L'histoire de Rama a été narrée à travers diverses régions, du Tibet au Myanmar, du Laos à l'Indonésie. Ces récits, issus de l'édifice littéraire hindou, ne se limitent pas à des versions écrites et orales. Ils ont inspiré l'art, la sculpture, la peinture, ainsi que des œuvres théâtrales, des romans, des drames dansés, des séries télévisées et des films. Les épopées comme le Ramayana et le Mahabharata, en dépit de leurs divergences dans les représentations culturelles et géographiques, ont traversé les âges et restent des piliers fondamentaux de la littérature et de la culture indiennes.
Si les débats sur la véracité historique des événements décrits dans ces épopées continuent d’occuper les chercheurs, certains ont choisi d'aborder ces textes sous un angle différent. En prenant comme cadre les processus historiques qui les ont influencés, ces œuvres peuvent être interprétées comme des réponses aux changements sociaux et politiques spécifiques de leurs époques. James L. Fitzgerald, par exemple, a suggéré que le Mahabharata pourrait être perçu comme une réaction brahmanique aux développements historiques de son temps, notamment l'ascension des religions comme le bouddhisme et le jaïnisme, soutenues par des dynasties telles que les Nandas et les Mauryas. Pour les Brahmanes, ces changements étaient perçus comme une menace à l’ordre établi. Dans ce contexte, l’épopée devenait un outil pour affirmer et défendre la hiérarchie sociale traditionnelle.
La richesse des récits du Ramayana et du Mahabharata dépasse la simple narration d’événements héroïques. Ces textes ont été un vecteur de valeurs sociales, politiques et culturelles variées, offrant des modèles de comportements idéaux et des leçons morales tout en soulignant les tensions entre les traditions anciennes et les nouvelles idées en mutation. De plus, ces épopées ont aussi servi à refléter et à influencer les structures de pouvoir en place, tout en offrant une réflexion sur la nature même du dharma et de la justice.
Les Puranas, qui signifient « anciens », occupent une place tout aussi centrale dans cette dynamique. Bien qu'attribués à Vyasa, ces textes ne sont pas l'œuvre d'une seule personne ou d'une seule époque. Leur composition s’étend sur des siècles, du IVe au Ve siècle de notre ère, et dans certains cas, bien au-delà. Les Puranas, au nombre de 18 Mahapuranas, décrivent des cycles cosmiques impressionnants et détaillent les généalogies des dieux, des sages et des rois. Ils abordent des sujets aussi variés que la création du monde, la re-création de l’univers, les dynasties royales et les périodes des Manus, chacun reflétant une dimension temporelle cyclique et mythologique.
La conception du temps dans les Puranas est d'une complexité inouïe, divisée en quatre yugas, ou âges, qui s’étendent sur des millénaires. Cette vision cyclique du temps est intimement liée à la croyance en la destruction périodique et à la re-création du monde, un processus qui s’accompagne du déclin et de la renaissance du dharma, le principe moral et cosmique régissant l'univers. Cette structure cyclique sert de cadre à des narrations politiques, bien que les premières généalogies royales dans les Puranas soient essentiellement mythologiques. En revanche, les généalogies des rois des périodes plus récentes, comme celles des dynasties Gupta, possèdent un ancrage historique plus solide.
Les Puranas ne se contentent pas de retracer des généalogies ; ils sont également des documents géographiques précieux, décrivant des montagnes, des rivières et des lieux qui ont joué un rôle dans l’histoire ancienne de l’Inde. Ils témoignent de l'émergence d'une religiosité dévotionnelle centrée sur des divinités telles que Vishnu, Shiva et la déesse Shakti, symbolisant la fusion entre les traditions brahmaniques et non-brahmaniques. À travers la vénération des images divines dans les temples et les pratiques de pèlerinage, les Puranas ont été des supports essentiels de la pensée religieuse et sociale brahmanique.
