L'établissement du Sultanat de Delhi et la propagation de l'islam dans le sous-continent indien marquent indéniablement des tournants majeurs dans l'histoire de la région. Cependant, une question subsiste : cet événement a-t-il créé une rupture fondamentale dans le tissu de la vie quotidienne des gens ordinaires ? Bien que cette interrogation semble légitime, nombreux sont les historiens qui ont rejeté la périodisation traditionnelle de l'histoire indienne, fondée sur une distinction Hindou-Musulman-Britannique. À la place, ils ont opté pour une classification plus neutre, divisant l’histoire en périodes anciennes, médiévales, modernes et contemporaines. Les frontières de ces périodes varient, mais généralement, la période ancienne s'étend de la préhistoire jusqu'au VIe siècle de notre ère, la période médiévale de la fin du premier millénaire jusqu'au XVIIIe siècle, et la période moderne débute au XVIIIe siècle.
Cependant, ces délimitations, bien que pratiques, ne doivent pas être considérées comme des lignes de séparation absolues. Elles sont avant tout une manière de structurer le passé, mais leur rigueur peut être limitative, surtout lorsqu’on aborde des thèmes particulièrement intéressants de l’histoire indienne qui exigent une vue à long terme, capable de dépasser les frontières strictes de cette périodisation. Certains des éléments les plus fascinants de l'histoire de l'Inde se trouvent précisément dans les transitions et les continuités entre ces périodes.
L'histoire ancienne de l'Inde, par exemple, peut être découpée en préhistoire et histoire proprement dite. La préhistoire englobe la période antérieure à l'invention de l'écriture, tandis que l'histoire s'intéresse à la période où l'écriture a été mise en place. Un langage repose sur des symboles parlés pour la communication, tandis qu'un script constitue un système de communication visuelle qui associe des signes à des significations précises. Avant l’invention de l’écriture, les sociétés humaines utilisaient des langues orales, ce qui marquait une étape cruciale dans l’expression et la transmission des idées.
L'écriture, apparue autour de 3400 avant notre ère en Mésopotamie avec le cunéiforme et 3100 avant notre ère en Égypte avec les hiéroglyphes, a ouvert de nouvelles possibilités pour la transmission de la connaissance, mais elle n’a pas remplacé l’oralité. L’histoire de l'écriture en Inde est particulièrement intéressante, car bien que la civilisation Harappéenne, apparue vers 2600 avant notre ère, ait laissé des traces de son écriture, cette dernière n'a pas encore été déchiffrée. Le mystère qui entoure cette écriture perdure, tout comme celui de la disparition de l’écriture après l’effondrement de la civilisation Harappéenne, vers 1900 avant notre ère.
L'écriture en Inde a réapparu avec le script Brahmi à partir du IVe siècle avant notre ère. Bien que ce script soit utilisé pour la documentation de la culture et des événements, il existe une continuité avec la période préhistorique et protohistorique, où des sociétés sans écriture ont laissé une trace importante dans la tradition orale, comme les Védas. Il est donc nécessaire de comprendre que le passage à l'écriture, loin d’être une rupture absolue, a constitué un processus graduel et complexe, dont les impacts ont varié d’une région à l’autre.
La question qui se pose alors est celle de l'évolution de cette transition. Au nord de l'Inde, l'écriture semble avoir marqué le début de l'histoire au IVe siècle avant notre ère, alors qu’au sud, le passage à la période historique est généralement placé entre le IIIe et IIe siècle avant notre ère, avec les inscriptions tamoules-Brahmi et la littérature Sangam. Cependant, des découvertes récentes, comme celles de Sri Lanka et du Tamil Nadu, suggèrent que ce passage pourrait dater du IVe siècle avant notre ère. Si un jour l’écriture Harappéenne est déchiffrée, cela repousserait encore davantage les dates d’entrée dans l’histoire du nord de l'Inde.
Cela nous conduit à une réflexion importante : l'histoire n’est pas simplement une collection de faits ou d'événements. Elle est, avant tout, le fruit d’interprétations minutieuses basées sur des sources primaires et des arguments raisonnés. Chaque époque est marquée par des perspectives et des méthodes diverses qui varient avec le temps. La compréhension du passé indien nécessite une analyse en profondeur des sources, qu'elles soient écrites, archéologiques ou orales. Cette histoire complexe, où s'entrelacent continuité et ruptures, reflète une réalité bien plus nuancée que ce que les périodes chronologiques peuvent souvent suggérer.
