Lorsqu'une ostéotomie est réalisée, il est essentiel de respecter les règles techniques pour éviter une correction insuffisante ou une complication post-opératoire. La correction de la déformation tibiale dépend en grande partie de l’emplacement du Centre de Rotation et d’Angulation (CORA), une zone clé pour déterminer l’orientation et la translation du segment osseux. Si la coupe d’ostéotomie excède un certain rayon critique, la correction devient moins efficace et peut entraîner des mouvements indésirables comme une translation et une angulation supplémentaires. Cette problématique peut se présenter particulièrement dans le cadre des ostéotomies de type dôme, où la coupe de l'os doit être située précisément au niveau du CORA. Une ostéotomie de type dôme mal placée entraîne une déformation supplémentaire du fragment osseux.

L'ostéotomie du dôme peut être réalisée à l’aide de lames de scie spéciales ou par pénétration répétée avec des fils K. Un petit implant, comme une plaque de 3,5 mm fixée de manière lâche par une vis, peut être utilisé pour stabiliser la zone autour du CORA, afin de créer une courbure agréable. Cependant, il faut garder à l’esprit que ce type d'ostéotomie ne permet pas de corriger des déformations de type rotationnelles.

Dans notre clinique, les déformations post-traumatiques du tibia, en particulier celles touchant la face médiale de l’os, sont fréquemment corrigées par une ostéotomie médiale. En cas de déformation variqueuse ou valgique, une ostéotomie par coin d’ouverture ou de fermeture est effectuée. Pour les déformations supérieures à 10°, une approche latérale peut être préférée. Cependant, les ostéotomies de type dôme sont toujours réalisées par voie antérieure. Chaque approche présente des avantages et des inconvénients, que ce soit pour la préservation de la longueur du membre, la gestion du risque de non-union, ou encore la préservation des structures neurovasculaires.

Les déformations complexes nécessitent souvent des interventions plus précises, surtout lorsqu’il n’est pas possible de localiser le CORA au niveau de la tibia. Ces déformations sont souvent accompagnées d'une combinaison de déformations angulaires, translationales et rotationnelles. Lorsqu'une déformation translatoire est présente, le CORA est souvent décalé soit vers le bas, soit vers le haut, ce qui complique la correction. Dans ces cas, la correction peut être réalisée au niveau du site de fracture, ou encore mieux au niveau du CORA déplacé (appelé a-t CORA). Ce dernier approche minimise les risques de complications liées à la vascularisation et aux tissus mous au niveau de la fracture.

Les principes de correction appliqués dans le plan frontal peuvent également être utilisés dans le plan sagittal pour corriger des déformations de type pro- ou rétrocurvatum. Toutefois, le diagnostic des déformations nécessite souvent une analyse en trois dimensions, qui peut être réalisée par tomodensitométrie (TDM). La TDM permet une visualisation plus précise de la déformation tridimensionnelle, notamment en ce qui concerne la rotation de l’os autour de ses axes longitudinaux. Cela est particulièrement utile lorsqu’on fait face à des déformations plus complexes, difficiles à traiter avec des radiographies conventionnelles.

L’analyse des déformations tridimensionnelles dans notre clinique utilise des modèles de surface triangulaire issus des données de TDM, ce qui permet une évaluation plus précise de la déformation, ainsi que de la rotation et de la translation des segments osseux. Le modèle inversé de l'os contralatéral est souvent utilisé comme référence pour aligner la partie déformée du tibia ou de la fibula. Grâce à un algorithme d'enregistrement de surface, la correction des déformations est alors calculée avec une grande précision.

Le recours à des outils de planification tridimensionnelle et à des instruments chirurgicaux personnalisés, comme des guides d'ostéotomie imprimés en 3D, est de plus en plus courant dans la pratique clinique. Ces technologies permettent de guider précisément la coupe et la reposition des os pendant l’intervention, ce qui améliore la précision des corrections et réduit le risque de complications post-opératoires. Les guides, fixés avec des fils K, orientent le chirurgien pendant la réalisation de l’ostéotomie et assurent une stabilisation optimale de l’os une fois la correction effectuée.

Il est crucial de noter que la fibula peut être un facteur limitant dans la correction des déformations tibiales, notamment en raison de la présence de ponts osseux ou de cicatrices qui restreignent les mouvements entre les deux os. Si le centre de rotation se trouve trop près de la fibula, une translation de cette dernière peut survenir, réduisant ainsi sa zone de contact et compromettant potentiellement la guérison. Dans de tels cas, il est souvent nécessaire de déplacer le centre de rotation vers l'extérieur pour préserver une correction adéquate de la déformation.

