Lorsqu’un gouvernement souhaite accroître sa part de recettes provenant de la taxe sur les ventes, il ne suffit pas simplement d’envisager une modification du revenu personnel. Une augmentation directe du taux de la taxe est une option évidente mais dont la mise en œuvre peut se heurter à des obstacles structurels, politiques et comportementaux. La fréquence des hausses récentes, la résistance des contribuables au changement, ainsi que la réactivité intrinsèque du type de taxe à son assiette de base déterminent l'efficacité de cette démarche. Une base fiscale peu élastique, même avec un taux accru, ne produira pas à long terme les résultats escomptés. Il convient alors d’explorer des bases alternatives plus réactives, mieux corrélées à la croissance économique.

Les élasticités fiscales permettent de mesurer cette réactivité. Dans un exemple hypothétique, certaines sources de recettes publiques se révèlent plus sensibles aux variations du revenu personnel que d'autres. Les taxes sur le revenu, les permis, les frais d’usage ou les taxes foncières affichent une élasticité supérieure à 1, traduisant une forte corrélation avec l’évolution du revenu. À l’inverse, la taxe sur les ventes, avec une élasticité de 0,75, est inélastique : elle progresse moins rapidement que le revenu. Cela signifie que son rendement ne suit pas nécessairement la dynamique économique. Le cas particulier de la franchise tax, avec une élasticité unitaire, indique une neutralité vis-à-vis des fluctuations de revenu.

Mais l’élasticité n’est qu’une partie de l’analyse. Il faut également considérer le phénomène de buoyancy fiscale, qui mesure la variation totale des recettes en réponse aux changements dans des agrégats économiques, tels que le revenu national, en intégrant à la fois les effets automatiques et les effets discrétionnaires de la politique fiscale. Formellement, la buoyancy est exprimée par le rapport du changement des recettes fiscales totales sur le changement de revenu agrégé. Ce coefficient tend à être supérieur à celui de l’élasticité, car il intègre l’impact des réformes fiscales.

Par exemple, si la buoyancy est estimée à 1,25 et l’élasticité à 0,75, et que le revenu global croît de 3,5 %, l’augmentation naturelle (automatique) des recettes fiscales, en l’absence de changement de politique, serait d’environ 2,63 %. En revanche, avec des ajustements politiques, cette croissance peut atteindre 4,38 %, révélant un effet structurel des réformes fiscales. Une buoyancy supérieure à 1 signifie que les recettes croissent plus vite que l’économie : signe d’un système fiscal dynamique et potentiellement plus efficace pour capter la richesse créée.

Cependant, un gouvernement ne dispose pas d’une capacité illimitée à augmenter ses recettes fiscales. Des contraintes économiques, juridiques et politiques limitent son pouvoir de prélever davantage sur une base fiscale donnée. La capacité de recettes correspond au montant maximal qu’un gouvernement pourrait théoriquement percevoir à partir d’une source fiscale, tandis que la différence entre cette capacité et les recettes réelles constitue une réserve potentielle.

Comparer cette capacité à celle d’un groupe de gouvernements similaires permet d’identifier des marges de progression. Si un gouvernement perçoit 10,5 millions en taxes foncières alors que sa capacité estimée est de 11,7 millions, il dispose d’une réserve de 1,2 million. Cette comparaison repose souvent sur des moyennes de recettes par habitant, ce qui permet de neutraliser l’effet de la taille de la population.

Certaines sources de recettes, comme les transferts intergouvernementaux, échappent au contrôle direct de l’administration, tandis que d’autres, comme les permis ou les amendes, peuvent déjà atteindre leur plafond, limitant les possibilités d’augmentation. Dans ce cadre, l’usage d’outils statistiques avancés, comme la régression multiple, peut affiner l’estimation de la capacité de recettes et orienter les décisions fiscales de manière plus rationnelle.

Il est également essentiel de prendre en compte le décalage temporel entre l’évolution d’une base fiscale et la réponse des recettes. Ainsi, les recettes issues de la taxe foncière peuvent mettre plus de temps à s’ajuster à une variation du revenu personnel. De plus, le choix de la variable indépendante dans le calcul des élasticités modifie significativement les résultats : la rigueur théorique, appuyée par l’analyse historique, doit donc guider cette sélection pour éviter les interprétations erronées.

Pourquoi certains biens publics ne peuvent-ils pas être fournis par le marché ?

