Dans la rédaction académique, il est essentiel de manier les citations et les paraphrases avec finesse. L'un des principaux défis réside dans la manière dont ces éléments sont intégrés pour soutenir un argument, tout en évitant l’effet de redondance ou de confusion. Ce travail de précision est d'autant plus crucial lorsqu'il s'agit de clarifier le rôle de la citation, de rendre son interprétation évidente et d’éviter les erreurs d'attribution ou de sur-interprétation. Les citations, au-delà de leur simple présence, doivent participer activement au développement du raisonnement.
L'un des problèmes fréquents dans la citation des sources est l’ambiguïté. Prenons, par exemple, l’usage de phrases telles que “certains chercheurs affirment que Superman est un immigrant illégal en raison de son statut de kryptonien non documenté”. Ici, la citation n’est pas explicite : elle laisse place à une ambiguïté, car il n'est pas clair si l’argument concerne la question de l’immigration ou l’utilisation erronée du terme « comme tel » dans les travaux académiques. Une reformulation plus précise permettrait de clarifier le sens, comme par exemple : "Dans le contexte des débats sur l'immigration, certains chercheurs, comme Schriebmeister, suggèrent que Superman, en tant que kryptonien non enregistré, pourrait être assimilé à un immigrant illégal." Cette approche améliore non seulement la clarté de la citation, mais permet également de relier la source à l’argument spécifique du texte.
Dans l’utilisation des citations, il est important de ne jamais se contenter d’une simple reprise verbatim de ce qu’un auteur a dit sans en préciser l’objectif. Il est toujours préférable d’introduire et de contextualiser les citations de manière à ce qu’elles fassent progresser l'argument. Par exemple, il ne suffit pas de citer une phrase d’un discours pour en expliquer sa portée. Il faut l’analyser. Une citation telle que "Donnez-moi la liberté, ou donnez-moi la mort" de Patrick Henry doit être suivie d’une interprétation qui explique ce que cette phrase signifie dans le contexte de la révolution américaine et en quoi elle illustre une pensée particulière.
Le danger de la répétition dans les citations est également un piège à éviter. Répéter ce que l’on a déjà exprimé en paraphrasant ou en citant un auteur à l'identique n’apporte rien de substantiel à l’argumentation. Prenons l’exemple d'une citation tirée d’un travail sur les films de combat de la Seconde Guerre mondiale. Il ne sert à rien de répéter la phrase exacte d’un auteur qui affirme que ces films célèbrent le "meltin’ pot". Ce n'est pas nécessaire d'utiliser une citation dans ce cas-là, car l'idée est déjà suffisamment claire. Ce qu’il convient de faire, c'est de paraphraser cette idée de manière plus concise : "Selon Thomas Doherty, les films de combat de la Seconde Guerre mondiale incarnent le pluralisme américain sous forme de fusion culturelle, un 'meltin’ pot’ qui se reflète aussi bien dans les films de fiction que dans les documentaires."
Une autre difficulté réside dans l’équilibre entre le concret et l’abstrait dans l’usage des citations. Parfois, un auteur se contente d’énoncer une idée abstraite, comme Julie R. Posselt qui décrit les disciplines académiques comme étant à la fois des « marchés du savoir » et des « communautés de savoir ». Cela semble pertinent à première vue, mais l'abstraction ne suffit pas à rendre l’idée claire. Pour y remédier, il est nécessaire de proposer un exemple concret. Par exemple, on pourrait préciser que ces catégories se reflètent dans la façon dont les chercheurs, en tant que théoriciens ou expérimentateurs, s’identifient à leur domaine. C’est en reliant l’abstraction à des exemples spécifiques que la citation devient véritablement utile et compréhensible.