Parallèlement à ces récits mythologiques et historiques, les textes de Dharmashastra jouent un rôle majeur dans la structuration du dharma en tant que norme sociale et morale. Le mot « dharma », d'origine sanskrite, désigne l'ensemble des principes éthiques qui régissent la conduite humaine. Bien qu'il soit difficile de le traduire de manière exacte, le dharma désigne la voie idéale, celle qui permet d’atteindre les objectifs de la vie humaine, à savoir le dharma lui-même, l’artha (le bien-être matériel), et le kama (le plaisir sensuel), dans un cadre de modération. Cette vision du monde est intimement liée au cycle de la naissance, de la mort et de la réincarnation. Les fruits du dharma se mesurent non seulement dans cette vie, mais aussi dans les vies futures.
Les textes de Dharmashastra se divisent en trois grandes catégories : les Dharmasutras, les Smritis, et les commentaires (tikas, bhashyas). Ces textes, dont la composition commence vers le VIe siècle av. J.-C., décrivent les rites, les obligations sociales et les normes éthiques des individus dans différentes étapes de leur existence. En plus des prescriptions religieuses et sociales, ces textes sont également des instruments de régulation des rapports entre les différentes castes et groupes sociaux, en fonction de leur place dans la structure sociale hindoue.
L’étude de ces épopées, Puranas et Dharmashastra ne se limite pas à la compréhension d'une histoire ancienne ou d'une mythologie complexe. Elle permet aussi de saisir l'évolution des valeurs sociales, des structures politiques et des formes de religiosité qui ont façonné l'Inde à travers les âges. Ces textes ne sont pas simplement des artefacts du passé, mais des témoins vivants des défis sociaux, culturels et spirituels qui ont conduit à la formation du monde moderne. Leur lecture offre ainsi une réflexion profonde sur les dynamiques humaines, la place de l’individu dans la société, et les impératifs moraux de l’existence.
Les Stupas du Sud de l'Inde et du Sri Lanka : Architecture et Signification
Les sites bouddhistes anciens du sud de l'Inde, en particulier ceux situés dans l'Andhra Pradesh, témoignent de l'importance de la région dans le développement du monachisme bouddhiste. Parmi les établissements monastiques les plus remarquables se trouvent Amaravati, Jaggayyapeta et Nagarjunakonda, bien que ces sites aient souffert des ravages du temps et des excavations non autorisées. Amaravati, en particulier, qui était autrefois la plus grande stupa de la région, reste une source inestimable d'informations sur l'architecture et les pratiques bouddhistes de cette époque.
Le stupa d'Amaravati était qualifié de mahachaitya dans les inscriptions anciennes, suggérant qu'il faisait partie des plus grands et des plus sacrés des sites bouddhistes du sous-continent indien. L'importance de ce site réside dans son architecture complexe et dans les sculptures qui ornaient ses murs. Cependant, avec le temps, notamment à partir du XVIIIe siècle, de nombreuses pierres sculptées ont été extraites illégalement, ce qui a considérablement diminué l'intégrité de la structure originale. Il reste aujourd'hui de rares vestiges, tels que le tambour du stupa, des pierres de la route de circumambulation et quelques piliers de la rampe.
Nagarjunakonda, un autre site majeur, offre un aperçu unique sur la diversité des complexes bouddhistes du sud de l'Inde. Situé dans le Telangana, il abritait plus de trente établissements monastiques, principalement datés des IIIe et IVe siècles de notre ère. Les inscriptions retrouvées sur place mentionnent plusieurs sectes bouddhistes, dont les Mahaviharavasin et les Mahishasaka, et révèlent l'existence d'une grande variété architecturale. Certains complexes comprenaient des stupas, des monastères et des chaityas, tandis que d'autres étaient composés uniquement de stupas isolés ou de stupas votifs. Il semble que la communauté monastique à Nagarjunakonda ait pu compter environ 450 membres, selon les estimations basées sur la taille et le nombre des espaces d'habitation.