La nature intrinsèque de certains biens publics les rend fondamentalement incompatibles avec les mécanismes de marché classiques. Lorsqu’un bien est produit de façon indivisible, c’est-à-dire en un tout, et qu’il est consommé simultanément par plusieurs individus sans coût supplémentaire pour le producteur, on entre dans un paradigme où les règles de l’échange marchand échouent. Le coût marginal de la consommation par un individu supplémentaire devient nul. Autrement dit, une fois le bien produit, en permettre l’accès à un consommateur de plus ne génère aucune dépense additionnelle. Ce caractère non-rival et non-excluable, tel qu’il est formulé dans la définition classique du bien public pur, rend toute tentative d’exclusion inefficace, voire absurde.

Prenons un exemple simple : des lampadaires installés dans une rue. Qu’un résident paie ou non pour leur installation, il bénéficiera malgré tout de la lumière une fois celle-ci disponible. Dès lors, se pose la question du passager clandestin — l’individu qui refuse de contribuer mais qui profite néanmoins du bien. Ce comportement ne découle pas de la malveillance, mais d’un raisonnement stratégique fondé sur l’attente que les autres paieront à sa place. Si ce comportement se généralise, le bien ne sera jamais fourni. Il s’agit là du paradoxe fondamental : chacun, poursuivant rationnellement son propre intérêt, aboutit à une situation globalement inefficace.

Le problème s’aggrave avec l’augmentation de la taille du groupe. Plus la communauté est grande, plus il est difficile de faire peser une contrainte collective sur l’ensemble de ses membres. L’effet de dilution des responsabilités permet à un plus grand nombre d’individus de se soustraire à la contribution, sans que cela ait un impact immédiat visible. Le phénomène devient encore plus problématique lorsqu’il franchit les limites administratives. Un habitant d’une commune peut profiter d’un parc ou d’une bibliothèque d’une commune voisine, sans y être fiscalement résident, et donc sans participer à leur financement.

La conséquence directe est une incertitude généralisée pour les producteurs potentiels. Quelle quantité produire ? À quel prix proposer le bien ? Sans réponse à ces deux questions fondamentales, aucun acteur privé rationnel ne s’engagera dans la production. L’absence d’incitation économique directe pousse donc l’État à intervenir pour garantir l’existence de ces biens collectifs. Il ne s’agit pas d’une volonté idéologique d'étatiser, mais d’une réponse pragmatique à une défaillance du marché.

Mais même lorsque l’État intervient, un second obstacle se dresse : le problème de la préférence révélée. Les individus, craignant une augmentation de leurs impôts, ont tendance à ne pas exprimer leur demande réelle pour certains biens publics. Cette stratégie de dissimulation entraîne une sous-provision, car les gouvernements, se fondant sur des préférences biaisées, ajustent leur offre à un niveau inférieur à celui réellement désiré. Cela engendre des inefficiences allocatives profondes et une perte nette pour la collectivité.

Dans la pratique, peu de biens publics sont parfaitement purs. L’immense majorité des biens dits « publics » sont en réalité des biens impurs. Ils ne satisfont qu’imparfaitement aux conditions de non-rivalité ou de non-excluabilité. Par exemple, l’accès à une piscine municipale ou à un hôpital peut devenir rival lorsque le nombre d’usagers dépasse une certaine capacité, générant une congestion et une baisse de qualité de service. Ce phénomène, qualifié de coût de congestion, transforme la nature du bien : il reste non-excluable, mais devient rival. L’éducation ou les soins médicaux illustrent également ce glissement progressif vers la rivalité, notamment quand l’augmentation du nombre d’élèves ou de patients affecte directement la qualité perçue.

Ces biens congestionnables soulèvent des enjeux spécifiques de régulation, d’investissement dans les capacités d’accueil, et de tarification équitable. Leur gestion implique un arbitrage complexe entre équité et efficacité. L’extension des biens publics impurs va encore plus loin, avec l’émergence des biens dits « propriétaires » ou des e-biens, qui introduisent des dimensions techniques ou numériques dans la provision, brouillant encore davantage les frontières entre le public et le privé.

Enfin, la dimension spatiale des biens publics ne peut être négligée. Elle structure les modalités de leur fourniture et leur gouvernance. Certains biens publics sont locaux, limités à une communauté restreinte. D’autres, régionaux ou nationaux, couvrent des aires plus larges. Mais certains relèvent d’une logique proprement mondiale : la préservation de la biodiversité, la stabilité financière globale ou le contrôle des maladies infectieuses sont des biens publics globaux. Leur production exige une coordination internationale étroite, car les bénéfices et les coûts sont diffus, transfrontaliers et asymétriques.

