Le New Hampshire, petit État du nord-est des États-Unis, a offert l'une des surprises les plus notables lors de l'élection présidentielle de 2016. Alors que plusieurs États pivots, tels que la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin, ont voté en faveur de Donald Trump, cet État a maintenu sa préférence pour Hillary Clinton, et ce, par une marge très étroite. Le New Hampshire est ainsi resté un bastion démocrate, malgré un climat électoral qui semblait favorable à la victoire de Trump. Pourquoi cet État a-t-il résisté alors que d'autres ont succombé à la vague populiste?

L'un des éléments cruciaux pour comprendre cette dynamique réside dans la démographie particulière de l'État. Le New Hampshire est, en 2016, l'un des États les moins diversifiés des États-Unis, avec une population à 94 % blanche. Cette configuration démographique aurait pu jouer en faveur de Trump, surtout si l'on considère que, dans de nombreux autres États, les électeurs non blancs ont largement soutenu Hillary Clinton. Toutefois, bien que la population blanche du New Hampshire ait majoritairement voté pour Trump (48 % contre 46 % pour Clinton), ce groupe n'a pas suffi à offrir la victoire au candidat républicain. En effet, la proportion non blanche, bien que réduite (seulement 8 % de l'électorat), a voté de manière écrasante pour Clinton, avec un soutien de 58 %, contre 33 % pour Trump. Cette mobilisation des minorités raciales a été décisive dans la victoire de Clinton dans cet État, ce qui rappelle que l'apparence "blanche" de l'électorat n'est pas nécessairement un facteur suffisant pour prédire un soutien majoritaire pour un candidat républicain.

Un autre facteur fondamental qui explique cette victoire de Clinton réside dans le niveau d'éducation des électeurs du New Hampshire. Cet État a l'une des populations les plus instruites des États-Unis, avec 36,6 % de ses résidents ayant un diplôme universitaire, et 14,1 % possédant un diplôme d'études supérieures, bien au-dessus de la moyenne nationale. En 2016, l'électorat du New Hampshire reflétait ce niveau élevé d'éducation. Selon les sondages de sortie, une proportion significative d'électeurs (32 %) avait un diplôme universitaire, tandis que 23 % avaient poursuivi des études supérieures. À l'opposé, 44 % des électeurs du New Hampshire n'avaient pas terminé leurs études universitaires. Ce fossé éducatif a été crucial dans l'élection de Clinton. Tandis que Trump dominait largement parmi les électeurs ayant un faible niveau d'éducation (58 % contre 37 % pour Clinton chez ceux ayant seulement un diplôme de lycée), il a vu son avance fondre parmi les électeurs les plus diplômés. Clinton a remporté les voix des diplômés universitaires et des titulaires de diplômes supérieurs avec des marges confortables, 65 % contre 29 % chez les titulaires de diplômes de troisième cycle.

Cet écart éducatif n'a pas seulement affecté la performance de Trump dans cet État, il a aussi joué un rôle central dans le déroulement de l'élection à l'échelle nationale. Le soutien de l'électorat éduqué était un facteur décisif dans de nombreux autres États, mais sa portée a été particulièrement marquée au New Hampshire, où une majorité de votants issus de milieux éduqués a repoussé la tentative de Trump. À l'inverse, dans des États comme le Michigan ou la Pennsylvanie, le soutien des électeurs peu instruits a permis à Trump de basculer ces États clés en sa faveur, tout en conservant une large base de soutien parmi l'électorat populaire.

Le comportement électoral au New Hampshire peut aussi être interprété à la lumière de l'environnement politique national en 2016. L'atmosphère négative créée par les campagnes des deux candidats, notamment la prolifération des scandales impliquant Hillary Clinton et la diffusion des emails de sa campagne par Wikileaks, a joué un rôle dans la polarisation des électeurs. Cependant, le New Hampshire semble avoir été moins affecté par ces facteurs que d'autres États, où les accusations contre Clinton ont eu des conséquences plus visibles.

Il est aussi essentiel de noter que le New Hampshire a bénéficié d'une participation électorale exceptionnellement élevée en 2016. Avec un taux de participation de 72,5 %, l'État se classait parmi les plus hauts du pays. Bien que la campagne présidentielle n'ait pas suscité un enthousiasme démesuré, il est évident que la mobilisation des électeurs, particulièrement parmi les minorités et les électeurs instruits, a été décisive pour Clinton. Le faible taux de participation des électeurs républicains dans cet État a également joué un rôle clé. Ce phénomène pourrait expliquer en partie pourquoi Trump, malgré sa forte campagne dans d'autres États, n'a pas réussi à surpasser Clinton dans ce bastion démocrate du nord-est.

Il est intéressant de souligner que, bien que Clinton ait remporté le New Hampshire, son avance n’a pas été suffisante pour compenser ses pertes dans d’autres États clés. L’élection de 2016 a mis en lumière la fracture de plus en plus marquée entre les États à forte population éduquée et ceux avec un taux d’instruction plus faible. Le New Hampshire, avec son électorat instruit et son engagement civique élevé, a été l’un des derniers témoins de ce clivage, qui s’est ensuite amplifié au niveau national. Si Clinton avait réussi à emporter d’autres États avec des profils similaires à celui du New Hampshire, le résultat final aurait pu être tout autre.