Les stupas de la région de l'Andhra présentent une architecture spécifique, notamment celle du spoked-wheel plan, un agencement en forme de roue de char qui symbolise le chakra bouddhiste. Cette forme, observée dans de nombreux sites, donne à la structure une solidité supplémentaire, tout en rendant hommage à un symbole fondamental du bouddhisme. Le stupa d'Amaravati, quant à lui, se distingue par son noyau en briques solides, une caractéristique qui le sépare des autres stupas à plan en roue. Ce plan en roue se retrouve également dans d'autres sites comme le stupa Dharmarajika à Taxila et celui de Shah-ji-ki-Dheri à Mathura, ce qui suggère une circulation d'influences architecturales dans tout le sous-continent.
Le site de Nagarjunakonda comprend plusieurs stupas à bases circulaires, dont le nombre de rayons varie entre 4 et 10, en fonction de la taille du stupa. Un aspect notable de ces stupas est la présence de piliers ayaka, qui symbolisent cinq événements majeurs de la vie du Bouddha, à savoir sa naissance, sa renonciation, son illumination, son premier sermon et sa mort. Ces piliers étaient généralement placés sur des plateformes situées aux quatre points cardinaux autour du stupa. Ce type d'architecture se retrouve également à Vaishali, bien qu'il soit absent de certains autres sites, tels que Salihundam et Ramatirtham.
La décoration sculptée des stupas de cette époque est particulièrement remarquable, en particulier celles de l'Amaravati stupa. Les dômes, les rampes et les portails étaient décorés de reliefs magnifiques représentant des scènes du Bouddha et de la vie monastique. À Nagarjunakonda, cependant, les sculptures sur les rampes sont rares et plutôt simples, sans inscriptions détaillées, contrairement à ce que l'on trouve à Amaravati. Néanmoins, ces sculptures illustrent la richesse de l'iconographie bouddhiste, même si les éléments architecturaux eux-mêmes ne subsistent que de manière fragmentaire.
En dehors de l'Andhra, des sites bouddhistes importants existent dans des régions voisines comme le Telangana et le Karnataka. Par exemple, les fouilles récentes à Thotlakonda, Bavikonda et Pavuralakonda ont mis au jour des vestiges de viharas, chaityas et stupas datant du IIIe ou IIe siècle avant notre ère jusqu'au IIIe ou IIe siècle de notre ère. Ces sites témoignent de la diffusion du bouddhisme et de son ancrage profond dans le paysage du sud de l'Inde. Le site de Phanigiri, situé sur une colline de granit près du fleuve Aleru, a également révélé un complexe bouddhiste, avec un stupa orné de frises de lotus et un portail en pierre finement sculpté.
Dans le district de Gulbarga au Karnataka, le site de Kanaganahalli a mis au jour un stupa majeur daté entre le IIIe siècle avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère. Ce stupa, qui mesure 26 mètres de diamètre, possédait des plateformes ayaka aux quatre points cardinaux. Des sculptures de bouddhas et des reliefs sculptés sur des dalles de pierre, notamment des scènes narratives, témoignent de l'importance de ce site. Les inscriptions retrouvées sur place sont également nombreuses et offrent un aperçu détaillé des donateurs, qui comprenaient des moines, des commerçants, des nobles et des ministres. Le site reflète la diversité des pratiques bouddhistes et des interactions sociales à l'époque.
Les fouilles archéologiques dans ces sites, notamment à Kanaganahalli, ont permis de retrouver des objets précieux, comme des pots à reliques en terre cuite contenant des morceaux d'or et d'argent, ainsi que des perles. Ces découvertes offrent un aperçu fascinant de la richesse des pratiques rituelles et des offrandes bouddhistes dans le passé. L'importance des sites bouddhistes du sud de l'Inde et du Sri Lanka ne réside pas uniquement dans leur architecture, mais aussi dans les indices qu'ils offrent sur les modes de vie et les croyances des communautés bouddhistes anciennes.
