Un argumentaire persuasif repose sur plusieurs vertus essentielles de l'écriture : une structure cohérente, une logique narrative fluide, et une attention constante au lecteur. Prenons un exemple fictif pour illustrer cette approche. Supposons que l'on prépare un argumentaire en trois parties sur le peuple Topkapi des Mers du Sud. La première partie expose que leur culture repose sur le vol. La deuxième montre que cette propension au vol trouve son origine dans leur attirance pour les pierres précieuses, dont l'attrait intemporel se révèle à travers l'étude des mythes et légendes Topkapi. Enfin, la troisième partie établit que la dégradation actuelle de leur culture résulte du comportement des anthropologues modernes, qui dérobent leurs bijoux en étudiant ce peuple. Pour étayer cette dernière affirmation, on pourrait s'appuyer sur les journaux de terrain d'anthropologues disponibles dans une archive en ligne.

L'architecture de cet argumentaire repose sur un agencement logique et séquentiel des idées. On commencerait donc par la première et la deuxième partie de l'argument, car elles s'enchaînent naturellement et préparent le terrain pour la troisième, qui introduit un élément plus inédit. Si l'on décidait de commencer par la troisième partie, cela perturberait la cohérence de l'ensemble, créant ainsi un récit qui n'aurait de sens que pour l'auteur.

Dans la construction de cet argumentaire, il est fondamental de veiller à la clarté des transitions entre les différentes parties. Il ne s'agit pas seulement d’enchaîner des idées, mais de tisser des liens logiques qui permettent au lecteur de suivre sans effort le fil de la réflexion. Cette exigence de structure est également liée à celle de la distinction nette entre ce que l'on avance comme contribution originale et ce qui a déjà été soutenu par d'autres chercheurs.

Pour réussir dans cette tâche, il est essentiel d'illustrer de manière précise pourquoi son propre point de vue mérite d’être pris en compte. La technique dite du "ils disent/je dis" (en anglais : "they say/I say") souligne l'importance d'introduire l'argument dans un cadre plus large, celui des connaissances existantes. Dans notre exemple, il est nécessaire de contextualiser l'argument sur les Topkapi en évoquant des disciplines connexes, telles que la psychologie du vol, l’attrait pour les bijoux, ou la tendance à collectionner des objets précieux. Ce faisant, on démontre pourquoi l’argument a de l'importance pour le lecteur, et pourquoi celui-ci devrait s’en soucier.

L'une des difficultés les plus courantes dans l'écriture académique réside dans le fait de ne pas parvenir à expliciter de manière claire ce que l'on fait et pourquoi on le fait. Si l'on ne prend pas soin d’orienter le lecteur, celui-ci risque de se perdre. Une bonne écriture ne se contente pas de présenter des idées ; elle s’efforce de rendre ces idées accessibles, compréhensibles, voire captivantes. Cela passe par un travail d'anticipation sur la manière dont le lecteur percevra le discours.

Cependant, la structure de l'argumentation ne se limite pas à une simple mise en ordre des idées. L'écriture en soi est un processus itératif de réflexion. En effet, l’écriture est une forme de pensée. Plutôt que de concevoir son travail dans son ensemble avant de commencer à écrire, il est souvent plus productif de commencer à rédiger dès que l'on a une idée claire d'un point particulier. C'est en écrivant qu'on découvre ce que l'on pense réellement, et comment on veut l'exprimer.

Pour illustrer ce point, prenons l'exemple d'un artiste comme Stephen Wiltshire, qui se spécialise dans les panoramas urbains. Après un vol en hélicoptère, il travaille uniquement de mémoire pour dessiner une vue de la ville. Ce processus, où l'artiste ne commence pas par esquisser mais dessine directement, de manière presque fluide et instantanée, montre qu'il est capable de visualiser dans son esprit l’ensemble de son œuvre avant même de commencer. Pourtant, la majorité des écrivains ne fonctionnent pas ainsi. En réalité, il est rare de pouvoir concevoir un texte de manière aussi globale avant de commencer à l'écrire.

C’est pourquoi, dans un projet d’écriture long et complexe, il est plus efficace de ne pas commencer par le début, mais plutôt de commencer par la partie de l'argumentation qui vous semble la plus claire ou la plus affirmée. De cette manière, vous pouvez construire votre réflexion au fur et à mesure, par blocs successifs. En procédant ainsi, le texte devient une construction vivante qui prend forme à mesure que l’on écrit, plutôt qu’un produit figé élaboré dans l’esprit avant d’être mis sur le papier.

En outre, cette approche permet d’affronter des projets longs, comme un livre ou un essai, sans se sentir écrasé par l’ensemble. La structure devient un ensemble de morceaux d’idées entrelacées qui, au fur et à mesure, finiront par s’assembler. Si vous commencez à écrire à partir de ce qui vous semble le plus solide, vous pourrez ensuite établir des liens entre ces morceaux, et ainsi créer un texte cohérent et fluide.

L’écriture, en somme, n’est pas un simple enregistrement de pensées, mais un processus dynamique de découverte et de structuration des idées. Cela demande une ouverture à l’incertitude et à l’expérimentation, mais c’est aussi ce qui donne à l’argumentation sa richesse et sa profondeur. Cela va au-delà de la simple exécution d’un plan ; c’est un acte de réflexion qui, en se déroulant, nourrit et affine les idées de l’écrivain. C’est en fait cette approche fluide et évolutive de l'écriture qui rend l'argumentation plus engageante et persuasive pour le lecteur.