Enfin, il est crucial de faire attention à la longueur des citations. L’insertion d’extraits trop longs peut non seulement alourdir le texte, mais aussi diluer l'impact de l'idée que l’on veut illustrer. Par exemple, la citation détaillée de Woody Guthrie, qui compare la beauté naturelle des États-Unis à ses aspects plus sombres, pourrait être réduite pour en extraire l’essence sans perdre de sa force. Plutôt que de citer tout un passage, il est préférable de ne retenir que les éléments essentiels : "Guthrie, fasciné par la beauté naturelle des États-Unis, dénonce aussi les injustices sociales qu’il y voit, comme les barrières à la propriété et la misère des plus démunis."
Pour rendre une citation véritablement efficace, il faut veiller à ce qu’elle soit utilisée avec parcimonie, pour éviter la répétition inutile ou la surcharge d’informations. L'important est toujours d’intégrer la citation de façon à ce qu’elle renforce et clarifie l’argument développé. Le plus grand danger réside dans la citation utilisée de manière automatique, sans réfléchir à son rôle exact dans le développement du texte. Ce processus nécessite une réflexion continue sur l’objectif de chaque citation et sur son lien avec l’ensemble du raisonnement.
Pourquoi les fondements sont essentiels : l'importance du contexte dans l’écriture académique
Il existe une peur inconsciente mais persistante de paraître trop simpliste lorsqu'on écrit pour un public académique. Cette crainte est souvent mal placée et engendre des conséquences néfastes. En sautant les bases, l’auteur empêche ses lecteurs de se sentir à l’aise, de comprendre le texte dans sa globalité. Pourtant, les experts n'ont aucun problème avec l'idée d'exposer les fondamentaux dès le départ. Au contraire, c'est ainsi qu'on démontre qu'on maîtrise son sujet, en n'omettant pas ce que tout le monde devrait savoir. L'omission des bases ne montre pas de compétence, mais une volonté malavisée d'impressionner par des références prétendument évidentes.
Prenons l’exemple de l’introduction d'un livre académique. La phrase suivante, issue d’un ouvrage sur les réformes monastiques, est typique de ce genre d’approche : "Lorsque la réforme monastique fut vigoureusement poursuivie sous l’influence de Benoît d’Aniane lors des conciles d’Aix-la-Chapelle en 816 et 818/19, pendant le règne de Louis le Pieux, fils de Charlemagne, il semblait que les réformes carolingiennes seraient durables." Cette phrase suppose que le lecteur connaît déjà Benoît d’Aniane, les conciles d’Aix-la-Chapelle, et les réformes carolingiennes. Si tel n’est pas le cas, l’auteur signale implicitement que le livre ne s'adresse pas à ce lecteur-là. Dans ce cas, l'absence de contexte ne reflète pas une intention pédagogique, mais une exclusion, souvent involontaire, de l'audience.
Dans un rêve que beaucoup connaissent, l’auteur entre dans une salle de classe où le cours est déjà bien avancé, peut-être même prêt pour un examen final. Le manque de préparation face à une situation qui semble déjà établie produit un sentiment de décalage, voire de peur. Il est facile de transposer ce même sentiment à la lecture d’un texte académique qui, au lieu de clarifier, ajoute de l’incertitude. La meilleure manière de répondre à ce type de difficulté est de ne jamais présumer que le lecteur sait ce que vous avez en tête, surtout dans des domaines spécialisés.
L’acte d’écrire est en soi une forme d’enseignement. Peu importe le public auquel on s’adresse, qu’il s’agisse d’un séminaire de spécialistes ou d’une revue académique ciblant un public plus large, l’objectif reste le même : transmettre des connaissances de manière claire et intelligible. Il est impératif de rappeler les éléments de base, même si l'on s’adresse à des spécialistes. Même dans des contextes académiques avancés, on est parfois surpris de constater à quel point un rappel des fondements peut s’avérer nécessaire pour une meilleure compréhension. Ce n’est pas une marque de faiblesse ou de redondance ; au contraire, c’est une façon de poser des bases solides pour un raisonnement complexe. Ignorer les fondements, c'est risquer de perdre une grande partie de son audience.
