L'une des caractéristiques les plus marquantes de l’ascension de Donald Trump en politique a été son image de "porteur de vérité". Lors de ses discours et prises de position, Trump s’est souvent présenté comme un homme qui ose dire la vérité, même au prix de déranger ou d’offenser certains secteurs de la société. Il a prétendu que ses adversaires étaient des manipulateurs de la vérité, masquant la réalité sous des façades de politiquement correct. Par exemple, lorsqu’il a déclaré que pour "protéger la qualité de vie de tous les Américains, il était nécessaire de dire la vérité sur l’Islam radical", Trump semblait se présenter comme un défenseur du discours authentique et courageux, prêt à briser des tabous pour le bien commun.
Cependant, un examen plus approfondi des théories philosophiques sur la vérité et la parole, notamment à travers les écrits de Michel Foucault, permet d’apporter une vision plus nuancée de ce phénomène. Foucault (2001) distingue deux formes de "parrhesia", ou parole franche. L’une est positive et vertueuse, celle d’un individu qui dit la vérité pour le bien de la société, dans le cadre d’un dialogue honnête. L’autre, plus perverse, appartient à celui qui parle sans discernement, sans sagesse, dans l’unique but de choquer, de manipuler et de susciter des réactions émotionnelles. Dans cette seconde forme, le discours se déconnecte de la vérité elle-même, devenant une arme de manipulation.
Trump, par ses discours incessants et souvent incohérents, ses tweets intempestifs, et ses rassemblements bruyants, incarne en partie ce "parrhesiaste négatif". Il ne semble pas s’engager dans un véritable dialogue basé sur des arguments rationnels, mais plutôt dans un babillage continu qui vise à secouer ses partisans, à les galvaniser par des propos sans véritable fondement rationnel. Comme le note Foucault, ce type de "parrhesiaste" manque de "mathesis", c’est-à-dire de savoir ou de sagesse. La vérité, pour lui, n’est pas une question de compréhension approfondie ou de recherche intellectuelle, mais d’émotions et de récits simplistes capables de flatter ses auditeurs. En ce sens, Trump ne fait pas la vérité ; il la manipule.
Une telle approche est renforcée par le relativisme qu’il adopte fréquemment dans ses prises de position. Plutôt que de se baser sur des faits solides et vérifiables, il se réfugie dans des affirmations vagues, des théories non fondées, et des dénonciations des "fake news" chaque fois qu'il est confronté à des faits contradictoires. Cette stratégie vise à neutraliser tout débat rationnel en créant un environnement où chacun peut affirmer ce qu’il veut, sans se soucier des critères objectifs de la vérité.
En réalité, le relativisme que Trump incarne semble être davantage un moyen de contourner la vérité objective, qu’une véritable philosophie de la connaissance. En prétendant qu’il n’y a pas de vérité universelle, Trump et ses alliés cherchent à abattre les fondements mêmes de la rationalité. En réduisant la vérité à une simple question de perception individuelle, ils évitent de traiter les questions de fond qui nécessitent une véritable réflexion et une attention aux faits.
Il est donc crucial, dans cette ère du "post-vérité", de comprendre que la manipulation du discours ne se limite pas à la diffusion de mensonges flagrants, mais à une érosion subtile de ce que signifie réellement la vérité. La vérité, loin d’être une donnée objective et universelle, devient une construction qui varie selon les intérêts et les émotions du moment.
En réfléchissant aux implications de cette dynamique, il devient apparent que la montée de Trump n’est pas seulement un phénomène politique, mais aussi un signe des mutations profondes dans notre rapport à la vérité. Si, d’une part, des courants philosophiques contemporains comme le postmodernisme ont souvent remis en question les concepts d'objectivité et d'universalité des vérités, ces remises en question ont été instrumentalisées par des figures comme Trump. Dans ce contexte, la véritable recherche de la vérité nécessite de comprendre que le discours ne se limite pas à l’émotion brute, mais à une réflexion rationnelle et argumentée. La vérité doit être abordée non seulement comme une vérité individuelle ou idéologique, mais comme un phénomène qui engage l’ensemble de la société à travers une discussion ouverte, honnête et fondée sur des faits.
Il devient essentiel, face à cette montée du relativisme et de la manipulation de la vérité, de défendre un espace où la raison et la rationalité sont au cœur des débats publics, afin de construire un monde où les discours ne se contentent pas de flatter les passions mais servent véritablement à éclairer et améliorer la société. Pour ce faire, il est impératif de résister à la tentation du "babillage sans fin", en favorisant un engagement intellectuel sincère et une recherche commune de la vérité.
La Fausse Prémisse de l'Anxiété Économique et la Dépolitisation des Luttes Sociales
L'anxiété économique, telle qu'elle est abordée dans les discours contemporains, constitue une notion insidieuse qui cherche à détourner l'attention des véritables causes structurelles des inégalités sociales. Depuis les années 1970, cette théorie a pris forme et s'est affirmée comme un élément central du discours populiste, tant du côté libéral que conservateur, cherchant à expliquer les bouleversements politiques comme une réponse à des frustrations économiques, souvent négligentes envers les dimensions raciales et sexistes des inégalités.