Pour réussir la correction de déformations complexes, la planification préopératoire en trois dimensions s'avère essentielle. Les systèmes modernes d'imagerie permettent de visualiser l’anatomie du patient de manière détaillée, offrant ainsi une base solide pour la planification de l'ostéotomie. Grâce à ces outils, il devient possible de déterminer la meilleure approche chirurgicale, que ce soit une ostéotomie par ouverture ou fermeture de coin, ou encore une ostéotomie de type dôme.

Quel est l'impact des différentes techniques chirurgicales sur les lésions ostéochondrales du talus et leur efficacité à long terme ?

Les lésions ostéochondrales du talus, qu'elles soient aiguës ou chroniques, représentent un défi clinique complexe en raison de leur capacité limitée à se réparer de manière naturelle. Les approches chirurgicales actuelles visent à restaurer l'intégrité du cartilage articulaire, essentiel pour la fonction articulaire normale, et à améliorer la qualité de vie des patients, en particulier ceux souffrant de douleurs chroniques ou de déficits fonctionnels importants. Parmi les diverses stratégies thérapeutiques, les microfractures, les greffes ostéochondrales autologues et les techniques de forage rétrograde sont particulièrement notables.

Les microfractures, qui consistent à stimuler la moelle osseuse sous-jacente après débridement et curetage de la lésion, ont montré des résultats variables en fonction de la taille de la lésion et de l'état général du patient. Un récent méta-rapport indique que la combinaison de l'excision des fragments, du curetage de la base de la lésion et de la stimulation de la moelle osseuse a un taux de succès de 85 %. Cependant, les résultats isolés de l'excision seule sont nettement inférieurs, avec seulement 32 % de succès. Ces résultats sont améliorés par l'administration intra-articulaire d'hyaluronate, qui a démontré une réduction de la douleur et une amélioration de la fonction. L'ajout de plasma riche en plaquettes (PRP) ou de concentré d'aspirat médullaire dans les procédures de stimulation de la moelle osseuse a également montré des capacités de réparation accrues, bien qu'aucun cartilage hyalin n'ait été retrouvé à long terme. Les résultats peuvent être optimisés par des injections intra-articulaires post-chirurgicales, une technique de plus en plus courante.

La technique de forage rétrograde, qui utilise un fil guide et un forage sous contrôle radiographique, est une autre option thérapeutique efficace, surtout lorsque le cartilage articulaire reste intact. Cette procédure évite d'endommager le cartilage en préservant l'intégrité des structures environnantes. Elle est cependant contre-indiquée lorsque le cartilage articulaire est déjà érodé, car la stimulation de la moelle osseuse ne serait plus suffisante pour soutenir une régénération adéquate.

Lorsqu'il s'agit de l'option la plus invasive, la greffe ostéochondrale autologue (mosaïcplastie) est de plus en plus utilisée pour les lésions importantes. Cette technique consiste à prélever des cylindres ostéochondraux de petites tailles dans une zone donneuse, généralement dans la partie antérolatérale du condyle fémoral latéral, et à les transplanter dans la lésion ostéochondrale du talus. Le terme « mosaïcplastie » fait référence à l'implantation de ces cylindres côte à côte, formant un patch de cartilage et d'os qui favorise une récupération fonctionnelle optimale. Les résultats sont encourageants, mais des zones entre les cylindres greffés restent souvent sans couverture cartilagineuse, entraînant un remplissage par du fibrocartilage de qualité inférieure au cartilage hyalin. Les indications pour ce type de greffe incluent les lésions supérieures à 1,5 cm² ou celles qui ne répondent pas aux traitements conservateurs, ainsi que les lésions associées à des kystes sous-chondraux.

Les complications de la mosaïcplastie, bien que rares, peuvent inclure des douleurs résiduelles dans la zone donneuse, surtout chez les patients âgés de plus de 40 ans. Cependant, les résultats restent globalement positifs, avec un faible taux de symptômes dérivés de la zone donneuse et une restauration fonctionnelle efficace du talus. Le positionnement correct des cylindres ostéochondraux est essentiel pour garantir une répartition adéquate de la charge et éviter des complications telles que la surcharge du greffon, qui peut entraîner une délamination du cartilage.

Il est important de noter que, bien que les techniques chirurgicales modernes offrent de bonnes perspectives, l'évaluation préopératoire et la sélection des patients sont cruciales pour obtenir les meilleurs résultats. Les patients jeunes et en bonne santé, avec des lésions limitées et une préservation du cartilage, présentent généralement de meilleurs résultats que ceux âgés ou souffrant de pathologies articulaires dégénératives.

Dans l'ensemble, la prise en charge des lésions ostéochondrales du talus nécessite une approche individualisée, prenant en compte la localisation et la taille des lésions, l'âge du patient, et la réponse aux traitements antérieurs. De plus, les avancées en matière de greffes et de régénération cartilagineuse continuent d'évoluer, offrant des perspectives nouvelles pour améliorer la récupération fonctionnelle à long terme.