociale. L'influence du tantrisme, bien que centrée autour de cercles d'adeptes limités, s'est étendue aux pratiques religieuses courantes, infusant ainsi de nouvelles dynamiques spirituelles au sein des royautés et des classes sociales.

La pénétration de ces idées tantriques ne s'est pas limitée aux cultes sectaires. Elle a également eu un impact plus large sur les cultes non tantriques, en particulier au niveau des pratiques de dévotion et des rites populaires. Les rois et élites, tout en maintenant leur soutien aux rituels védiques traditionnels, se sont également rapprochés des cultes plus sectaires et ésotériques, marquant ainsi une diversité religieuse qui favorisait les alliances politiques et sociales. Cette évolution a permis aux différents groupes religieux de se trouver représentés au sein des institutions royales, consolidant ainsi une structure de pouvoir où la diversité religieuse n’était pas seulement tolérée mais parfois encouragée.

L'intégration de ces pratiques dans le panthéon vaishnavite s’est également renforcée au fil du temps. De nouveaux cultes dédiés à Vishnu, tels que ceux de Narayana, Vasudeva Krishna et Samkarshana Balarama, ont été absorbés dans ce panthéon, avec Shri Lakshmi en tant que consort principale de Vishnu. Bien que l'élément Vishnu devînt de plus en plus central, les cultes individuels de ces divinités continuaient de préserver une identité propre, ce qui reflétait une relation complexe entre l'absorption des cultes populaires et leur intégration dans les grandes traditions religieuses.

Les rois et les élites n'avaient pas pour seul objectif d'unifier ou de réconcilier ces traditions, mais aussi de naviguer entre les exigences politiques et sociales qui les liaient à une multitude de groupes religieux et culturels. C'est à travers ce processus que l'Inde médiévale a vu se développer une forme de pluralisme religieux, où les influences et les rituels se sont mélangés et redéfinis au fil des siècles.