L’avènement de la physique des solides au cours du XXe siècle a marqué une révolution scientifique, posant les fondations d'une multitude d’innovations technologiques. Cette discipline a évolué pour devenir un champ indépendant et de plus en plus complexe, jouant un rôle clé dans la conception des matériaux modernes. Les découvertes et les outils d'analyse ont profondément transformé non seulement la science fondamentale, mais aussi l’industrie technologique. Parmi ces avancées, les découvertes liées à la diffraction des rayons X, l’introduction de la microscopie électronique et les diverses méthodes de scanographie ont joué un rôle majeur. Ces innovations ont permis d’approfondir la compréhension des structures atomiques des matériaux, facilitant ainsi des progrès technologiques sans précédent.

Les premières étapes de cette évolution ont été amorcées par la découverte des rayons X par Wilhelm Conrad Röntgen en 1895. Cette découverte fut suivie de près par l’observation de la diffraction des rayons X dans les cristaux, réalisée par Max von Laue en 1912. C’est cependant l’œuvre de William Henry Bragg et de son fils William Lawrence Bragg qui a permis d’établir les bases de l’analyse systématique des structures cristallines à l’aide de la diffraction des rayons X, un outil fondamental qui est toujours utilisé aujourd’hui pour explorer la matière à l’échelle atomique.

La physique des solides s’est ensuite largement enrichie grâce à l’émergence de nouveaux instruments de mesure et à la possibilité de préparer des échantillons plus purs et plus complexes. Ce développement a permis de poser les bases des recherches sur des matériaux tels que les semi-conducteurs et les supraconducteurs, deux catégories essentielles qui façonnent encore l’électronique et les technologies modernes.

L'invention du transistor en 1947 a marqué un jalon essentiel dans cette transformation. Bien que la physique des solides ait connu des avancées théoriques importantes tout au long du siècle, c'est surtout l’application de ces découvertes qui a permis des progrès majeurs dans des domaines comme les télécommunications, l'informatique, l’énergie, et bien d’autres encore. Le transistor, en particulier, a non seulement ouvert la voie à des circuits intégrés toujours plus petits et plus efficaces, mais il a également permis le développement d'ordinateurs et de dispositifs électroniques révolutionnaires.

La physique des solides ne se contente pas de fournir des outils pour la recherche fondamentale ; elle est indissociable du progrès technologique. Une illustration frappante de ce lien entre théorie et application se trouve dans l’accident du Comet, un avion de passagers anglais qui se déchira en plein vol en 1954. L’enquête sur cet accident a mis en lumière des problèmes graves liés à la fatigue des matériaux, en particulier à la rupture des ailes et de la structure de l’avion sous contraintes mécaniques. Les recherches menées suite à cet accident ont conduit à des avancées majeures dans la compréhension de la fatigue des matériaux, influençant les pratiques de conception et de test des avions. En exposant le fuselage à des charges mécaniques répétées dans un réservoir d'eau, il a été démontré que des fissures se formaient, notamment au niveau de la structure du fuselage, ce qui a permis d'améliorer la sécurité aérienne de manière significative.

Les progrès réalisés dans la science des matériaux ont également permis de mieux comprendre les propriétés thermodynamiques des solides, telles que la conductivité thermique, les propriétés magnétiques et l’interaction des électrons avec les réseaux cristallins. Ces découvertes sont fondamentales non seulement pour la recherche fondamentale, mais aussi pour le développement de nouveaux matériaux aux propriétés optimisées pour des applications spécifiques. À l’ère de la haute technologie, cette capacité à maîtriser les propriétés des matériaux à l’échelle atomique est un atout considérable.

Les matériaux qui sont aujourd'hui au cœur de la technologie de pointe – des semi-conducteurs aux supraconducteurs – ont des propriétés physiques qui doivent être comprises et exploitées de manière précise pour garantir leur performance optimale. Dans ce contexte, des concepts tels que la constante de Planck, la longueur de cohérence des supraconducteurs et le vecteur d’onde de Fermi sont devenus essentiels pour la modélisation et la mise en œuvre de nouveaux dispositifs électroniques et optoélectroniques. Il en va de même pour les phénomènes quantiques qui sont exploités dans des technologies émergentes, comme les ordinateurs quantiques et les capteurs ultra-précis.

En somme, la physique des solides et la science des matériaux ont connu un développement spectaculaire, transformant notre compréhension de la matière et ouvrant la voie à des applications révolutionnaires dans le domaine des technologies modernes. Les bases théoriques développées tout au long du siècle dernier continuent de nourrir les innovations actuelles et futures, offrant un potentiel de progrès encore insoupçonné.

