Le corps des nombres complexes, noté C\mathbb{C}, est une extension du corps des nombres réels R\mathbb{R} dans lequel l’équation z2=1z^2 = -1 admet une solution. Cette extension est minimale au sens où aucun sous-corps propre de C\mathbb{C} contenant R\mathbb{R} ne permet de résoudre cette équation. La construction de C\mathbb{C} repose sur la définition d’opérations algébriques sur le produit cartésien R2\mathbb{R}^2. En effet, on considère les éléments de C\mathbb{C} comme des couples (x,y)R2(x,y) \in \mathbb{R}^2, auxquels on associe une addition définie par (x,y)+(a,b)=(x+a,y+b)(x,y)+(a,b) = (x+a, y+b) et une multiplication donnée par (x,y)(a,b)=(xayb,xb+ya)(x,y)(a,b) = (xa - yb, xb + ya). Ce choix d’opérations permet de vérifier que C\mathbb{C} forme un corps avec l’élément neutre additif (0,0)(0,0), l’élément neutre multiplicatif (1,0)(1,0), et la possibilité de définir des inverses pour tout élément non nul.

On identifie naturellement le corps des réels R\mathbb{R} à un sous-corps de C\mathbb{C} par l’application x(x,0)x \mapsto (x,0), qui est un homomorphisme injectif. La solution de l’équation z2=1z^2 = -1 dans C\mathbb{C} est précisément l’élément (0,1)(0,1), que l’on note usuellement ii, tel que i2=1i^2 = -1. Dès lors, chaque nombre complexe peut être représenté sous la forme z=x+iyz = x + iy, où xx et yy sont des réels, appelés respectivement la partie réelle Re(z)\operatorname{Re}(z) et la partie imaginaire Im(z)\operatorname{Im}(z) de zz.

Le conjugué complexe de z=x+iyz = x + iy est défini par z=xiy\overline{z} = x - iy, et cette opération joue un rôle fondamental dans la théorie. Par exemple, le produit zz=x2+y2z \overline{z} = x^2 + y^2 est toujours un réel positif ou nul, ce qui permet de définir la norme ou valeur absolue d’un nombre complexe comme z=zz=x2+y2|z| = \sqrt{z \overline{z}} = \sqrt{x^2 + y^2}. Cette norme se traduit géométriquement par la longueur du vecteur (x,y)(x,y) dans le plan, d’où une interprétation naturelle des nombres complexes comme des vecteurs dans R2\mathbb{R}^2. L’addition des nombres complexes correspond alors à l’addition vectorielle classique, tandis que la multiplication, bien que plus complexe, conserve une structure cohérente qui sera ultérieurement interprétée géométriquement.

La valeur absolue satisfait des propriétés essentielles : elle est multiplicative (zw=zw|zw| = |z||w|), respecte l’inégalité triangulaire (z+wz+w|z+w| \leq |z| + |w|) et n’annule que le zéro. L’inverse multiplicatif d’un nombre complexe non nul zz s’exprime grâce à la conjugaison : z1=zz2z^{ -1} = \frac{\overline{z}}{|z|^2}. Ces propriétés confèrent à C\mathbb{C} une structure algébrique et métrique riche, essentielle dans de nombreuses branches des mathématiques et de la physique.

Il est important de noter que, contrairement à R\mathbb{R}, le corps C\mathbb{C} ne peut être ordonné de manière compatible avec ses opérations algébriques, car l’existence d’un élément ii tel que i2=1<0i^2 = -1 < 0 contredit toute tentative d’ordre total respectant la multiplication. Cela distingue profondément C\mathbb{C} des corps ordonnés tels que R\mathbb{R}.

Au-delà de la structure algébrique, C\mathbb{C} permet une résolution complète des équations polynomiales du second degré à coefficients réels. En effet, toute équation quadratique az2+bz+c=0a z^2 + b z + c = 0 (avec a0a \neq 0) admet dans C\mathbb{C} deux solutions, réelles ou complexes conjuguées, en fonction du signe du discriminant D=b24acD = b^2 - 4ac. Ce résultat illustre l’importance fondamentale de C\mathbb{C} comme corps algébriquement clos, au moins pour les polynômes de degré 2, ce qui est un point d’ancrage vers la théorie plus générale des corps algébriquement clos.

