Dans la religion égyptienne, la magie et la mythologie occupaient des rôles essentiels pour garantir la protection, la régénération et l'ordre cosmique. Le Livre des Morts, un recueil de formules magiques, avait pour objectif de protéger l'âme du défunt contre toute menace. Ces formules permettaient, entre autres, à l'âme de se transformer en divers animaux, un moyen de métamorphose dans l'au-delà. L'aspect magique prédominait ainsi, bien plus que les concepts religieux et moraux, dans le cycle des croyances funéraires égyptiennes. Celles-ci, nourries par une mythologie vaste mais fragmentée, ont permis d'étudier l'évolution et la diversité des cultes locaux au sein de la civilisation égyptienne.

La mythologie égyptienne, même si elle est aujourd'hui réduite à une portion minime, constitue une source précieuse pour comprendre la vision du monde des Égyptiens. Cette mythologie varie considérablement selon les régions, chaque localité ayant ses propres récits cosmogoniques centrés sur ses divinités protectrices. L'un des plus anciens mythes cosmogoniques fait remonter la création du monde au dieu Ptah, localisé à Memphis, qui, selon cette tradition, aurait engendré tous les autres dieux, dont Horus et Thoth. Les prêtres d'Héliopolis, en revanche, attribuaient la création à leur dieu solaire, Ra (ou Aten), qui, selon la cosmogonie heliopolitaine, naquit du chaos primordial, Nun. Ce chaos, représentant l'origine informe de l'univers, permet à Ra de se multiplier, engendrant à son tour des divinités comme Shu (le dieu de l'air), Tefnut (son épouse), Geb (la Terre), Nut (le Ciel), et d'autres, composant ainsi le groupe mythologique des "neuf divins".

Selon cette cosmogonie, Ra n'était pas seulement le créateur, mais il personnifiait également l'univers et la lumière. Il avait deux yeux, l'un étant le soleil et l'autre la lune. Chaque jour, il se déplaçait dans une barque, luttant contre un serpent souterrain, symbole de l'obscurité. En contraste avec la plupart des autres civilisations antiques, les Égyptiens considéraient le ciel comme une déesse, Nut, dont le corps s'étendait pour recouvrir la Terre, personnifiée par Geb, dans une vision cosmique qui dépeignait le monde comme une grande et intime relation de forces divines. Cette perception reflétait également des vestiges de sociétés matriarcales, bien que la mythologie solaire d'Héliopolis soit profondément enracinée dans des idées patriarcales.

La diversité des mythes égyptiens s'étendait aussi à des conceptions de la naissance de l'homme. Par exemple, les partisans du dieu Khnum, vénéré dans le sud de l'Égypte, croyaient que ce dieu potier façonnait les êtres humains sur son tour de potier. D'autres récits évoquaient un œuf primordial à partir duquel le soleil naquit, suggérant une conception cosmogonique archaïque, associée à la fertilité et à la régénération de l'univers. L'importance du soleil dans la religion égyptienne ne se limitait pas à la lumière qu'il apportait, mais s'étendait à des croyances mystiques où le soleil combattait des serpents ou des forces ténébreuses, représentées par le serpent Apophis, que les prêtres d'Héliopolis cherchaient à repousser à l'aide de formules magiques.

Le mythe égyptien de la lutte entre Ra et Apophis s'étendait également à une conception de la vie humaine. L'humanité, selon certains récits, naissait de larmes divines. Le soleil, la lune et d'autres astres étaient représentés sous différentes formes animales : scarabées, faucons, serpents, et chats. Dans cette cosmogonie, le soleil n'était pas simplement une entité astrale, mais un personnage vivifiant et une source de toute vie. D'autres animaux, tels que le chat, étaient aussi perçus comme des manifestations du divin, dans un monde où la nature elle-même était emplie de symbolisme magique.

Les forces de la nature étaient donc personnifiées sous forme de divinités bienveillantes ou hostiles. Par exemple, les Égyptiens attribuaient la fertilité de leur vallée du Nil à des dieux bienveillants, tandis que les forces destructrices du désert prenaient la forme d'entités malveillantes comme Seth et Sekhmet. Seth, le dieu de la violence et du chaos, était notamment connu pour son rôle dans le mythe d'Osiris, où il tue son frère par jalousie, entraînant un conflit cosmique et social.

