Le défi principal auquel l'énergie renouvelable, notamment éolienne et solaire, est confrontée réside dans son caractère intermittent et sa faible prévisibilité. Ces sources produisent de l'énergie uniquement lorsque le vent souffle ou lorsque le soleil brille. Cela crée des problèmes importants, notamment la nécessité de réduire la production lorsque la demande est inférieure à l'offre ou, inversement, de freiner la production excédentaire lorsque la demande est saturée. Lorsqu'une ferme éolienne ou solaire est dimensionnée pour une capacité donnée, l'excès d'énergie doit souvent être "curtailé", c'est-à-dire réduit, afin d'éviter un excédent qui ne peut être utilisé efficacement. Dans certains cas, cet excédent peut être envoyé à un réseau voisin, selon la disponibilité des infrastructures de transmission et l'état de congestion de ces réseaux.

La solution logique pour pallier cette réduction de production, qui empêche l'utilisation maximale des ressources solaires et éoliennes, réside dans le stockage de l'énergie. Lorsqu'il y a un excédent de génération, cette énergie peut être utilisée pour "charger" une unité de stockage. Cette énergie stockée est ensuite "déchargée" lorsque les installations de production renouvelable ne peuvent pas répondre à la demande, permettant ainsi de maintenir une production d'énergie stable et fiable. Ce processus est ce qu'on appelle le "décalage temporel" de l'énergie, et il constitue également la base du renforcement de la capacité ou de la "solidification" du réseau. L'énergie stockée peut être utilisée lors des baisses de production des énergies renouvelables, dues à leur intermittence, afin de garantir une capacité de production stable.

L'un des graphiques les plus utilisés pour illustrer la nécessité et les bénéfices du stockage d'énergie est la courbe en "canard", utilisée notamment pour illustrer l'impact de l'énergie solaire photovoltaïque sur le réseau californien de l'Independent System Operator (CAISO). Ce graphique montre l'évolution de la charge des autres générateurs sur le réseau, lorsque l'énergie solaire ou autre source renouvelable prend une grande part de la demande. Au fur et à mesure de la journée, lorsque la contribution solaire augmente, d'autres générateurs doivent réduire leur production, atteignant un minimum en milieu de journée, lorsque l'irradiation solaire est maximale. Dans certains cas, cela peut même créer une situation où les générateurs non solaires doivent être arrêtés, une condition appelée "retour d'énergie".

En général, les installations de génération non renouvelables, telles que celles fonctionnant au charbon, au gaz ou au nucléaire, ne sont pas conçues pour des cycles quotidiens incluant des arrêts et des redémarrages fréquents. Cette situation devient particulièrement problématique pour les centrales au charbon et nucléaires, qui ont une flexibilité limitée en matière de modulation de leur production. Même dans le cadre de la transition énergétique actuelle, où le charbon est en cours de suppression rapide et où le nucléaire reste un sujet sensible dans l'opinion publique, les turbines à gaz combinées (GTCC) sont privilégiées comme technologie de "pont". Mais, même pour ces centrales, le scénario d'arrêt fréquent est non souhaité. Les centrales GTCC sont idéales lorsqu'elles fonctionnent à une charge minimale conforme aux normes d'émissions (MECL), limitant les émissions de NOx et CO, mais un excédent d'énergie solaire non utilisé reste problématique.

Le stockage d'énergie se présente alors comme une solution essentielle. En permettant de stocker l'énergie excédentaire produite par les installations solaires pendant les périodes de faible demande, cette énergie peut être utilisée plus tard dans la journée, lorsque la production d'énergie solaire baisse et que la demande reste élevée. Ce processus, connu sous le nom de "décalage temporel", est en quelque sorte similaire à l'arbitrage énergétique. L'arbitrage énergétique consiste à stocker de l'énergie lorsque les prix sont bas, souvent pendant les heures creuses, et à la restituer lorsque les prix sont plus élevés, pendant les heures de pointe. Le stockage d'énergie permet ainsi d'optimiser l'utilisation des ressources renouvelables, d'éviter le gaspillage d'énergie excédentaire et de renforcer la stabilité du réseau électrique.