Cependant, l’excès de détails n’est pas toujours bénéfique. Écrire pour un public spécialisé, tel que les philosophes analytiques, exige un style plus condensé, évitant de réduire le sujet à un niveau scolaire. Néanmoins, même au sein de cette communauté, une approche inclusive, qui intègre des rappels clairs et précis, s'avère toujours avantageuse. Trop de fondations peuvent noyer le message principal, mais trop peu créent un fossé entre l’auteur et le lecteur, l’empêchant de saisir l’essentiel. Il faut trouver un équilibre subtil entre l’inclusivité et la profondeur.
Prenons un exemple plus accessible, extrait de l’introduction d'un livre historique. L’auteur, Ada Ferrer, ne fait pas l'erreur de présumer que son lecteur connaît les faits sur Christophe Colomb. Elle rappelle que, en 1492, après la reconquête chrétienne de la péninsule ibérique, les rois Ferdinand et Isabelle de Castille ont finalement accepté de financer son voyage. Même si la date est bien connue, cette remise en contexte ne diminue pas l’intelligence du lecteur, elle l’informe et le place dans une position de compréhension complète dès les premières lignes. Le but de cette approche n’est pas de rabaisser l’intellect du public, mais de garantir que tout le monde puisse suivre le développement de l’argumentation sans se perdre.
Une autre dimension importante à considérer dans l’écriture académique est l’usage du jargon. Celui-ci, comme tout outil langagier, doit être manié avec précaution. Le jargon peut créer une barrière entre les lecteurs, en formant un groupe restreint de ceux qui partagent la même expertise et excluant ceux qui n’en font pas partie. Il est essentiel de se rappeler que l’usage du jargon n’est pas simplement une question de vocabulaire technique, mais de créer une séparation claire entre l’in-group et l’out-group. Il existe des exemples plus innocents, comme dans l’histoire des échecs, où des termes comme "romantique" ou "classique" désignent des styles de jeu bien connus des joueurs expérimentés, mais qui pourraient être incompréhensibles pour un amateur. Dans ce cas, l’utilisation de ces termes sans explication explicite exclut ceux qui ne maîtrisent pas le lexique spécifique.
L’auteur qui maîtrise le jargon mais le dissémine judicieusement, en l'expliquant si nécessaire, offre une meilleure expérience de lecture et évite de se retrouver enfermé dans un cercle fermé de spécialistes. En résumé, l’argumentation académique ne doit pas s’appuyer sur l’oubli ou l'ignorance des bases, ni sur une utilisation excessive de termes complexes sans justification. Un bon écrivain est celui qui guide son lecteur, le prépare et, surtout, ne prend jamais ses connaissances pour acquises.
L'écriture académique et la nécessité de renouvellement
L'écriture académique, à l'instar de la mission intellectuelle qu'elle porte, nécessite un profond renouvellement. Autrement, elle risque d'être rejetée et démolie par un public de plus en plus sceptique à son égard. Ce public nous juge à travers ce que nous disons, mais aussi, et surtout, à travers la manière dont nous le disons. Si l'écriture académique ne parvient pas à établir une connexion authentique avec ses lecteurs, elle risque de sombrer dans l'oubli. Cette question dépasse le seul cadre universitaire. L'espace public aujourd'hui est saturé de bruit et manque cruellement de véritable communication. Si les universitaires veulent remplir leur rôle de pédagogues, il leur faut incarner la communication à chaque niveau de l'entreprise académique. Il ne suffit pas d'informer ou de démontrer une expertise ; l'écriture doit établir un lien humain, une véritable connexion entre le rédacteur et son lecteur. C'est ce que l'écriture doit être : une forme de communication consciente.