Prenons, par exemple, le débat sur l'affichage du drapeau confédéré. Depuis la période de la Reconstruction, ses défenseurs ont tenté de dépolitiser ce symbole, arguant qu'il ne représentait pas l'esclavage, mais plutôt un sentiment de fierté ou d'héritage du Sud. Cette vision ahistorique fait abstraction de l'usage délibéré de ce symbole dans les années 1950 et 1960, lorsqu'il a été réintroduit comme réponse aux mouvements pour les droits civiques. À travers une lentille post-raciale, la réalité de l'esclavage et du racisme est effacée, prétendant qu'« il n'y a plus de racisme ». Les opposants à ce symbole sont alors qualifiés d'« overreacting », refusant d’accepter l’argument de la liberté d'expression.
Cette forme de « post-racialisation » des débats se retrouve dans la défense des politiques de Donald Trump. Coates (2017) note que la ferveur de Trump pour la défense de la "blancheur" des États-Unis s’accompagne d'une forme de déni, où l’on nous dit que le soutien aux politiques racistes de Trump serait simplement le reflet de l’écart culturel et économique entre des Américains supposés éloignés des préoccupations du quotidien et ceux qui, selon l'idéologie dominante, sont coupés des réalités du « peuple » réel. Ce discours, tout en mettant l’accent sur l’anxiété économique, masque l’ampleur des inégalités raciales et des violences systémiques, tout en consolidant un cadre idéologique favorable aux inégalités structurelles.
Le paradoxe majeur de cette théorie de l'anxiété économique est qu'elle refuse de confronter la réalité du capitalisme lui-même. Comme le soulignent McLaren et Farahmandpur (2002), cette idéologie pro-capitaliste souffre d'une amnésie remarquée, ne prenant en compte que les côtés « plus doux » du capitalisme des années 1950-60, une époque où les réformes du New Deal et les protections sociales permettaient de contenir les excès du marché. Ignorer les conséquences actuelles du capitalisme – telles que la fuite des capitaux ou l’accroissement des inégalités – permet de nourrir l’illusion d’un retour à un âge d’or où l’Américain moyen prospérait.
Ce retour en arrière idéalisé occulte la réalité des conditions de travail des minorités, en particulier des travailleurs noirs et des femmes confrontées à des discriminations raciales et sexistes persistantes. L’insistance sur le rétablissement de la situation « d’avant », par le biais de politiques de réformation de l’emploi ou de la formation professionnelle, ignore complètement les inégalités historiques qui façonnent le paysage économique et social. La thèse de l’anxiété économique se concentre sur une restauration idéalisée d’une époque révolue, en faisant abstraction des luttes sociales qui ont marqué cette période.
L'une des conséquences de cette négligence des questions raciales et sexistes est que les politiques publiques ne remettent pas en question les racines profondes du capitalisme et de ses injustices structurelles. Les discours populistes de Trump, par exemple, ont prospéré grâce à l’inaction des démocrates, qui n’ont pas pris position contre le racisme et la xénophobie. En fait, comme l'explique Chacon (2017), la faiblesse de l'administration Obama à défendre une amnistie d'immigration universelle a permis à la droite de mobiliser un sentiment anti-immigrants, donnant ainsi une base solide à l'ascension de Trump.
L’évolution du discours populiste montre une évolution marquée des origines de ce type de rhétorique. Si, à l’origine, les conservateurs utilisaient ces tropes pour se distinguer de l’establishment, on observe désormais que même les commentateurs libéraux et progressistes adoptent ces termes accusateurs, contribuant ainsi à une réification des catégories sociologiques comme la « classe moyenne déconnectée » ou les « élites progressistes ». Comme le note Lerner (2017), ces nouveaux discours de droite sont désormais relayés par des voix progressistes, qui, sans même en être conscientes, se retrouvent à jouer le rôle de « porte-paroles » du camp conservateur.
En étudiant l’évolution de la thèse de l’anxiété économique, il est évident que cette notion, loin de traiter de manière juste et nuancée des inégalités sociales, masque plutôt les dynamiques de pouvoir qui façonnent la politique américaine. L'impact de ces discours sur les luttes raciales et de genre demeure majeur. En effet, dans le même temps que les critiques du capitalisme et des politiques néolibérales se multiplient, cette rhétorique refuse de considérer l’influence des discriminations systémiques dans la construction des inégalités sociales. Dans une telle configuration, il est impératif que l’on dépasse les limites de l’anxiété économique pour aborder les questions de race et de genre avec toute la complexité qu’elles méritent.
L'ascension de Trump : un signal inquiétant pour la démocratie et l'ordre mondial
Le phénomène Donald Trump n’est pas seulement une simple figure de la politique américaine. Il incarne une rupture dans les normes établies et un défi direct aux valeurs fondament

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