De tels récits mythologiques s'accompagnaient d'idées plus pragmatiques sur la culture et la civilisation. Osiris, le dieu du cycle de la vie et de la mort, n'était pas seulement associé à l'au-delà, mais à l'introduction de l'agriculture et des techniques agricoles en Égypte. Dans les mythes égyptiens, les héros culturels, toujours des dieux, enseignaient aux hommes l'agriculture et les sciences, un parallèle direct avec le rôle fondamental du mythe dans la structuration des sociétés humaines.

Les catastrophes, dans l'imaginaire égyptien, étaient souvent interprétées comme des manifestations de la colère divine. Cependant, contrairement à d'autres civilisations qui se représentaient les catastrophes comme des inondations destructrices, les Égyptiens considéraient les crues du Nil comme une bénédiction annuelle. Les punissements divins prenaient souvent la forme d'une vengeance plus ciblée. Dans un mythe, Ra, en colère contre l'humanité, envoie sa fille Hathor sous l'apparence de la déesse lionne Sekhmet pour anéantir l'humanité, mais elle fut maîtrisée par ruse, Ra lui faisant boire de la bière jusqu'à ce qu'elle se calme.

La magie, dans ce contexte, jouait un rôle fondamental dans la religion égyptienne. Elle était utilisée pour tout, de la médecine à la protection contre les animaux sauvages et les dangers naturels. Des sorts étaient lancés pour éloigner les serpents et les insectes venimeux, ou pour protéger les individus contre les crocs des crocodiles. Les pratiques magiques comprenaient également des rituels pour assurer la lumière du soleil, des incantations pour que Ra brille chaque jour. La magie noire, quant à elle, était utilisée pour infliger des malédictions et exercer des influences néfastes sur les ennemis. Les Égyptiens considéraient la magie comme un outil indispensable pour maintenir l'harmonie du cosmos et protéger l'individu contre les forces chaotiques.

L'intégration de la magie dans la religion égyptienne dépasse le simple aspect de la protection. Elle illustre la vision du monde égyptienne selon laquelle la réalité et l'au-delà étaient inextricablement liés, chaque événement cosmique et quotidien devant être soigneusement maîtrisé par les rituels et les incantations divines. Dans cette perspective, la magie n’était pas un simple instrument, mais un moyen de maintenir l’équilibre entre les forces divines, les phénomènes naturels et la société humaine.

Les croyances religieuses chez les Aborigènes australiens et en Océanie : Une tradition en transformation

Les croyances religieuses des Aborigènes australiens, comme celles de nombreux peuples autochtones à travers le monde, s'inscrivent dans un système tribal où la spiritualité est indissociable de la vie quotidienne, des rites initiatiques et de la relation intime avec la nature. Ces croyances étaient profondément ancrées dans les traditions, souvent transmises oralement, et s'articulaient autour de totems, de figures mythologiques et d'entités surnaturelles liées aux éléments naturels. Les Aborigènes croyaient en un monde peuplé de forces invisibles qui contrôlaient les phénomènes naturels, la faune et la flore, et leur propre existence. La Terre Mère, le Serpent Arc-en-ciel, et les totems des animaux étaient des éléments fondamentaux de ce système de croyances, chaque tribu ayant ses propres mythes et récits sacrés.

Cependant, la colonisation par les Britanniques à la fin du XVIIIe siècle a profondément bouleversé ces traditions. La destruction de nombreuses tribus australiennes et la réduction en nombre de celles qui ont survécu ont entraîné une perte significative de la culture aborigène, notamment dans ses aspects religieux. Bien que certaines tribus aient continué à pratiquer leurs rituels en dehors des zones colonisées, la pression des missionnaires a conduit à la répression de rites païens, interdisant nombre de pratiques ancestrales. Certains missionnaires ont toutefois cherché à adapter le christianisme aux croyances locales, créant ainsi une forme hybride de religion où les Aborigènes continuaient à honorer à la fois Dieu et leurs esprits ancestraux.