La période médiévale, marquée par l’arrivée des Sultans de Delhi et la diffusion de l’islam, n’a pas simplement constitué un bouleversement politique et religieux. Elle a profondément influencé la structure sociale et les interactions culturelles. L’introduction de nouveaux concepts, valeurs et pratiques a redéfini certaines pratiques anciennes, mais l’impact de cette transformation sur la vie quotidienne des gens ordinaires reste une question ouverte. Les changements apportés par l’islam ont, certes, été significatifs dans les élites et les pratiques administratives, mais dans les régions plus éloignées du pouvoir central, la continuité des traditions et des croyances hindoues a été notable.
Cela montre bien que, bien que les périodes historiques aient leurs propres spécificités, elles doivent être comprises comme des moments dans un continuum plus large de dynamiques sociales, culturelles et économiques. Les sociétés humaines, même lorsqu’elles connaissent des changements profonds, maintiennent souvent une certaine stabilité dans les pratiques quotidiennes qui transcendent ces bouleversements.
Qu'est-ce que le Jaina et comment sa philosophie repousse-t-elle les limites de la réalité ?
Le terme "Jaina" désigne un adepte d'un jina, un être qui a vaincu les cycles de la souffrance et atteint la connaissance infinie, guidant ainsi d'autres vers la libération, ou moksha. Un Tirthankara, autre appellation du jina, est celui qui trace un pont à travers l'océan de la souffrance, permettant ainsi aux êtres vivants de se libérer du cycle de la naissance et de la réincarnation. Les Jaina croient en une conception du temps infinie, constituée de séquences appelées utsarpinis et avasarpinis, symbolisant respectivement des périodes progressives et régressives de bonheur. Chaque cycle de temps comprend six étapes appelées kalas. Chaque demi-cycle est marqué par la présence de 24 Tirthankaras. Dans notre cycle actuel, une période avasarpini (régressive), le premier Tirthankara fut Rishabhadeva. Il est difficile de vérifier historiquement l'existence de tous ces Tirthankaras, mais certains comme Neminatha, le 22e, seraient originaires de la région du Saurashtra, tandis que Parshvanatha, le 23e, aurait vécu à Bénarès.
Le 24e et dernier Tirthankara de notre époque, Vardhamana, plus connu sous le nom de Mahavira (le grand héros), représente la figure centrale de cette tradition. Mahavira, comme le Bouddha, naquit dans une famille royale vers 599 avant notre ère à Kundagrama, près de Vaishali, capitale du royaume de Videha. Son père, Siddhartha, était le chef de la tribu des Jnatri, et sa mère, Trishala, était la sœur du roi de Videha. Cette lignée Kshatriya joue un rôle plus prédominant dans la tradition Jaina que dans la tradition bouddhiste. Selon certaines versions de l'histoire, Mahavira aurait été conçu par un brahmane nommé Rishabhadatta, mais l'esprit divin, Shakra (Indra), aurait transféré l'embryon dans le ventre de Trishala, arguant que la naissance d'un Tirthankara ne pouvait avoir lieu dans une famille brahmane ou d'une classe inférieure.
Le récit de la naissance de Mahavira dans les traditions Shvetambara souligne des événements extraordinaires dès ses premiers instants. À peine né, Mahavira resta immobile dans le ventre de sa mère pour ne pas lui causer de douleur, et, dès qu'il perçut sa crainte de sa mort prématurée, il s'efforça de la rassurer. Cet acte précoce de compassion envers sa mère annonçait son engagement envers ahimsa, le principe de non-violence, qui guidera toute sa vie. Il fit un vœu solennel de ne pas renoncer au monde tant que ses parents seraient en vie.
L’histoire du renoncement de Mahavira varie selon les sources. Selon la tradition Shvetambara, il se serait retiré après la mort de ses parents, tandis que la tradition Digambara insiste sur le fait qu’il entreprit son ascétisme de façon indépendante, après avoir obtenu la permission de ses parents. Après avoir renoncé à sa vie familiale, Mahavira passa douze ans à pratiquer une austérité extrême, y compris la méditation et le jeûne, atteignant enfin la kevalajnana (connaissance infinie) près du village de Jrimbhikagrama, au bord de la rivière Rijupalika. Ce fut à ce moment que Mahavira, selon les Digambara, se libéra des imperfections humaines telles que la faim, la soif et la douleur. Il acquit la sagesse suprême et, débarrassé de tout besoin matériel, resta immobile, assis en posture de lotus, écouté par les dieux, déesses, humains et animaux.
Les deux traditions s’accordent sur sa mort à Pava (près de l'actuelle Pavapuri), à l'âge de 72 ans. Selon la tradition Shvetambara, Mahavira mourut de façon sereine, atteignant le statut de siddha (totalement libéré). Cette date, en 527 avant notre ère, marque le début de l'ère Vira-nirvana.
