Les résultats expérimentaux sur les matériaux cathodiques LiCrO2 dopés au LiF montrent des changements significatifs dans leur structure locale et leurs propriétés électrochimiques. En particulier, l’ajout de LiF dans le LiCrO2 a modifié l’état d'oxydation de certains ions Cr, provoquant une réduction du rayon ionique de ces ions. Cette modification est attribuée à l’oxydation partielle de Cr3+ en Cr4+, un processus facilité par l'ajout du fluor, qui est un oxydant puissant en raison de son électronégativité élevée. Ce phénomène est confirmé par des données de diffraction des neutrons et des spectres XANES des bords L2,3 du Cr, qui montrent des différences notables dans les structures locales des composés obtenus, notamment une diminution de la longueur des liaisons Cr-O(F) et Cr-Cr, suggérant un raccourcissement des distances ioniques après oxydation.

D'un point de vue électrochimique, les tests de charge-décharge sur les systèmes xLiF-LiCrO2 ont montré une amélioration des capacités de décharge initiales avec l’augmentation de la teneur en LiF jusqu'à 0.7. Cette composition a atteint une capacité de décharge d'environ 210 mAh/g, ce qui représente environ 92 % de la capacité théorique calculée. Cependant, au-delà de ce seuil, l'augmentation du LiF n'a pas entraîné d'amélioration supplémentaire de la capacité de décharge, bien que le nombre d'électrons réagissant ait augmenté. En revanche, la capacité de cyclabilité du système a diminué avec l'augmentation du LiF, un phénomène attribué à la dissolution possible des ions Cr6+ générés lors du processus de charge. Les ions Cr6+, en raison de leur forte solubilité dans l'électrolyte, peuvent entraîner une perte de cyclabilité des matériaux.

Les résultats des tests de capacité à des densités de courant variées ont montré que les matériaux dopés au LiF avaient une meilleure capacité de taux comparativement aux LiCrO2 broyés, ce qui suggère que la diffusion des ions Li dans le réseau est facilitée par l'ajout de LiF. Ce phénomène s'explique par la formation d'un environnement localement riche en Li, ce qui affaiblit les interactions électrostatiques entre les ions Li et les métaux de transition dans le réseau cristallin, comme observé dans d'autres matériaux désordonnés à excès de Li, tels que Li1.2Mn0.4Ti0.4O2. Ce type de matériaux favorise une meilleure diffusion des ions Li, améliorant ainsi la capacité de charge-décharge.

L'ajout excessif de LiF a donc permis une amélioration de la capacité réversible des matériaux LiCrO2, mais a également compromis la cyclabilité, un aspect crucial pour la durabilité des batteries lithium-ion. Pour pallier ce problème, l’utilisation d’électrolytes concentrés ou de liquides ioniques pourrait offrir une solution, car ces derniers sont capables de limiter la dissolution des ions Cr6+ et ainsi améliorer la stabilité cyclique du matériau.

Il est important de noter que l’optimisation des performances électrochimiques des cathodes LiCrO2 ne repose pas uniquement sur l’ajustement de leur composition chimique, mais également sur la gestion des interactions entre les ions et l’électrolyte. En outre, l'impact de l'ajout de LiF sur les propriétés de diffusion des ions Li souligne l'importance de comprendre la relation complexe entre la structure cristalline, les interactions électrostatiques et les performances globales des batteries. Ces éléments doivent être pris en compte lors du développement de nouvelles générations de matériaux cathodiques pour batteries lithium-ion.

Quelles sont les causes de la formation d'une couche hautement résistive à l'interface entre LLZTO et LxCO dans les batteries lithium-ion à électrolyte solide ?

La formation d'une couche hautement résistive à l'interface entre le LLZTO (Li7La3Zr2O12) et le LxCO (LiCoO2) dans les batteries lithium-ion à électrolyte solide est un phénomène complexe qui résulte de plusieurs processus interfaciaux. Ce problème est particulièrement évident lorsque la zone de contact entre les deux matériaux est mal traitée thermiquement, ce qui conduit à une augmentation importante de la résistance interfaciale. Sans un traitement thermique approprié, le contact entre les interfaces est défectueux, ce qui génère une résistance interfaciale accrue. Cette résistance est accentuée après un traitement thermique effectué à 100 °C, suggérant la formation d'un LLZTO défectueux, déficient en lithium et en oxygène, qui crée une couche résistive dans la zone d'interface.