L’introduction des notions de boule ouverte et fermée dans C\mathbb{C}, définies respectivement par D(a,r)={zC:za<r}D(a,r) = \{z \in \mathbb{C} : |z - a| < r\} et D(a,r)={zC:zar}\overline{D}(a,r) = \{z \in \mathbb{C} : |z - a| \leq r\}, établit le cadre pour l’analyse complexe. Ces ensembles, correspondant respectivement à des disques ouverts et fermés dans le plan, sont fondamentaux pour étudier la topologie et la continuité des fonctions complexes, préparant ainsi le terrain pour le développement de l’analyse complexe.

Enfin, il convient de souligner que les fonctions à valeurs complexes peuvent être décomposées en leurs parties réelles et imaginaires, qui sont des fonctions à valeurs réelles. Cette décomposition est non seulement naturelle, mais elle permet aussi d’appliquer les outils de l’analyse réelle à des problèmes complexes, en traitant séparément les composantes. La nature vectorielle des nombres complexes favorise ainsi une approche géométrique et analytique unifiée.

La compréhension profonde du corps C\mathbb{C} exige également la maîtrise de ses propriétés algébriques, topologiques et analytiques, ainsi que de ses relations avec R\mathbb{R}. La complexité des nombres complexes ne réside pas seulement dans leur définition mais dans leur capacité à unifier diverses branches mathématiques, notamment l’algèbre, la géométrie et l’analyse. Cette unification constitue la base de nombreuses théories avancées, telles que l’analyse complexe, la théorie de Galois, et la physique mathématique.

Quand et pourquoi le système linéaire défini par une matrice de Vandermonde est-il résoluble ?

Le problème d'existence et d'unicité d'un polynôme interpolateur repose sur la résolution d'un système linéaire dont la matrice des coefficients est une matrice de Vandermonde. Ce système linéaire, constitué de m+1m + 1 équations en m+1m + 1 inconnues, correspond aux coefficients du polynôme cherché, notés p0,p1,,pmp_0, p_1, \ldots, p_m. La condition essentielle pour garantir que ce système est résoluble pour toute donnée du second membre est que le déterminant de cette matrice soit non nul.

La matrice de Vandermonde est construite à partir des points d'interpolation x0,x1,,xmx_0, x_1, \ldots, x_m et présente la forme suivante :

(1x0x02x0m1x1x12x1m1xmxm2xmm)\begin{pmatrix} 1 & x_0 & x_0^2 & \cdots & x_0^m \\ 1 & x_1 & x_1^2 & \cdots & x_1^m \\ \vdots & \vdots & \vdots & \ddots & \vdots \\ 1 & x_m & x_m^2 & \cdots & x_m^m
\end{pmatrix}

Le déterminant de cette matrice est donné par le produit :

0j<km(xkxj)\prod_{0 \leq j < k \leq m} (x_k - x_j)

Cette expression montre que ce déterminant est nul si et seulement si deux des points xjx_j sont égaux, c’est-à-dire si la famille des points d’interpolation n’est pas constituée de valeurs distinctes. En conséquence, la condition nécessaire et suffisante pour que le système ait une solution unique est que tous les xix_i soient distincts.

Ce résultat est fondamental en interpolation polynomiale, puisqu’il garantit que pour tout ensemble de valeurs y0,y1,,ymy_0, y_1, \ldots, y_m, il existe un polynôme unique de degré au plus mm passant par ces points (xi,yi)(x_i, y_i). L'absence de singularité du système est donc directement liée à la nature des points d’interpolation.

Par ailleurs, cette propriété met en lumière la stabilité du problème : si les xix_i sont proches mais distincts, la matrice reste inversible, bien que le calcul du polynôme puisse devenir numériquement sensible à cause de la nature exponentielle des puissances. Ceci souligne l'importance d’un choix judicieux des points d’interpolation en pratique, comme les points de Chebyshev, pour minimiser les erreurs numériques.

En complément, il est essentiel de comprendre que la structure même de la matrice de Vandermonde confère une symétrie particulière aux systèmes d'interpolation, reliant directement la géométrie des points d’échantillonnage à la résolution algébrique. Cette relation algebro-géométrique est le fondement de nombreuses méthodes en analyse numérique et approximation.

Enfin, la non-nullité du déterminant étant liée aux différences entre points, le comportement de cette quantité peut servir à évaluer la sensibilité du système, ce qui est capital pour anticiper les erreurs lors de la résolution numérique. Comprendre cette nuance permet d’appréhender plus finement les limites de la méthode d'interpolation par polynômes et d’envisager des alternatives lorsque les conditions d’unicité ne sont pas remplies.