La critique Jaina des autres écoles philosophiques repose sur l'idée que leurs affirmations sur la réalité — qu’elle soit éternelle ou non, changeante ou immuable — ne représentent qu'une vision partielle et extrême de celle-ci. Plutôt que de rejeter ces visions comme totalement fausses, les Jaina les considèrent comme des énoncés partiellement vrais. Selon le concept d’anekantavada (doctrine de la pluralité de la réalité), la vérité est multi-dimensionnelle et dépend de la perspective de l’observateur. Le concept de syadavada, ou doctrine du "peut-être", soutient que chaque jugement est relatif à un aspect particulier d'un objet et au point de vue spécifique de l'observateur. Il n'existe donc pas de jugement universellement vrai sans qualification. Tout énoncé sur la réalité est conditionné par quatre facteurs : l'objet spécifique, son emplacement, son moment dans le temps, et son état particulier.
Cela amène à la théorie de la sapta-bhangi-naya, ou "nayas à sept volets", qui permet une compréhension nuancée de la réalité. Les Jaina pratiquent ce que l'on pourrait appeler une "non-violence intellectuelle", en reconnaissant que la diversité des perspectives sur le monde enrichit la compréhension sans jamais revendiquer une vérité absolue. L'idée centrale derrière anekantavada et syadavada est que la réalité dans sa totalité est inaccessible à l'esprit humain, et toutes les vérités formulées ne sont que des approximations partielles et contextuelles.
Il est essentiel pour le lecteur de comprendre que cette philosophie n'est pas simplement un exercice intellectuel, mais qu'elle se traduit directement dans la pratique spirituelle du Jaina. L'accent est mis sur la manière de percevoir le monde à travers des perspectives multiples, ce qui aide à cultiver une attitude de tolérance, d'humilité et de non-attachement. Ainsi, l’approfondissement de ces concepts amène non seulement à une meilleure compréhension philosophique, mais aussi à une approche plus équilibrée et harmonieuse de la vie quotidienne.
Comment les inscriptions anciennes reflètent-elles la mémoire collective et les valeurs des sociétés anciennes ?
Les inscriptions anciennes constituent une source précieuse pour comprendre non seulement l’histoire politique et religieuse, mais aussi les valeurs culturelles des sociétés qui les ont produites. Celles-ci peuvent être classées de diverses manières : selon la surface sur laquelle elles sont gravées, la langue utilisée, leur époque, et leur région géographique d'origine. Elles peuvent également être divisées en deux grandes catégories : les inscriptions officielles et privées. Les édits d’Ashoka ou les donations foncières royales en sont des exemples typiques d'inscriptions officielles. D’un autre côté, les inscriptions privées incluent des dons faits par des individus ou des guildes à des temples ou à des établissements bouddhistes et jaïns.
Les inscriptions peuvent aussi être catégorisées selon leur contenu et leur fonction, telles que les inscriptions donatives, dédiées ou commémoratives. Par exemple, l’inscription du pilier de Lumbini d’Ashoka est une inscription commémorative royale, qui rapporte un événement précis : la visite du roi au lieu de naissance du Bouddha. Cette classification révèle bien plus qu’un simple enregistrement des faits ; elle nous permet d’identifier les motivations sociales et religieuses derrière ces actes, qu’il s’agisse de commémorer un événement, de rendre hommage à une divinité, ou de célébrer un héros local.
Un autre type d’inscription particulièrement révélateur est celui des pierres commémoratives, aussi connues sous le nom de "pierres héroïques". En Inde, ces pierres, souvent trouvées dans les régions comme le Karnataka et l'Andhra Pradesh, portent des récits de vies exceptionnelles. Les pierres commémoratives ne sont pas toujours associées à des enterrements, et nombre d’entre elles ne comportent que des scènes sculptées — réalistes ou symboliques — parfois accompagnées de quelques inscriptions. Ces pierres ont été érigées en mémoire de héros morts au combat ou de femmes ayant pratiqué le sati, mais aussi de personnes ayant réalisé des actes d’héroïsme ou de sagesse. Dans certaines régions, ces pierres étaient même vénérées comme des objets sacrés.
Les inscriptions donatives, quant à elles, sont celles qui relatent des actes de générosité envers les établissements religieux, souvent inscrites sur les murs des sanctuaires, les balustrades, ou même les portails des temples. Certaines inscriptions sont gravées directement sur les images religieuses, et d'autres font état de l’investigation financière réalisée par des individus, servant à fournir des offrandes pour les cultes.