Lorsque la température de traitement thermique atteint 200 °C, une nouvelle composante est observée à des fréquences plus basses, autour de 30 Hz. Cela indique la formation d'une phase secondaire après le recuit à cette température. Ces augmentations de résistance sont également corroborées par les changements structuraux observés dans la diffraction des rayons X (XRD) à des températures inférieures à 200 °C. L'idée centrale qui émerge de ces observations est que la migration spontanée du lithium, déclenchée par un écart de potentiel chimique de lithium (µLi) entre le LxCO et le LLZTO, entraîne une dégradation des propriétés électrochimiques de l'interface.

L'une des conclusions majeures de ces analyses est que la principale composante de la couche résistive à l'interface LLZTO-LCO est un LLZTO séparé de phase, plutôt que la formation d'une couche d'interdiffusion de métaux de transition. Cette migration du lithium, induite par l'écart chimique de µLi entre les deux matériaux, est un élément clé du processus. À une température relativement basse de 60 °C, la migration du lithium entre le LLZTO et le LxCO devient plus prononcée, augmentant la formation de vacance d'oxygène pour compenser les charges, ce phénomène étant particulièrement manifeste jusqu'à 200 °C. Au-delà de 200 °C, la structure du LLZTO déficient en lithium et en oxygène s'effondre en raison de la montée en température, entraînant une augmentation des vacants en lithium et oxygène. Cette augmentation se traduit par une force de migration plus importante et une résistance encore plus élevée.

Ce processus de migration du lithium et de la formation de vacants oxygène à basse température peut être considéré comme un facteur précurseur de la dégradation observée dans les performances des batteries à électrolyte solide. Au-delà de 600 °C, l'interdiffusion des métaux de transition entre le LLZTO et le LxCO devient visible, mais cela ne se produit qu'à des températures relativement élevées. Ce constat démontre l'importance de contrôler soigneusement la différence de potentiel chimique (ΔµLi) à l'interface solide-solide dans le cadre de la conception de batteries lithium-ion à électrolyte solide. Le contrôle de cet écart de potentiel est ainsi le paramètre critique pour le développement de batteries lithium-ion solides de haute performance, car une mauvaise gestion de ce processus peut conduire à des dégradations irrémédiables des performances électrochimiques.

Enfin, il est essentiel de noter que la conception de matériaux pour minimiser ΔµLi à l'interface solide-solide est un défi majeur dans le développement de batteries lithium-ion solides. Les matériaux qui permettent de réduire cet écart chimique à l'interface, tout en maintenant la stabilité structurelle du LLZTO et en optimisant les conditions de contact avec le cathode, sont cruciaux pour garantir une longue durée de vie et des performances maximales des batteries. Ce domaine reste en constante évolution, avec des recherches continues pour améliorer l'interface entre l'électrolyte et les électrodes.

Comment les ions Li⁺ diffusent-ils dans les électrolytes solides de type LLTO ?

La diffusion des ions lithium dans les électrolytes solides cristallins tels que Li₀.₂La₀.₆TiO₃ (LLTO) s'explique par des mécanismes complexes, fortement influencés par la structure locale et les transitions de phase. À mesure que la température augmente, l’angle de basculement des octaèdres TiO₆ diminue, ce qui conduit à une augmentation de la symétrie locale autour des sites Li⁺, une transition vers la phase cubique, et une baisse du couplage quadrupolaire CQ observé par RMN. Cette symétrisation modifie la dynamique des ions lithium, influençant à la fois leur mobilité et les constantes de relaxation observées.

La relaxation spin-réseau du noyau ⁷Li, mesurée en RMN à 155,4 MHz, révèle une dépendance thermiquement activée, décrite par le modèle de Bloembergen–Purcell–Pound (BPP). L’analyse par ajustement des données fournit un temps de corrélation τ₀ de 1,4 × 10⁻¹¹ s et une énergie d’activation Ea de 0,11 eV, principalement attribuables aux interactions dipolaires entre noyaux ⁷Li et entre ⁷Li et ¹³⁹La. Cette dynamique locale correspond bien à la diffusion à longue distance, confirmée par l’équation d’Einstein–Smoluchowski, qui permet d’estimer un coefficient de diffusion local D_local de 1,28 × 10⁻⁷ cm²·s⁻¹ à 333 K, valeur proche de celle mesurée directement par RMN à gradient de champ pulsé (PFG-NMR).