La découverte de la supraconductivité : un phénomène révolutionnaire

La supraconductivité, phénomène dans lequel un matériau conduit l'électricité sans aucune résistance, a été observée pour la première fois en 1911 par Heike Kamerlingh Onnes à l'Université de Leyde. Cette découverte a radicalement transformé notre compréhension de l’électrodynamique des matériaux. Le matériau initialement étudié était le mercure, qui, lorsqu'il était refroidi à des températures proches du zéro absolu, perdait soudainement toute résistance électrique. Un tel phénomène était inconnu jusqu’alors, et bien que les premières vérifications aient montré un résultat inattendu, la technique de mesure s'est avérée correcte et la supraconductivité a été confirmée.

Ce phénomène n'a pas tardé à intéresser la communauté scientifique et industrielle, car il ouvrait des possibilités inédites dans la transmission d’électricité. Mais des obstacles techniques sont rapidement apparus. En effet, la supraconductivité ne se manifestait que lorsqu'un matériau était refroidi sous une température critique spécifique, propre à chaque substance. De plus, il a été observé que la supraconductivité était altérée par la présence d'un champ magnétique extérieur. Un champ magnétique suffisamment fort, supérieur au champ magnétique critique, pouvait complètement détruire l'effet supraconducteur. Cette découverte a limité les applications pratiques de la supraconductivité pendant plusieurs décennies.

À mesure que la recherche avançait, de nouveaux matériaux supraconducteurs furent découverts, parmi lesquels des alliages métalliques et des composés métalliques. En 1969, environ 350 systèmes de matériaux supraconducteurs étaient répertoriés. Les matériaux classiques, comme le plomb et l'aluminium, sont connus sous le nom de "supraconducteurs classiques", et les propriétés de ces matériaux se caractérisent par une température critique relativement basse. Le composé métallique Nb₃Ge, avec une température critique de 23,2 K, détient l’un des records parmi ces supraconducteurs classiques.

Parallèlement à l'étude des propriétés électriques des supraconducteurs, un autre phénomène crucial a été découvert : l'effet Meissner. En 1933, Walther Meissner et son collaborateur Robert Ochsenfeld ont observé que, lorsqu'un matériau supraconducteur est exposé à un champ magnétique, celui-ci est expulsé de l'intérieur du matériau lorsqu'il entre dans l'état supraconducteur. Ce phénomène, qui se manifeste par un champ magnétique nul à l'intérieur du supraconducteur, est désormais connu sous le nom d'effet Meissner. Ce résultat marqua une avancée fondamentale, car il démontrait que les supraconducteurs n'étaient pas simplement des conducteurs parfaits d'électricité. L'état supraconducteur se caractérisait par une absence totale de champ magnétique interne, ce qui avait des implications profondes pour la théorie thermodynamique des transitions de phase.

Cet effet suggérait que l'état supraconducteur était un état d'équilibre thermodynamique, indépendant du chemin suivi pour atteindre cet état. Cela permettait de mieux comprendre les conditions nécessaires à la réalisation de la supraconductivité : il suffit que la température soit inférieure à la température critique et que le champ magnétique soit inférieur au champ magnétique critique. Ce fut une étape décisive dans le développement de la théorie de la supraconductivité.

L'effet Meissner a été étayé par une analyse thermodynamique qui a permis de calculer précisément la différence d'énergie entre l'état normal et l'état supraconducteur. Cette analyse, fondée sur les principes de la thermodynamique statistique, a abouti à une meilleure compréhension du comportement des matériaux supraconducteurs dans un champ magnétique. En effet, la présence du champ magnétique dans le supraconducteur induit un courant électrique à la surface du matériau, ce qui expulse le champ de son intérieur, créant ainsi un bouclier magnétique autour du supraconducteur.

En dépit de ces avancées théoriques et expérimentales, les limitations liées aux champs magnétiques et aux courants critiques ont longtemps freiné l'utilisation industrielle des matériaux supraconducteurs. La situation a commencé à changer dans les années 1960, avec la découverte de nouveaux matériaux présentant des propriétés plus favorables. Ces matériaux, dotés de champs magnétiques critiques plus élevés et d'une capacité à transporter des courants plus importants, ont ouvert la voie à des applications pratiques plus vastes.

La transition vers la supraconductivité à haute température, que l'on abordera dans le chapitre suivant, représente une nouvelle frontière dans la recherche sur la supraconductivité. Les matériaux supraconducteurs à température ambiante, bien que n'ayant pas encore été pleinement réalisés, constituent un objectif de recherche essentiel. Leur découverte pourrait révolutionner de nombreux domaines technologiques, notamment la transmission d’énergie, le transport magnétique et les dispositifs électroniques.

L'un des aspects les plus importants à comprendre est que la supraconductivité n'est pas un phénomène simple de conduction parfaite, mais un état complexe dans lequel des interactions subtiles entre les électrons, le réseau cristallin et les champs magnétiques se manifestent. La compréhension de ces interactions est cruciale pour développer de nouveaux matériaux supraconducteurs plus efficaces et plus faciles à utiliser dans des applications pratiques. C'est un domaine de recherche en constante évolution, avec de nombreuses perspectives à explorer.