Il existe une grande variété de technologies de stockage d'énergie disponibles. Elles varient selon leur capacité (en kW ou MW) et leur durée (en heures). Parmi les technologies de stockage les plus couramment utilisées, on trouve les systèmes de stockage par pompage hydraulique (PHES), les systèmes de stockage par air comprimé (CAES), les batteries au lithium-ion, les batteries sodium-soufre (NaS), les batteries à flux, et les supercondensateurs. Les systèmes de stockage thermique, comme les sels fondus, sont également employés, en particulier pour stocker l'énergie excédentaire produite la nuit, qui est ensuite utilisée pour la production d'énergie ou pour la gestion thermique, comme le refroidissement.

Jusqu'à récemment, les technologies matures en matière de stockage d'énergie, en termes de capacité installée et d'échelle, étaient essentiellement limitées aux systèmes de stockage par pompage hydraulique (PHES) et au stockage par air comprimé (CAES). Depuis les années 2020-2021, la technologie des batteries lithium-ion a été progressivement ajoutée à cette liste, bien qu'il subsiste des défis non négligeables pour son déploiement à grande échelle. Aux États-Unis, par exemple, le stockage d'énergie à l'échelle du réseau est dominé par les systèmes PHES, représentant 95 % de la capacité installée, avec seulement 5 % restant répartis entre les technologies de stockage par air comprimé, thermique et batterie.

Ces systèmes de stockage jouent un rôle fondamental dans la transition énergétique, non seulement en facilitant l'intégration des énergies renouvelables intermittentes dans les réseaux électriques, mais aussi en réduisant la dépendance aux énergies fossiles et en garantissant une production d'énergie plus stable et plus fiable.

Les réacteurs nucléaires à haute température et à sels fondus : technologie, performances et défis

Les réacteurs nucléaires de nouvelle génération, tels que le réacteur refroidi par sels fondus à haute température (HTMSR) et le réacteur à lit de perles (HTR-PM), offrent des solutions potentielles pour surmonter les limitations des réacteurs classiques. Ces technologies de réacteurs ont été conçues pour atteindre des températures de fonctionnement plus élevées, ce qui permet de rendre plus efficaces les cycles thermodynamiques associés à la production d'électricité, notamment en augmentant l'efficacité des turbines à vapeur. La température élevée des réacteurs comme le HTMSR ou l'HTGR (High Temperature Gas Reactor) permet de générer de la vapeur à des températures et pressions plus élevées, augmentant ainsi les rendements thermiques.

Les réacteurs à neutrons rapides (comme les réacteurs à sels fondus ou les réacteurs à refroidissement métallique liquide, tels que le LMFBR), contrairement aux réacteurs à neutrons thermiques, n'ont pas de modérateur. Cela permet à ces réacteurs de fonctionner à des températures de combustion du combustible beaucoup plus élevées, généralement autour de 1 200-1 300°C, et ainsi de faire circuler un fluide caloporteur à des températures allant jusqu'à 760°C, voire plus. Les réacteurs dits "burners" consomment plus de combustible fissile (comme l'uranium-235 ou le plutonium) qu'ils n'en produisent, tandis que les "breeders" ou réacteurs à neutrons rapides multiplicateurs produisent plus de combustible fissile qu'ils n'en consomment.

Dans la plupart des centrales nucléaires actuelles, l'électricité est générée à partir d'une turbine à vapeur, qui fonctionne sur le principe d'un cycle de Rankine. Ce cycle utilise la chaleur provenant du réacteur pour chauffer de l'eau dans un générateur de vapeur. Cette eau, une fois transformée en vapeur, est utilisée pour faire tourner une turbine et générer de l'électricité. Les réacteurs de type PWR et PHWR, ainsi que certains réacteurs de type AGR, fonctionnent ainsi dans le domaine des neutrons thermiques, avec des températures de vapeur relativement basses, ce qui limite leur rendement thermique. Le réacteur AGR, par exemple, utilise un refroidisseur à gaz CO2, ce qui permet d'atteindre des températures de 665°C pour le fluide caloporteur, permettant ainsi des cycles de vapeur réchauffée à haute pression et température.