Le protocole de mesure PFG utilise une séquence d’écho stimulé, et la décroissance du signal RMN, bien que décrite idéalement par l’équation de Stejskal-Tanner, montre ici une courbure caractéristique. Celle-ci est expliquée par un modèle de diffusion anisotrope bidimensionnelle, en accord avec la structure cristalline de LLTO. Les cristaux, orientés de manière aléatoire, révèlent deux composantes de diffusion : Dx = Dy, et Dz. Les valeurs obtenues à 393 K indiquent une anisotropie marquée : Dx = 6,1 × 10⁻⁷ cm²·s⁻¹ et Dz = 3,3 × 10⁻⁸ cm²·s⁻¹, Dz étant dix-huit fois inférieur à Dx. Cette anisotropie reste stable sur toute la plage de température étudiée, soutenue par des mesures de diffraction neutronique montrant que l’occupation en lanthane des couches riches en La reste supérieure à 96 % jusqu’à 773 K.

La comparaison entre les coefficients de diffusion mesurés par PFG-NMR (DNMR) et ceux déduits de la conductivité ionique (Dσ) met en évidence une remarquable cohérence, malgré la complexité microstructurale de LLTO. Le rapport de Haven, proche de 1, témoigne d’un effet concerté faible dans la migration des ions Li⁺. Contrairement aux électrolytes solides de type grenat, où ce rapport descend à 0,4, les sauts concertés dans LLTO ne présentent pas d’avantage énergétique net par rapport aux sauts simples, comme le confirment les simulations AIMD.

Au-dessus de 450 K, les comportements de DNMR et Dσ dévient du régime d’Arrhenius classique. Cette non-linéarité traduit une variation de la mobilité ionique, sans changement significatif du nombre de porteurs. Les propriétés structurales, et notamment l’angle de basculement des octaèdres TiO₆, jouent ici un rôle déterminant. La diminution de cet angle réduit l’énergie d’activation de la diffusion, facilitant ainsi le mouvement des ions. Les résultats expérimentaux obtenus par RMN statique et PFG confirment cette relation structure-dynamique.

D'autres méthodes de mesure de la diffusion viennent enrichir cette compréhension. L’échange isotopique entre ⁶Li et ⁷Li, suivi par spectrométrie de masse par ions secondaires (SIMS), permet une visualisation directe de la migration des isotopes. Dans l’expérience, un échantillon de LLTO est immergé dans une solution de ⁶LiNO₃ à 295 K pendant 59 heures. Les images SIMS montrent que les variations de concentration en ⁶Li se produisent principalement aux joints de grains, révélant que la diffusion y est plus lente que dans le volume du cristal. Après 16 jours supplémentaires à température ambiante, l’homogénéisation progresse, mais les gradients de concentration persistent, signe que les joints de grains ne facilitent pas la diffusion dans le cas des matériaux à diffusion rapide comme LLTO.

La résolution spatiale de la SIMS, de l’ordre du micromètre, permet de détecter ces effets de manière localisée. Le contraste observé entre la diffusion en volume et aux joints de grains souligne la nécessité de considérer la microstructure dans l’interprétation des données de diffusion. En effet, même si la diffusion site-à-site et la diffusion à longue distance se produisent via le même mécanisme, les structures locales telles que les domaines à 90° ou les interfaces peuvent ralentir ou orienter les flux d’ions.

Il est essentiel de noter que la structure pérovskite de LLTO, avec ses couches riches en La et en Ti, introduit une forte anisotropie intrinsèque. Cette anisotropie n’est pas perturbée par la température, suggérant une robustesse du cadre cristallin. Par ailleurs, la relation directe entre l’angle de rotation des octaèdres TiO₆ et la barrière d’activation confère une sensibilité structurelle à la mobilité ionique : la dynamique des ions Li⁺ dans LLTO dépend non seulement des canaux de diffusion ouverts mais aussi de la flexibilité de la charpente cristalline.

Les performances de LLTO comme électrolyte solide reposent donc sur une combinaison subtile de facteurs : symétrie locale, anisotropie de diffusion, corrélation des mouvements ioniques, et interaction fine entre structure cristalline et dynamique thermique. L'étude conjointe par RMN, diffusion isotopique et modélisation numérique permet de cerner les mécanismes fondamentaux qui gouvernent la conductivité ionique dans ces matériaux complexes. Une compréhension précise de ces phénomènes ouvre la voie à la conception rationnelle de nouveaux électrolytes à haute performance.