Les terres attribuées par les rois aux brahmanes et aux institutions religieuses font l’objet de nombreuses inscriptions en métal, souvent sur des plaques de cuivre. Ces donateurs enregistraient dans les inscriptions les exemptions fiscales accordées sur ces terres. Bien que les premiers exemples de telles inscriptions remontent au Ier siècle de notre ère, c’est au cours de la période médiévale que les inscriptions en cuivre se multiplient, devenant un moyen standard de documentation des générosités royales.
Les inscriptions royales sont fréquemment accompagnées de prashastis, c'est-à-dire des panégyriques qui célèbrent les mérites du roi ou de la personne en question. Ces panégyriques peuvent occuper une place centrale dans l’inscription, ou bien être simplement une introduction à un texte plus long. Des exemples célèbres sont l’inscription d'Hathigumpha de Kharavela, roi de Kalinga au Ier siècle av. J.-C., ou encore l’Allahabad prashasti du IVe siècle qui loue les exploits de l’empereur Gupta Samudragupta.
Les pierres commémoratives sont un miroir des idéaux d’une époque donnée. Dans la région de Nagarjunakonda, une colonne commémorative rend hommage à un artisan. Elle se distingue par sa simplicité : l’inscription ne mentionne que son nom, Mulabhuta, et son origine. Mais d’autres pierres sont beaucoup plus élaborées, comme celle qui honore un roi et sa famille, illustrant des scènes de la vie du souverain à travers des reliefs. Ces pierres illustrent non seulement des événements historiques, mais aussi des croyances profondes liées à la mort et à l’après-vie. Elles permettent de saisir les rituels funéraires, ainsi que la place centrale de l’héroïsme et de la piété dans la société ancienne.
Une autre forme d’inscription, moins fréquemment mentionnée mais néanmoins significative, est celle qui enregistre la construction d'infrastructures publiques. Les initiatives royales concernant l’aménagement de réservoirs d’eau ou de puits ont souvent été commémorées par des inscriptions. Par exemple, une inscription de 150 après J.-C. sur une roche à Junagadh, en Gujarat, détaille la construction du réservoir de Sudarshana, entrepris sous le règne de Chandragupta Maurya et achevé sous Ashoka, avant d’être réparé plusieurs siècles plus tard, sous le règne de Skandagupta. Ces inscriptions sont des témoignages non seulement de la grandeur des réalisations, mais aussi de l’importance de la gestion des ressources naturelles dans les sociétés anciennes.
Dans les périodes plus récentes, certains types d’inscriptions, comme celles sur les plaques de cuivre ou les étiquettes en métal, continuent de témoigner de la culture et des croyances des peuples. De même, des inscriptions plus informelles, comme les graffitis laissés par les pèlerins ou les voyageurs, nous offrent une vue intrigante sur les pratiques religieuses et sociales quotidiennes des anciennes communautés.
Les inscriptions anciennes, au-delà de leur aspect documentaire, sont donc une fenêtre fascinante sur les préoccupations spirituelles, sociales et politiques des civilisations passées. Leur durabilité, par rapport aux manuscrits, permet de relier ces documents à des événements spécifiques et à un lieu donné, renforçant ainsi leur valeur en tant que sources historiques primaires.
Quel est l'impact de la phase pré-Harappéenne sur l'émergence de la civilisation de l'Indus ?
La datation des phases de la civilisation Harappéenne, notamment la période dite « Harappéenne tardive » (c. 1900–1300 avant notre ère), reste sujette à débat. Selon certaines publications, notamment celles de Chakrabarti (2014), les dates varient et dépendent souvent des méthodes utilisées pour les établir. Par exemple, Chakrabarti place la phase Harappéenne mature à partir de 2700 avant notre ère, tout en la reliant à des artefacts découverts dans les tombes royales d'Ur, supposées dater de 2600 avant notre ère. Toutefois, la datation exacte de ces tombes demeure incertaine. Il est donc essentiel de comprendre que les dates attribuées aux différentes phases de la civilisation Harappéenne sont approximatives et doivent être révisées à mesure que de nouvelles données radiométriques sont disponibles.
La question des origines de la civilisation de l'Indus, tout comme pour d'autres grandes civilisations, est complexe et suscite encore de nombreux débats. John Marshall, dans son rapport sur Mohenjodaro, suggérait que cette civilisation devait avoir une longue histoire antérieure sur le sol indien. Toutefois, des théories diffusionsites ont également vu le jour. Par exemple, E. J. H. Mackay proposa que la civilisation Harappéenne pourrait résulter d'une migration en provenance de Sumer, mais ce point de vue a été largement débattu. Mortimer Wheeler, quant à lui, préférait l'idée d'une migration d'idées, soulignant que la notion de civilisation était déjà présente en Asie occidentale au IIIe millénaire avant notre ère. Cependant, cette théorie de l'influence extérieure est aujourd'hui contestée, car plusieurs différences frappantes existent entre les civilisations mésopotamienne et harappéenne, que ce soit en termes d'écriture, de métallurgie, de système urbain ou de pratiques agricoles.