Comment l'écriture et la structure argumentaire influencent la perception des idées : entre analyse et conviction

Chandler, tout en s'éloignant des persécuteurs virulents d'Oscar Wilde, maintient la conviction que les homosexuels sont impossibles à comprendre pour les hétérosexuels, sauf par la répulsion par procuration. Cependant, il est aussi important de noter que le mépris teinté de bienveillance et de dégoût de Chandler vis-à-vis de l'homosexualité montre que son intérêt pour ce sujet était authentique, du moins en tant que moyen de comprendre la « nature humaine normale ». En dépit de son avis selon lequel il ne pouvait « pas prendre l’homo au sérieux en tant que paria moral », il croyait qu'il « devrait y avoir un bon roman dans l’homosexualité ». Il est surtout crucial de souligner que les vues de Chandler sur l'homosexualité sont intimement liées à ses sentiments envers l’écriture et la valeur artistique. Il voyait un potentiel dans ce qu’il considérait comme le « brillant superficiel » du mode wildeien, mais le jugeait également fondamentalement superficiel, creux et immature. Lorsqu’on déplace cette phrase mise en valeur au début, tout devient soudainement plus clair. Cette affirmation analytique ouvre la voie au développement d'un argument plus vaste, et le paragraphe suivant devient plus complexe et plus captivant, car il commence par une analyse prospective.

L’argumentation, lorsqu’elle est menée de manière méthodique, doit commencer par une affirmation analytique, à laquelle des éléments descriptifs viennent apporter un soutien. Cependant, l’argument ne doit pas se laisser guider uniquement par ces descriptions ; il doit avancer sur des bases solides qui permettent de poser les termes de l’introduction des preuves. Un paragraphe réussi commence par une affirmation forte et développe cette affirmation jusqu’à sa conclusion, en se préparant à l’introduction de la prochaine idée dans le paragraphe suivant. Il est impératif de noter que les paragraphes qui se dispersent, manquant de direction et de cohésion, ne parviennent pas à faire avancer l’argumentation de manière satisfaisante. Ces paragraphes contiennent souvent une collection d’affirmations, qui ne sont pas systématiquement développées. Lors de la révision, certaines de ces affirmations peuvent devenir le noyau de leurs propres paragraphes, tandis que d’autres seront probablement inutiles.

Une autre erreur courante consiste à terminer un paragraphe par une citation de grande ampleur. Lorsque vous citez, vous cédez la parole à un autre, et cette voix prendra le devant de la scène au détriment de la vôtre. C’est particulièrement dommage lorsqu’il s’agit de conclure un paragraphe, un moment où votre propre voix devrait, au contraire, dominer. Les citations doivent servir à étayer vos arguments, non à les remplacer. Si la citation est longue, il est préférable de l’inclure au début du paragraphe ou de la diviser pour en tirer les points essentiels, sans laisser cette voix étrangère prendre possession de votre réflexion. Même une citation courte insérée dans une phrase doit être intégrée de manière fluide dans le raisonnement de l’auteur.

Pour garantir la cohésion, chaque paragraphe doit pouvoir se suffire à lui-même tout en soutenant l'argument global. À cet égard, les paragraphes sont souvent comme des mini-essais, développant une idée principale, mais en s’intégrant toujours à un argument plus vaste. En ce sens, la structure géométrique du paragraphe devient fondamentale. Contrairement aux essais, les paragraphes offrent une plus grande souplesse dans leur construction. Il est possible d’alterner des paragraphes inductifs (qui partent des exemples vers une conclusion générale) et déductifs (qui débutent par l’affirmation principale et se développent avec des exemples). Les paragraphes inductifs permettent de donner des informations concrètes avant de formuler une affirmation plus large, tandis que les paragraphes déductifs, plus fréquents dans les écrits académiques, dévoilent directement l'argument principal, soutenu par des exemples et des preuves spécifiques.

L'une des raisons pour lesquelles il est important de maîtriser l'art de la structure des paragraphes est qu'il permet de guider le lecteur avec clarté, tout en rendant l’argumentation plus fluide et plus percutante. Cela aide à éviter l'effet de surcharge cognitive, qui peut rendre la lecture confuse et difficile à suivre. En variant la structure des paragraphes, vous offrez au lecteur une expérience de lecture plus dynamique, tout en restant fidèle à l’argumentation centrale.

Dans cette dynamique, la distinction entre le concret et l’abstrait est également primordiale. La relation entre ces deux niveaux de discours ne doit pas être négligée. L’un ne peut exister sans l’autre ; l’abstraction permet de structurer les idées, tandis que les exemples concrets les rendent tangibles et accessibles. Un argument bien mené doit donc naviguer habilement entre ces deux dimensions, en exposant d’abord les faits avant de les relier à une analyse plus générale.

Pour écrire efficacement, il est essentiel de comprendre que chaque paragraphe est une unité autonome tout en étant un maillon de la chaîne argumentative. De cette manière, l'écriture devient non seulement une tâche intellectuelle, mais aussi un exercice de construction minutieuse où chaque partie contribue à l’ensemble. Cette approche garantit que chaque idée est bien formulée et pleinement explorée avant d’être intégrée dans l’argumentation globale, assurant ainsi une clarté et une cohérence sans faille dans le raisonnement.