Ce que le lecteur doit comprendre, c’est que la distinction entre biens publics et privés ne se résume pas à une classification rigide. Elle doit être pensée comme un spectre, où les caractéristiques de rivalité et d’excluabilité évoluent selon le contexte, le mode de consommation, et l’organisation institutionnelle. Plus encore, toute politique de provision doit prendre en compte les stratégies individuelles d’évitement, les capacités de coordination, les mécanismes d’incitation, et surtout les enjeux de justice distributive. Car derrière les problèmes d’efficience, se cachent toujours des enjeux profonds de pouvoir, d’inclusion et de solidarité sociale.

Comment le gouvernement et le marché se complètent-ils face aux défaillances économiques ?

La dynamique entre le gouvernement et le marché repose sur une relation d’interdépendance où chacun corrige ou améliore le fonctionnement de l’autre. Le marché, par son mécanisme d’offre et de demande, peut atteindre une allocation efficace des ressources dans de nombreuses situations. Cependant, cette efficacité n’est pas parfaite, et c’est là que surgissent les défaillances du marché : des situations où le marché seul ne parvient pas à optimiser le bien-être collectif. Ces défaillances justifient l’intervention gouvernementale afin de pallier les insuffisances du système.

Les formes de défaillances sont multiples : monopoles, externalités, marchés incomplets, biens publics, ou encore asymétries d’information. Par exemple, un monopole pur, qu’il soit légal ou naturel, tend à restreindre la concurrence, augmentant ainsi les prix au détriment du consommateur. Le gouvernement intervient alors pour réguler ces situations, en imposant des règles ou en favorisant la concurrence par la législation antitrust. De même, les externalités négatives, comme la pollution, représentent des coûts sociaux non pris en compte par le marché. Une intervention étatique par des taxes ou des normes environnementales vise à internaliser ces coûts et à rétablir une allocation plus efficace des ressources.

Les marchés incomplets, où certains biens ou services ne sont pas fournis en quantité ou qualité suffisante par le secteur privé, nécessitent également une action publique. Les biens publics, non excluables et non rivaux comme la défense nationale ou l’éclairage public, sont des exemples typiques où l’absence d’incitation privée à produire conduit à une offre insuffisante sans l’intervention de l’État.

Sur le plan macroéconomique, les gouvernements doivent aussi gérer les fluctuations cycliques et les déséquilibres, comme le chômage ou l’inflation, qui impactent directement les budgets publics. Des politiques budgétaires et monétaires sont alors déployées pour stimuler ou freiner l’économie. La politique budgétaire, par l’augmentation des dépenses publiques ou la modification des impôts, cherche à influencer la demande globale et à réduire le chômage, tandis que la politique monétaire ajuste l’offre de monnaie pour contrôler l’inflation et favoriser la stabilité économique. Ces interventions peuvent cependant creuser le déficit budgétaire, ce qui nécessite un équilibre délicat entre stimulation économique et viabilité financière.

La théorie de l’économie d’échelle explique aussi certains phénomènes, notamment la formation de monopoles naturels, où l’augmentation de la production réduit significativement le coût moyen, justifiant parfois une gestion publique ou réglementée pour éviter des abus de position dominante.

La complémentarité entre marché et gouvernement est donc essentielle. Une régulation trop faible risque la prolifération de monopoles ou la détérioration du bien-être social, tandis qu’une intervention excessive peut entraîner des inefficacités, des surcoûts administratifs et des distorsions économiques. La clé réside dans la capacité à diagnostiquer précisément les défaillances, à choisir des politiques adaptées et à équilibrer les rôles respectifs du marché et de l’État.

Par ailleurs, il est crucial de saisir que l’efficacité du marché ne suppose pas son absence totale d’intervention, mais plutôt un cadre institutionnel solide qui garantit la transparence, la concurrence loyale, la protection des droits de propriété et la correction des externalités. Les politiques publiques doivent également être évolutives, tenant compte des mutations économiques, technologiques et sociales, pour répondre aux nouveaux défis comme la mondialisation, les crises financières ou les enjeux environnementaux.

La coordination entre différents niveaux de gouvernement (fédéral, régional, local) ainsi que la coopération internationale deviennent indispensables pour gérer les problèmes qui dépassent les frontières nationales, notamment en matière de régulation des marchés financiers, de protection de l’environnement ou de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles transnationales.

Enfin, il faut comprendre que l’équilibre entre marché et gouvernement est une construction dynamique, soumise aux contraintes politiques, économiques et sociales. La gouvernance économique efficace repose sur une interaction permanente entre ces deux pôles, chacun renforçant la capacité de l’autre à répondre aux besoins collectifs et à assurer la stabilité et la prospérité à long terme.