Le réacteur à gaz à haute température (HTGR), qui utilise de l'hélium comme fluide caloporteur, présente une configuration similaire à celle des réacteurs à eau pressurisée (PWR), mais il fonctionne à des températures bien plus élevées, ce qui améliore l'efficacité énergétique. Le réacteur HTGR de la génération IV, par exemple, pourrait utiliser un cycle fermé à turbine à gaz Brayton, éliminant ainsi la nécessité d'un échangeur de chaleur intermédiaire, et améliorant encore l'efficacité du cycle de conversion de l'énergie thermique en électricité. Ce type de réacteur a été testé dans le passé, mais des prototypes comme celui de Peach Bottom aux États-Unis ont été abandonnés en raison de défis techniques et économiques.

Un autre concept intéressant est celui du réacteur à neutrons rapides refroidi par métal liquide, tel que le LMFBR, qui utilise un fluide caloporteur liquide, comme le sodium, pour transférer la chaleur du réacteur au générateur de vapeur. Ce type de réacteur utilise un circuit intermédiaire afin d'éviter les réactions entre le sodium radioactif du réacteur et l'eau utilisée dans le cycle secondaire de production de vapeur. Le refroidissement par métal liquide présente des avantages notables en termes de performances thermiques, mais il soulève également des préoccupations de sécurité liées à la réactivité chimique du sodium et à sa radioactivité.

L'efficacité énergétique d'un réacteur nucléaire dépend en grande partie de la température de son fluide caloporteur et de la technologie du cycle de conversion de l'énergie. Tandis que les réacteurs thermiques classiques n'atteignent que des rendements thermiques modérés, les réacteurs haute température, qu'ils soient refroidis par gaz ou par sels fondus, offrent un potentiel de rendement beaucoup plus élevé, souvent supérieur à 40%. Toutefois, ces réacteurs présentent des défis technologiques majeurs, tels que la gestion de la corrosion des matériaux à des températures élevées, la gestion de la radioactivité et des coûts de développement initiaux importants.

Il est crucial pour les chercheurs et les ingénieurs d'optimiser la conception des réacteurs haute température, notamment en ce qui concerne les matériaux utilisés pour les composants internes du réacteur, comme le cœur et le circuit de refroidissement. Ces réacteurs nécessitent des matériaux capables de résister à des températures extrêmes et à des environnements chimiquement agressifs, ce qui impose des recherches continues pour découvrir de nouveaux alliages et composants résistants à la chaleur et à la radiation. Les avancées dans ce domaine pourraient permettre de réaliser le potentiel de ces technologies pour une production d'énergie plus propre et plus efficace.

Un autre facteur déterminant pour l'avenir de ces réacteurs est la question de leur durabilité et de la gestion des déchets nucléaires. Bien que des réacteurs comme le LMFBR soient capables de "brûler" des actinides mineurs et de réduire la quantité de déchets à long terme, les défis liés à la gestion des déchets à vie longue restent un problème crucial. Des progrès dans le recyclage et la réutilisation des combustibles nucléaires pourraient aider à atténuer ces préoccupations, mais cela nécessitera une collaboration internationale et des investissements massifs dans la recherche.

Comment améliorer l'efficacité d'un cycle Brayton fermé avec un réacteur nucléaire ?

Le cycle de Brayton de base a été abordé dans le chapitre 3. Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur une lacune majeure du turboréacteur à gaz d'hélium à cycle fermé direct, particulièrement dans les cas de faibles rapports de pression de cycle (PRC) : des températures T2 faibles et une faible efficacité thermique (METH), entraînant une efficacité du cycle insuffisante. Augmenter le PRC pour remédier à cette situation n'est pas une option viable, en particulier avec des PRC supérieurs à 4:1, qui sont déjà difficilement réalisables. De plus, la température requise pour le fluide de refroidissement du réacteur, 550°C, est bien plus élevée que celle de l'air de sortie du compresseur, qui n'atteint que 254,7°C. La solution idéale pour cette problématique à double tranchant est la régénération, c'est-à-dire l'utilisation de la chaleur de l'hélium qui sort de la turbine pour préchauffer l'hélium comprimé dans un échangeur thermique. Cet échangeur thermique, appelé récupérateur, permet d’améliorer considérablement l'efficacité thermique du cycle.