Un exemple frappant de cette coexistence de croyances est celui de Vaipuldania, un Aborigène baptisé de la tribu Jhe Alava, qui déclare : « Oui, je crois en Dieu. Mais je crois aussi en la Terre Mère, le Serpent Arc-en-ciel, et mon totem Kangourou. Ils nous ont tout donné : notre pays tribal, notre nourriture, ma femme, nos enfants, notre culture. Rien ne changera cela. C'est inscrit en moi, un héritage transmis de génération en génération depuis l'époque du Rêve, gravé dans mon esprit et mon corps lors de mon initiation. » Cette déclaration met en lumière la résistance des Aborigènes à abandonner leur héritage spirituel malgré l'influence chrétienne.

Au-delà des frontières de la colonisation, dans les régions plus isolées du pays, certaines tribus ont pu conserver, bien que de manière fragmentée, leurs anciennes croyances. Néanmoins, avec la disparition progressive des anciens, les connaissances sacrées et les légendes totemiques disparaissent aussi, faute de transmission aux nouvelles générations. C'est une réalité cruelle que de voir la mémoire collective d'une civilisation disparaître avec la mort des derniers détenteurs de la sagesse ancestrale.

Un autre peuple d'Océanie, les Tasmaniens, partageait de nombreuses similitudes avec les Aborigènes australiens. Ils vivaient dans de petites communautés de chasseurs-cueilleurs et avaient des croyances religieuses semblables. Toutefois, ces peuples furent également décimés par la colonisation européenne au XIXe siècle, et la dernière personne d'origine tasmanienne mourut en 1877. Les informations sur leurs pratiques religieuses sont fragmentaires, mais des éléments de totemisme peuvent être supposés à travers les tabous alimentaires et les objets sacrés, tels que des galets peints, dont certains observateurs suggèrent qu'ils avaient une signification spirituelle. Ils avaient également des coutumes funéraires variées, comprenant l'enterrement, l'inhumation aérienne, la crémation et des rituels de sépulture secondaire. Leur crainte des esprits nocturnes et leur superstition liée à la nuit indiquent aussi une vision animiste du monde, où les forces invisibles régissaient leur environnement et leurs comportements.

L'arrivée des Européens en Océanie a eu un impact similaire sur d'autres peuples insulaires de la région, bien que le processus de transformation religieuse se soit déroulé différemment selon les groupes ethniques et géographiques. En Mélanésie, les peuples comme les Papous conservent encore des éléments d'un système tribal primitif. Cependant, des sociétés plus complexes ont émergé à mesure que l'on se dirigeait vers l'est, notamment dans les îles de Polynésie, où les structures sociales ont évolué vers des sociétés de classes avec des systèmes politiques rudimentaires. Ces transitions sociales ont également affecté la religion, les croyances évoluant parallèlement aux structures politiques et économiques.

Les rites initiatiques, par exemple, ont changé au fil du temps. Dans certaines régions, ils sont devenus moins physiques et plus symboliques, avec des danses, des masques et des récits mythologiques devenant des moyens essentiels de transmettre les croyances religieuses. De plus, la religion dans ces sociétés a évolué, passant d'un système tribal basé sur le totemisme et l'animisme à des formes de religion plus hiérarchisées, à mesure que des systèmes sociaux plus complexes se développaient. Ces changements ont été influencés par de nombreux facteurs, y compris l'intégration des éléments du christianisme, mais aussi par les nouvelles réalités sociales et économiques créées par les interactions avec les Européens et d'autres cultures.

Les croyances religieuses en Océanie, en particulier celles des Papous et des Mélanésiens, offrent un exemple fascinant de la manière dont les religions traditionnelles ont évolué face aux pressions externes, tout en préservant certains éléments essentiels de la culture et de la spiritualité indigènes. Cependant, il est crucial de comprendre que ces croyances ne sont pas monolithiques ; elles varient grandement en fonction de l'histoire, des contacts avec d'autres cultures et des changements sociaux internes. La transition d'une religion tribale à une religion de classe ou d'État ne se fait pas simplement par imposition extérieure, mais résulte également d'un processus complexe d'adaptation et de réinterprétation des anciens croyances.