Il est essentiel pour le lecteur de comprendre que l'architecture bouddhiste de cette période, avec ses stupas et ses monastères, n'était pas seulement un moyen de rendre hommage au Bouddha, mais aussi un lieu de vie pour la communauté monastique. Chaque élément architectural, des plateformes ayaka aux reliefs sculptés, avait une signification profonde et contribuait à l'enseignement bouddhiste. Les dons et les inscriptions découverts sur ces sites révèlent également un réseau complexe de mécénat et de soutien aux communautés religieuses, reflétant les liens entre la religion, la politique et l'économie à l'époque.
Comment les traditions écrites ont façonné la transmission du savoir et la culture en Inde
Il serait impensable de transmettre oralement les récits des événements passés aux générations futures, notamment lorsque celles-ci sont séparées par de longues périodes de temps. Ce qui était jadis impossible est devenu réalisable grâce à une découverte de l'esprit humain : l'art de l'écriture, qui permet de diffuser les nouvelles à travers l'espace comme le vent, et à travers le temps, tout comme les esprits des défunts. Louange à celui qui a ordonné la création et créé toute chose pour le meilleur.
Les hindous ne sont pas habitués à écrire sur des peaux, comme les Grecs de l'Antiquité. Socrate, interrogé sur pourquoi il ne composait pas de livres, répondit : « Je ne transfère pas la connaissance des cœurs vivants des hommes sur les peaux mortes des moutons. » Les musulmans, eux aussi, dans les premières années de l'Islam, écrivaient sur des peaux, par exemple, pour le traité entre le Prophète et les Juifs de Khaibar, ou encore sa lettre à Kisra. Les copies du Coran étaient écrites sur des peaux de gazelles, tout comme, encore aujourd’hui, les copies de la Torah. Les kirtas (ou chartes) étaient fabriquées en Égypte, découpées à partir de la tige de papyrus. C'est en Chine que le papier a été fabriqué pour la première fois. Les prisonniers chinois ont introduit la fabrication du papier à Samarcande, puis il a été produit dans divers endroits pour répondre aux besoins croissants.
Dans le sud de l'Inde, les hindous utilisent une variété d'arbres ressemblant aux palmiers dattiers et cocotiers, produisant des fruits comestibles et des feuilles mesurant environ un mètre de long et trois doigts de large. Ces feuilles sont appelées "tari" et servaient à l'écriture. Les feuilles étaient liées ensemble par une corde qui les traversait au centre, formant ainsi un livre. Dans le centre et le nord de l'Inde, les habitants utilisaient l'écorce de l'arbre tuz, dont une variété servait de couverture pour les arcs.
Quant à l'alphabet des hindous, il faut mentionner qu'il a été perdu et oublié à une époque, ce qui a conduit à l'ignorance et à l'absence de culture écrite. Cependant, Vyasa, fils de Parashara, redécouvrit cet alphabet de cinquante lettres par une inspiration divine. Certains avancent que, à l'origine, le nombre de lettres était bien inférieur et qu'il a augmenté progressivement. Cette prolifération de lettres s'explique d'une part par le fait que chaque lettre est représentée par un signe distinct lorsqu'elle est suivie d'une voyelle, d'un diphtongue, ou d'une petite extension du son, et d'autre part par la présence de consonnes uniques qui ne se retrouvent dans aucune autre langue, mais que l'on trouve dans différentes langues, des sons que nos langues occidentales ne sont pas toujours capables de prononcer, ni nos oreilles de distinguer.
L'écriture hindoue, comme celle des Grecs, se fait de gauche à droite, contrairement à l'écriture arabe, qui est fondée sur une ligne de base, avec les têtes des lettres qui montent et leurs queues qui descendent. En revanche, dans l'écriture hindoue, la ligne de base se trouve au-dessus de chaque caractère, avec la lettre elle-même suspendue sous cette ligne. Les signes placés au-dessus de la ligne sont simplement des marques grammaticales servant à indiquer la prononciation.