Dans un cycle Brayton fermé régénératif, la température de l'hélium comprimé peut être élevée jusqu'à 380°C, ce qui reste en deçà des 550°C spécifiés pour le fluide de refroidissement du réacteur. Afin de surmonter cette limite, le seul choix disponible pour le concepteur est de réduire le PRC afin d'augmenter la température de sortie de l’expandeur, T4, ce qui permet d'augmenter la température de sortie du récupérateur, T5. Ce processus repose sur l'idée que dans un cycle idéal, la différence de température entre T5 et T2 est équivalente à celle entre T4 et T6 (T5 - T2 = T4 - T6). En effectuant les calculs nécessaires pour un PRC de 2,28:1 et une température T3 de 900°C, on obtient les résultats suivants : T5 = 550°C, T6 = 441,8K (168,6°C) et T4 = 570°C. Ces valeurs permettent d’atteindre un METH de 987,8K, supérieur à celui du cycle classique de 790,5K, et un METL inférieur à celui du cycle conventionnel.

L'impact de la régénération est donc significatif sur l'efficacité du cycle, en augmentant à la fois la température moyenne d'ajout de chaleur (METH) et en réduisant la température moyenne de rejet de chaleur (METL), créant ainsi une amélioration substantielle de l'efficacité globale. Pour un cycle à faible rapport de pression, inférieure à 3:1, cette approche s'avère essentielle non seulement pour une récupération thermique efficace, mais aussi pour répondre aux exigences de température du fluide de refroidissement du réacteur.

Un autre procédé d'amélioration du cycle Brayton est l'interrefroidissement du compresseur. Cette technique consiste à réduire le travail de compression et à diminuer le rejet de chaleur du cycle. Dans ce cas, chaque étape de compression est calculée avec un PRC de 1,51:1, ce qui permet une réduction significative des températures de compression. Par exemple, avec une température d'entrée de 30°C et une température de sortie de 84,4°C (357,6 K), l'interrefroidissement améliore encore le METL, qui est désormais réduit à 339K, ce qui représente une amélioration de trois points de pourcentage par rapport à la configuration de régénération seule.

L'efficacité de ce cycle Brayton modifié, combinant régénération et interrefroidissement, dépend à la fois du rapport de pression de cycle et de la température d'entrée, T3. L'efficacité du cycle idéal peut être exprimée par des relations thermodynamiques complexes en fonction du PRC et des températures spécifiques, notamment avec un delta de température d'approche (ATA) égal à zéro, où les températures de sortie et d'entrée du récupérateur et de l’expandeur sont identiques.

Un autre aspect clé à prendre en compte dans le cycle Brayton est la question du rapport de pression. Dans les turbines à gaz modernes de grande puissance, ce rapport peut atteindre plus de 20:1, mais dans les cycles Brayton fermés pour la production d'énergie nucléaire, un tel rapport est irréaliste. En effet, un PRC plus élevé, au-delà de 3:1, entraînerait des contraintes importantes sur la conception aérodynamique du compresseur et de la turbine, en particulier avec l'hélium, qui possède une faible masse moléculaire et une capacité thermique spécifique élevée. Cela nécessiterait un nombre beaucoup plus élevé d'étages de compresseur et de turbine, ce qui complique la conception et augmente les coûts.

Les matériaux utilisés pour la construction des turbines imposent également des limites aux rapports de pression. À des températures élevées, les alliages coûteux sont nécessaires pour supporter les contraintes thermiques imposées par le fluide de travail. Les cycles utilisant l'hélium sont moins contraints par des limites de pression critique à l'entrée du compresseur, mais le rapport de pression optimal reste d’environ 3:1, pour des raisons de conception et d’efficacité du récupérateur.

Les progrès dans la conception des turbines et des compresseurs, en particulier dans les cycles Brayton fermés pour la production d'énergie nucléaire, nécessitent une compréhension approfondie de la thermodynamique sous-jacente et des matériaux. Il est crucial de comprendre les interactions complexes entre la pression du cycle, les températures de fonctionnement et les contraintes imposées par la technologie des turbines. Le choix du PRC optimal est déterminant pour atteindre une efficacité maximale tout en respectant les limites technologiques et économiques. La recherche continue dans le domaine des cycles thermodynamiques avancés offre des pistes pour améliorer encore l'efficacité des turbines à gaz, mais ces améliorations doivent être considérées dans le contexte global de la conception du système.