Comment la nomination de Trump a-t-elle transformé la dynamique des primaires présidentielles de 2020 ?

Depuis l’élection de Donald Trump en 2016, la politique américaine a été marquée par des changements profonds dans les mécanismes traditionnels de sélection des candidats à la présidence. Les primaires, qui ont toujours joué un rôle central dans le processus de nomination des partis, ont été repensées, redéfinies, et, dans une certaine mesure, ébranlées par la figure de Trump. Le phénomène Trump a non seulement perturbé la façon dont les candidats mènent leurs campagnes, mais il a aussi affecté la manière dont les partis réagissent face à une figure présidentielle en exercice.

L’une des questions majeures soulevées par la présidence de Trump, c'est de savoir si un président sortant peut être défié de manière sérieuse au sein de son propre parti. Depuis 1992, année où Pat Buchanan a tenté de s’opposer à George H.W. Bush, aucun autre président n’a connu une opposition aussi importante au sein de son propre camp. Pourtant, dès 2017, dès les premiers signes de polarisation, de nombreuses spéculations ont vu le jour concernant la possibilité d'une primaire républicaine vivace en 2020, défiant un Trump encore en fonction. Au moment où ce chapitre est rédigé, seul Bill Weld, ancien gouverneur du Massachusetts, a officiellement annoncé sa candidature pour défier Trump lors des primaires républicaines. D’autres figures républicaines comme John Kasich n’ont pas encore pris leur décision, et plusieurs autres, après avoir mené une réflexion préalable, ont finalement renoncé à se présenter.

L’histoire des présidents challengés au sein de leur propre parti est riche en leçons. Par le passé, ces défis étaient souvent le signe d’une faiblesse manifeste du président sortant, qui pouvait, au mieux, survivre à la primaire, mais à un coût élevé en termes d’image et de divisions internes. Ce type de défi ne mène pas nécessairement à une défaite de l’incumbent, mais expose souvent les fractures au sein du parti et nuit à la dynamique de réélection. Par exemple, Nixon en 1972, malgré des attaques internes, a réussi à repousser ses adversaires internes sans grands dommages immédiats à sa campagne. Mais le processus de contestation a forcé le Comité National Républicain à rester neutre et à éviter de s’engager publiquement, ce qui a créé une atmosphère d’incertitude au sein du parti.

Dans le cas de Trump, plusieurs facteurs rendent une telle défiance plus complexe. Le premier est la domination médiatique qu’il exerce : chaque parole, chaque acte est scruté et amplifié, et cela fait de lui une figure difficile à contester sans générer une énorme attention et des divisions. Ensuite, le populisme de Trump et son positionnement très marqué sur des sujets comme l'immigration ou le nationalisme rendent difficile pour un challenger républicain de se démarquer sans se mettre à dos une partie importante de l’électorat. À ce titre, des présidents comme Reagan, Clinton, ou Obama, qui ont également traversé des moments de crise interne, n’ont pas connu de véritables défis de la part de leur propre parti, ce qui montre la solidité de leur position malgré les turbulences.

L’analyse des primaires républicaines de 2020 doit également prendre en compte les dynamiques spécifiques à chaque élection. Le rôle des électeurs, notamment dans des États comme le New Hampshire, est crucial. Là, les primaires sont souvent plus une question de survie pour certains candidats que d’une véritable compétition ouverte. Même si l’opposition à Trump n’est pas aussi forte qu’elle l’a été pour d’autres présidents dans le passé, le simple fait qu’un challenger comme Weld se présente et obtienne une attention significative constitue un signe de la fragilité de la situation.

Le phénomène Trump a également modifié l’approche des primaires démocrates. Les candidats, issus de différentes fractions du parti, voient dans la polarisation de la société américaine une opportunité de se positionner comme la meilleure alternative à Trump. Les débats présidentiels sont devenus un terrain d’affrontement où chaque candidat cherche à se différencier, tout en s’assurant de ne pas aliénier les électeurs modérés ou de gauche qui pourraient être décisifs lors de l’élection générale. Cela a conduit à une multiplication des candidatures au sein du Parti démocrate, avec des figures comme l’ex-vice-président Joe Biden, des sénateurs comme Bernie Sanders ou Elizabeth Warren, et des personnalités moins connues comme Pete Buttigieg, tentant tous leur chance pour prendre la tête du parti.

Au-delà des calculs politiques internes et des batailles médiatiques, il est essentiel de comprendre que la dynamique des primaires de 2020 n’est pas seulement une question de nommer un candidat, mais également de définir le futur du parti républicain et du parti démocrate. La question qui se pose est donc celle du renouvellement et de la survie des structures partisanes face à un homme comme Trump, dont l’élection a mis en lumière des fractures profondes et des fissures dans le corps politique traditionnel.

Les primaires sont plus que jamais un test de résistance, une démonstration de la capacité d’un parti à naviguer dans des eaux tumultueuses, tout en cherchant à préserver son unité. Les résultats de ces élections primaires détermineront non seulement l’identité des candidats à la présidence, mais aussi l’orientation politique future des États-Unis.