Si la civilisation Harappéenne ne peut être perçue comme un simple prolongement ou une dérivation directe de la civilisation mésopotamienne, la question se pose alors : quelle est son origine ? L'une des réponses se trouve dans les communautés agricoles établies dans le Baloutchistan au VIIe millénaire avant notre ère, une zone qui a vu l’émergence des premières communautés sédentaires. Avant d'atteindre son apogée, la civilisation Harappéenne s’est donc progressivement formée au cours de la phase dite pré-Harappéenne, plus tard renommée « phase Harappéenne précoce ».
C'est Amalananda Ghosh, dès 1965, qui fut le premier à établir un lien direct entre la culture pré-Harappéenne, notamment la culture Sothi du Rajasthan, et la civilisation Harappéenne mature. Ghosh remarqua des similitudes marquées entre la poterie de Sothi et celle de plusieurs autres sites du Baloutchistan et de la vallée de l'Indus, tout en soulignant les ressemblances avec certains niveaux pré-Harappéens d'autres sites comme Kalibangan et Kot Diji. Toutefois, il est important de souligner que cette hypothèse repose presque exclusivement sur des comparaisons céramiques et ignore d'autres traits matériels significatifs.
La première analyse approfondie des données provenant des sites pré-Harappéens a été réalisée par M. R. Mughal en 1977. Mughal a comparé un large éventail de données provenant des sites pré-Harappéens et Harappéens matures, telles que la poterie, les outils en pierre, les artefacts métalliques, ainsi que les structures architecturales. Selon lui, la phase pré-Harappéenne représente la phase formative initiale de la culture Harappéenne. Par conséquent, Mughal proposa de remplacer l’appellation « pré-Harappéenne » par celle de « phase Harappéenne précoce ». Cette phase est cruciale non seulement pour la formation des grandes cités, mais aussi en tant que phase autonome ayant ses propres caractéristiques culturelles distinctes.
Il existe de nombreux sites représentant cette phase Harappéenne précoce. Balakot, situé sur la côte de Sonmiani Bay au Makran, est un exemple frappant. Les fouilles ont révélé des poteries fabriquées au tour, peintes, et similaires à celles de la culture Nal. Les artefacts trouvés à Balakot incluent des outils microlithes, des figurines de taureaux, des objets en cuivre, ainsi que des perles en lapis-lazuli, en pierre, en coquillage et en pâte. En plus des vestiges de faune, des restes de plantes telles que de l'orge, du pois, des légumineuses et des baies ont également été découverts. Ces éléments montrent non seulement l’avancée des sociétés locales dans l’agriculture et l’artisanat, mais aussi la diversité de leurs échanges commerciaux.
Amri, situé dans la vallée de l'Indus, a révélé des traces d'une occupation remontant à environ 3500 avant notre ère. Les différentes phases d'Amri montrent un raffinement progressif de la poterie, avec une variété de formes et de décorations géométriques. Les structures en briques de boue commencent à faire leur apparition, et les objets trouvés sur place incluent des lames en silex, des figurines de terre cuite, des bracelets et des perles. Ces découvertes témoignent de la sophistication croissante des sociétés Harappéennes précoces et de leurs pratiques artisanales.
À Kot Diji, une autre région clé, les niveaux Harappéens précoces sont également bien représentés. Les fouilles ont mis en évidence une grande citadelle fortifiée et une série de structures résidentielles. La poterie de cette période se distingue par des motifs géométriques et des peintures aux teintes variées, allant du brun au noir et à l’ocre. Kot Diji, tout comme Amri et d'autres sites, montre une société en pleine maturation, où l'urbanisation commence à se dessiner lentement mais sûrement.
Il est essentiel de comprendre que la phase précoce Harappéenne n’est pas seulement un prélude à l’urbanisation, mais constitue également un moment fondamental où se cristallisent de nombreuses pratiques qui caractériseront la civilisation de l’Indus à son apogée. La transition de la phase pré-Harappéenne à la civilisation mature est le résultat de l’intégration d’innovations techniques, sociales et culturelles qui se sont consolidées au fil du temps, favorisant l’émergence des grandes cités.

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