Les écritures hindoues sont nombreuses et variées. Al-Biruni reconnaît l'existence de plusieurs systèmes d'écriture en Inde, tels que le Siddhamatrika, utilisé dans des régions comme le Cachemire, Bénarès et les environs de Kanauj, le Nagara en Malwa, l'Ardhanagari en Bhatiya et dans certaines parties du Sind, et plusieurs autres scripts locaux. Ces multiples écritures reflètent la diversité et la richesse culturelle de l'Inde à travers les âges.
Les échanges culturels entre l'Inde et le monde islamique ont également contribué à la diffusion des connaissances. Des récits arabes, comme ceux de Sulaiman, font mention de l'Inde, mettant en lumière les interactions commerciales et culturelles entre ces deux régions. Le persan était la langue des cours royales et de la haute culture en Asie centrale et de l'Ouest au Moyen Âge. Des textes persans, tels que le "Chachnama", racontent l'usurpation du trône du Sindh par un brahmane nommé Chach au VIIe siècle et la conquête arabe de cette région par Muhammad bin Qasim.
L'importance du bilinguisme et du multilinguisme à cette époque ne peut être sous-estimée. De nombreux textes traduits circulaient à travers les frontières, permettant un échange constant de savoirs. La traduction était aussi cruciale à cette époque qu'elle l'est aujourd'hui. Les projets massifs de traduction entrepris par les Arabes ont été l'un des nombreux exemples de cette dynamique.
En parallèle à l'évolution de l'écriture et de la culture littéraire, l'archéologie a également joué un rôle majeur dans la compréhension du passé indien. L'archéologie, qui étudie le passé humain à travers les vestiges matériels, est étroitement liée à l'histoire. Les restes matériels, tels que les structures, les artefacts, les ossements, les sceaux, et les inscriptions, offrent une fenêtre précieuse sur les comportements et les modes de vie des anciens habitants. Mais comprendre ces artefacts ne se limite pas à une simple description de ce qu'ils sont ; il s'agit d'interroger les objets, de les faire parler sur les sociétés qui les ont créés et utilisés. Par exemple, un simple fragment de poterie ou un outil de pierre peut révéler des informations sur les habitudes quotidiennes, les échanges commerciaux et les croyances religieuses.
Enfin, il est crucial de noter que les cultures matérielles se développent à un rythme beaucoup plus lent que les événements historiques, et les « cultures archéologiques » ne coïncident pas toujours avec l'ascension et la chute des dynasties. Les découvertes archéologiques offrent ainsi une compréhension plus nuancée de la civilisation, en complément des récits historiques écrits.
L'essor du culte de Shiva et de la grande déesse pendant l'ère Gupta
Au cours des siècles 4 à 6 de notre ère, sous la dynastie Gupta, le culte de Shiva a connu une forte expansion, non seulement à travers l'Inde centrale et du Nord, mais également à travers la consolidation de diverses sectes religieuses liées à cette divinité. Shiva, déjà vénéré depuis les temps antiques, a vu son rôle se diversifier, ses attributs se multiplier, et ses liens avec d'autres divinités comme Ganesha, Karttikeya et la déesse Ganga se renforcer. Les Puranas Shaiva, qui détaillent la vénération de Shiva, mentionnent des formes multiples du dieu, et il est clair que cette tradition religieuse a englobé à la fois des mouvements marginaux et des courants principaux au sein de la culture religieuse brahmanique.