Le développement de l'intelligence artificielle, en particulier des modèles de langage tels que ChatGPT, a suscité de nombreuses questions sur l'avenir de l'écriture. L'IA impressionne par ses capacités, mais elle demeure dénuée de conscience et de connexion. Elle peut produire du texte, certes, mais ce texte manque de sensibilité. Il n'existe aucune forme de compréhension empathique entre un modèle d'IA et un être humain. L'écriture authentique, celle qui établit un lien véritable avec l'autre, est l'apanage des écrivains humains. Si l'intelligence artificielle peut produire du contenu, elle ne peut en aucun cas se substituer à la démarche humaine de créer un espace d'échange entre l'écrivain et son lecteur.
Mais cela ne signifie pas que l'écriture académique doive se limiter à une forme stérile d'érudition. À l'instar de la cuisine, où l'excellence naît souvent de l'application de règles rigoureuses, l'écriture bénéficie de certaines conventions qui sous-tendent la créativité. Prenez, par exemple, le travail de Christopher Kimball, le fondateur de Cook’s Illustrated. Son approche consiste à expérimenter, tester et affiner chaque aspect d'une recette jusqu'à obtenir le résultat parfait. Il ne s'agit pas simplement de créer une version quelconque d'un gratin de pommes de terre, mais d'atteindre un équilibre précis entre la croûte dorée et l'intérieur fondant. De même, dans l'écriture, les règles sont essentielles pour donner forme à la créativité. Elles ne sont pas une contrainte, mais une structure qui permet d'inventer dans un cadre précis. L'écrivain doit maîtriser les règles avant de songer à les briser. Car ne pas suivre les conventions académiques peut faire passer une intention réfléchie pour une simple erreur.
Les règles, toutefois, ne doivent pas devenir un obstacle à l'inclusivité. Elles ne doivent pas exclure, mais au contraire, réunir. Elles sont un moyen d'assurer la clarté et l'unité dans un environnement académique de plus en plus diversifié. En respectant certaines normes, on permet à un plus grand nombre de voix de participer à la conversation intellectuelle. Il est essentiel de se rappeler que l'application des règles dans l'écriture académique doit viser un seul objectif : la création d'un texte qui réponde aux attentes de son public. Ces attentes varient en fonction du contexte et du lectorat. Un manuel d'utilisateur ne demandera pas le même type de discours qu'une analyse approfondie d'un sujet historique complexe. L'objectif reste le même : établir une connexion avec le lecteur.
Prenons un exemple simple pour illustrer cette idée : l'utilisation du pronom à la première personne. Beaucoup d'écrivains ont été formés à l'idée qu'il est inapproprié d'utiliser "je" dans l'écriture expositive. Cette règle est souvent imposée sans explication, sous prétexte que "ce n'est pas correct". Pourtant, dans de nombreux cas, l'utilisation du pronom personnel peut enrichir l'écriture en humanisant le discours. L'absence de "je" peut être bénéfique dans certaines disciplines, notamment les sciences expérimentales, où l'accent doit être mis sur la procédure plutôt que sur le chercheur. Cependant, la règle de l'interdiction absolue de la première personne apparaît comme une contrainte infondée qui ne sert qu'à masquer l'intention de l'écrivain. À l'inverse, une utilisation réfléchie du pronom personnel peut renforcer la clarté et l'engagement du texte.
Enfin, la question des contractions dans l'écriture académique mérite également une réflexion. Bien que l'écriture académique soit souvent perçue comme formelle, l'évitement systématique des contractions peut rendre un texte rigide et peu naturel. L'usage des contractions peut, au contraire, donner un ton plus fluide et plus humain au discours. L'idée n'est pas de rédiger dans un style trop informel, mais de ne pas se laisser enfermer dans des conventions qui nuisent à l'efficacité de la communication.
L'écriture, loin d'être un simple acte technique, doit être perçue comme un moyen de communication authentique, un espace où le rédacteur cherche à établir un lien profond et sincère avec son lecteur. Que ce soit dans l'académie ou ailleurs, l'écriture doit toujours viser à créer une véritable interaction. Si les règles sont nécessaires, elles ne doivent pas devenir des chaînes ; elles doivent être utilisées pour servir l'objectif fondamental de l'écriture : communiquer de manière claire, sincère et humaine.

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