Dans le contexte de la lutte mondiale contre le terrorisme, une évolution profonde de la narration s’est installée. Le terrorisme n’est plus simplement perçu comme une tactique utilisée par un ennemi défini dans un cadre géopolitique précis, mais comme un état permanent, une menace omniprésente qui justifie un combat incessant. Même après le retrait des troupes américaines d’Irak et l’annonce d'une "victoire", le terrorisme restait une priorité constante. En ce sens, la guerre contre le terrorisme est vouée à ne jamais être véritablement gagnée, et les étapes finales de ce programme de guerre se prolongent indéfiniment. La narration qui accompagne cette approche met en avant le terrorisme comme un phénomène inintelligible aux règles de la guerre civile, où la cible devient l’innocence des civils. Dès lors, toute action, y compris la torture, l’enlèvement et les attaques massives, est justifiée dans cette lutte implacable contre une menace irrationnelle.
Il en résulte que le terrorisme devient un récit global, un prisme par lequel les actions militaires et politiques sont interprétées et légitimées. Ce récit fait de la terreur une condition persistante de l’existence sociale, où la notion de "guerre" se dilue pour devenir une série de représailles et d'attaques justifiées. Le discours sur le terrorisme se trouve ainsi gouverné par un contrôle strict des images et des narratifs, à travers les médias et la politique, contribuant à façonner la perception d'une réalité sociale où chaque action peut être justifiée par la lutte contre ce mal abstrait. Ce phénomène se trouve amplifié sous l’administration Obama, qui, bien qu’ayant cherché à éviter l’usage de la torture, a radicalement intensifié l’usage de frappes par drones, tuant des civils au passage et élargissant cette guerre au-delà des frontières géographiques.
Le discours sur le terrorisme a également pris une nouvelle dimension après la montée en puissance de l’État islamique (ISIS), dont l’efficacité à semer la terreur s’étendait bien au-delà des frontières de l'Irak et de la Syrie. Le groupe a réussi à attirer des recrues, notamment en Europe et aux États-Unis, transformant la lutte en une guerre asymétrique où les menaces provenaient aussi bien de l’étranger que de l'intérieur, via des attaques menées par des extrémistes locaux inspirés. Le terrorisme domestique a ainsi renforcé une peur généralisée, nourrissant le discours sur l'insécurité, mais sans que cette menace ne soit perçue de manière égale aux autres violences sociales. Ce qui caractérise particulièrement la violence terroriste, c’est le sens qui lui est donné : elle est souvent inscrite dans un contexte religieux ou idéologique, comme dans les attaques orchestrées par des groupes comme Al-Qaïda ou ISIS, contrairement aux homicides de masse, souvent dépeints comme des actes isolés ou l’œuvre de personnes perturbées mentalement.
La gestion politique de cette peur, surtout après l’élection de Donald Trump, a également mis en évidence une gouvernance de la terreur. À travers son discours incendiaire, Trump a radicalisé la perception du terrorisme en l'associant systématiquement à l'islam radical, ce qui a intensifié les clivages sociaux et renforcé un climat de méfiance envers les communautés musulmanes. Ses déclarations, comme celle selon laquelle "l'islam nous déteste", ont exacerbé les tensions sociales et alimenté un sentiment de peur. Le terrorisme est ainsi devenu une figure de la guerre globale, mais aussi un outil de politique intérieure, servant à justifier des actions répressives à l’encontre de groupes perçus comme menaçant la stabilité de l’État.
Il est crucial de comprendre que cette narration de la terreur ne se limite pas à la simple identification d’une menace extérieure, mais elle sert aussi à redéfinir les règles de la guerre et à légitimer des politiques de violence extrême. Le recours à des frappes ciblées, l’extension des théâtres d’opérations à des pays n’ayant pas demandé cette guerre, ou encore la transformation de chaque attaque terroriste en un événement tragique qui dépasse le cadre national, sont autant d’éléments qui contribuent à façonner une perception distordue du monde.
Il ne faut pas sous-estimer l’impact de cette logique sur la société, où la peur devient omniprésente et détermine les choix politiques. Ce discours de la terreur ne se limite pas à la sphère internationale mais pénètre profondément la vie domestique, exacerbant la polarisation et la violence à l’intérieur même des sociétés occidentales. Les attentats massifs, souvent commis par des individus ou de petits groupes, sont répercutés dans l’imaginaire collectif comme étant le fruit d’une idéologie irrationnelle et intolérante, et non comme un symptôme de tensions sociales et économiques plus complexes.
La perception du terrorisme, façonnée par cette narration, empêche une analyse plus nuancée des causes profondes de la violence. L'assimilation systématique de tous les actes terroristes à une forme d'« islamisme radical » ignore les racines géopolitiques, sociales et économiques qui peuvent nourrir de tels actes. Par ailleurs, la distinction entre terrorisme et violence ordinaire s’avère de plus en plus floue, alimentant un discours qui se fait de plus en plus manichéen.
Le monde politique et médiatique doit aussi être vigilant face aux dangers de cette simplification. Une attention excessive à la question du terrorisme, au détriment des autres formes de violence, peut mener à des choix politiques qui exacerbent encore les inégalités et les injustices, alimentant un cycle de violence sans fin.