Les Pashupatas, considérés comme l'une des plus anciennes et influentes sectes shaivistes, ont mis en avant une distinction philosophique fondamentale entre l'âme individuelle (pashu), le dieu (pati), et les entraves terrestres (pasha). La libération, selon cette doctrine, serait obtenue grâce à la grâce divine, un processus dans lequel l'âme se rapproche de Shiva. Ce mouvement était profondément ancré dans des pratiques yogiques et ascétiques, souvent incarnées par des ascètes couverts de cendres (bhasma).
Le culte de Shiva n’était cependant pas l’unique forme de vénération divine en cette époque. Les temples dédiés à Vishnu et à d’autres dieux étaient également nombreux. Le temple érigé par Chakrapalita en l'an Gupta 138, par exemple, est un témoignage frappant de l'importance croissante de Vishnu à cette époque. Cette période marque également une évolution dans les pratiques religieuses avec la construction de temples, tels que celui dédié à Dhanyavishnu sur l'image du sanglier à Eran, où l'inscription fait mention d'un dévouement sincère des élites locales.
Les représentations sculptées de Shiva dans des temples comme ceux de Mathura et d’Odisha, avec des figures de Lakulisha, démontrent non seulement la richesse du culte de Shiva dans diverses régions, mais aussi l’incorporation d’éléments de la secte Pashupata dans les pratiques religieuses courantes. Ces sculptures, accompagnées d’inscriptions, révèlent une époque où les temples ne se contentaient pas d’être des lieux de culte, mais aussi des espaces où les dévots inscrivaient leur nom ou celui de leurs maîtres spirituels en hommage à la divinité.
Un exemple spectaculaire de cette vénération se trouve dans la célèbre grotte d’Éléphanta, près de Mumbai, datant du VIe siècle. La grande sculpture de Maheshvara, représentant Shiva avec trois visages, est un chef-d'œuvre de l’art religieux de cette période. Chaque visage reflète une humeur différente de la divinité, de la sérénité à la colère, et souligne la complexité et la puissance de Shiva dans sa manifestation plurielle. Ce genre de représentation visuelle était une tentative de symboliser l'unité de l'ensemble du cosmos sous la forme d'un dieu polymorphe et infini.
Simultanément, une autre grande déesse, Durga, gagnait en importance dans les croyances populaires, notamment à travers son association avec Shiva. Au-delà de son rôle destructeur et guerrier contre des démons comme Mahishasura, Durga incarnait également des aspects plus pacifiques et nourrissants. Les récits épiques et les Puranas lui attribuent de multiples facettes : elle est à la fois la compagne de Shiva (Parvati), la protectrice de l'univers et l’expression de la puissance divine féminine.
À travers ces divers cultes, une notion essentielle se dégage : l'interdépendance entre les divinités et leurs multiples formes. Ces représentations divines, qu’elles soient de Shiva, de Durga, ou de Vishnu, ne sont pas uniquement des figures de dévotion, mais aussi des symboles du processus cosmique de création, de maintien et de destruction. La variété des cultes, leur propagation géographique et la diversité des formes artistiques qui en témoignent nous permettent de saisir la complexité de la religion de cette époque, qui ne se résumait pas à un simple monothéisme ou polythéisme, mais à une dynamique d'interactions entre les divinités, leurs sectes et leurs adeptes.
La période Gupta, marquée par l'essor de ces cultes, met en lumière non seulement la diversité religieuse, mais aussi la manière dont les symboles divins ont été intégrés à la structure sociale et politique de l'époque. Les rois se proclamaient « Parama-Maheshvara », le plus grand dévot de Shiva, et en faisaient un axe central de leur légitimité. Les inscriptions retrouvées dans des sites comme Udayagiri, Karamadanda et Mathura témoignent du rôle central de la dévotion religieuse dans le maintien du pouvoir et de la cohésion sociale.
L'époque Gupta se distingue ainsi par l'intensification des cultes et des pratiques religieuses variées, avec Shiva occupant une place centrale non seulement comme dieu suprême mais aussi comme symbole d'une quête spirituelle profonde, qui traversait toutes les strates de la société.

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