Quel est l'impact durable de la gouvernance Gonzo de Trump sur les institutions américaines ?
Donald Trump a émergé sur la scène politique en défiant des conventions et des valeurs profondément ancrées dans la société américaine, principalement en raison de la manière dont il a été présenté et perçu. Ce qui est particulièrement frappant, c'est que son ascension n’a pas seulement reposé sur son discours, mais sur la façon dont il a manipulé son image à travers les médias. Trump, en tant que personnage, a été métamorphosé par un écosystème numérique en pleine expansion, où la communication instantanée et visuelle dominait. Il n'était pas seulement un homme politique traditionnel, mais une figure médiatique, un showman, qui répondait à un besoin de spectacle, de grandeur et de reconnaissance. Pour beaucoup, il incarnait un type de "boss", un chef d'orchestre de la politique, ce qui résonnait avec un électorat frustré par des politiques perçues comme inefficaces ou déconnectées de leur réalité quotidienne.
L’impact de cette image, d’abord, se mesurait dans les façons dont Trump attaquait les valeurs fondamentales de la démocratie américaine. Les institutions politiques, les rituels civiques, et même les résultats des élections ont été contestés. Plus encore, ses discours et ses actions ont amplifié des sentiments de peur et d’anxiété sur l’avenir, exacerbés par une décennie de guerre en Irak et en Afghanistan, dont les répercussions psychologiques se sont installées profondément dans le discours public américain. L'usage de la peur comme outil politique n’était pas nouveau, mais Trump l’a redéfini par une nouvelle logique des médias, celle du format numérique, qui permet une interaction instantanée et directe avec un public en quête de validation émotionnelle. À travers ses tweets, ses discours et ses apparitions, il a offert une forme de communication qui, en dépit de sa simplicité et parfois de son incohérence, semblait plus "authentique" que celle de ses prédécesseurs.
Cette forme de gouvernance, qualifiée de "Gonzo Governance", va au-delà des simples effets de la politique traditionnelle. Elle remet en question la stabilité des institutions politiques elles-mêmes. La capacité de Trump à manipuler les médias sociaux et à générer un flot constant d’interactions sur des plateformes comme Twitter a non seulement renforcé sa popularité, mais a aussi transformé la manière dont les campagnes politiques étaient menées. Le numérique, dans ce cas, n'était pas seulement un vecteur d'information, mais un espace où les opinions se formaient et se solidifiaient à travers un processus de validation mutuelle. Les réseaux sociaux ont permis aux partisans de Trump de s’affirmer dans une communauté digitale où les croyances communes étaient amplifiées par des algorithmes alimentant des émotions collectives. Les memes, les emojis, et les messages visuels ont eu un rôle déterminant dans cette dynamique, remplaçant les arguments politiques traditionnels par des éléments plus instantanés, plus émotionnels, mais souvent plus superficiels.
Il est important de comprendre que cette dynamique n’a pas été exclusive à Trump, mais qu’elle a pris une ampleur particulière sous son administration. La logique des médias numériques, bien que présente depuis les débuts de l’Internet, a atteint une nouvelle étape avec lui. Son influence s’est construite sur un terrain déjà préparé, celui d’une société prête à consommer de l’information sous des formats compressés, adaptés à une attention de plus en plus réduite. Il a ainsi transformé les institutions américaines, les remettant en cause, les attaquant, et parfois les contournant, ce qui a eu pour conséquence directe l’affaiblissement de la confiance dans les structures de gouvernance traditionnelles.
Trump a, par ses actes et ses discours, sapé le respect des résultats électoraux, attaqué le Congrès et les médias libres, et a même mis en doute la science et les lignes directrices de santé publique pendant la pandémie de COVID-19. L’un des aspects les plus préoccupants de cette gouvernance était son refus de reconnaître les limites du pouvoir présidentiel et la manière dont ses partisans ont vu leurs frustrations et peurs validées par ses discours. Les rassemblements de Trump, tels que ceux organisés lors de ses tournées électorales, étaient des événements puissants où l’émotion collective et la cohésion de groupe se renforçaient. Les images de ces rassemblements, souvent retransmises en direct, créaient un sentiment d’unité parmi ses partisans, consolidant une identité collective tournée autour de sa personne. Pour beaucoup, ces rassemblements étaient non seulement un lieu de support politique, mais aussi un rituel émotionnel, un espace de validation et de réaffirmation de leur appartenance à une communauté aux idéaux communs.
Ce phénomène n’est pas isolé. Il s’inscrit dans un processus plus large de transformation des pratiques politiques à l’ère numérique, où la communication de masse, les récits simplifiés et les émotions sont devenus des leviers puissants. Pourtant, il ne faut pas oublier que derrière cette forme de gouvernance réside une question essentielle : quelle est la place des institutions dans un tel contexte ? Si Trump a pu déstabiliser ces dernières, qu’en est-il de la résilience de la démocratie américaine à long terme ? Les changements qu’il a initiés sont-ils seulement passagers, ou ont-ils marqué un tournant irréversible dans la manière dont le pouvoir et la politique seront perçus dans le futur ?

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