Les effets du givrage sur les composants des moteurs à réaction, en particulier les pales des ventilateurs et les pales de guide de sortie du ventilateur (FEGV), ont été intensivement étudiés par les chercheurs et les ingénieurs des laboratoires nationaux et des universités. Bien que divers systèmes de dégivrage et anti-givrage aient été développés, certains accidents surviennent toujours, ce qui souligne l’importance de comprendre les phénomènes de givrage et leur impact sur les performances des moteurs à réaction. En aviation, cela fait plus de 70 ans que les systèmes de dé- et anti-givrage sont utilisés, avec des dispositifs comme les bottes pneumatiques, les systèmes d’air de dégazage et les dispositifs électrothermiques, mais le givrage des pales rotatives dans les moteurs reste un défi majeur.

Les principales zones de givrage dans un moteur à réaction incluent la pale du ventilateur, la pale de guide de sortie du ventilateur (FEGV), le cône de nez, le séparateur et le compresseur à basse pression. En revanche, contrairement aux composants fixes, les systèmes de dégivrage et anti-givrage des pales rotatives sont moins efficaces et moins développés. Le givrage dans les compresseurs à haute et basse pression est un phénomène reconnu qui est souvent dû à des cristaux de glace, un problème qui a été mis en évidence par plusieurs chercheurs dans leurs études. Il est essentiel de comprendre que la formation de glace dépend de plusieurs conditions physiques, telles que la température ambiante, le contenu en eau liquide (LWC), le contenu en eau glacée (IWC), le diamètre médian volumétrique (MVD), la température de la surface de collision des gouttes, ainsi que la rugosité de cette surface et la masse des gouttes.

Reproduire ces conditions expérimentales en altitude et à l’échelle réelle est un défi coûteux, tandis que les tests en vol sont évidemment risqués. C'est pourquoi la dynamique des fluides numérique (CFD) est devenue un outil puissant pour la prédiction des phénomènes de givrage, grâce aux récents progrès dans le développement du matériel et des logiciels informatiques. Aujourd'hui, des simulations de givrage peuvent être réalisées dans des champs de flux tridimensionnels complexes au sein d'un moteur à réaction, permettant ainsi une étude plus précise et plus sûre de ces phénomènes.

Le processus de simulation de givrage dans un moteur à réaction se compose de plusieurs étapes. Tout d’abord, le champ de flux turbulent autour d’une pale ou d’une aube propre est calculé. Ensuite, la distribution des gouttes d'eau qui s’impriment sur la surface de ces composants est réalisée selon une méthode lagrangienne. Le calcul de l’épaisseur de la glace et la prédiction de sa forme suivent, avant que la grille de calcul soit modifiée en tenant compte de cette forme de glace, pour que l’itération se répète jusqu’à ce que la durée souhaitée de formation de glace soit atteinte. En général, entre quatre et douze itérations sont suffisantes pour obtenir des formes de glace raisonnables, bien que cela dépende des conditions de givrage.

L’équation de base pour la dynamique du fluide est modélisée en trois dimensions et est pleinement turbulente. Les équations de continuité, de Navier-Stokes et d'énergie sont résolues en utilisant des méthodes numériques avancées pour estimer les effets de turbulence. Le modèle de turbulence utilisé est un modèle à haute valeur de Reynolds, qui permet de limiter les surestimations de la viscosité turbulente dans la région de stagnation du flux. Les méthodes numériques utilisent une discrétisation par différences finies et un schéma de second ordre pour les termes sans viscosité, ainsi qu'un schéma de différences centrales pour les termes visqueux.

La dynamique des gouttes d'eau est simulée à l’aide d’une méthode lagrangienne. Cette méthode suppose que les gouttes sont sphériques, ne se déforment pas, et ne se fragmentent pas, ce qui simplifie considérablement les calculs. L'interaction entre les gouttes est négligée et il est supposé que les gouttes n'affectent pas le champ de flux. Dans cette simulation, les forces agissant sur une goutte incluent la traînée, la force centrifuge et la force de Coriolis.

Un aspect intéressant dans l'étude des gouttes d'eau et de leur trajectoire est l’introduction du nombre de Weber, qui permet de prédire si une goutte se brisera en fonction de sa taille et de sa vitesse. Ce nombre donne une indication importante dans les simulations de givrage, bien qu'il soit souvent négligé dans le cas des pales des ventilateurs, car les phénomènes de rupture des gouttes sont moins pertinents sur les sections de l’aile proches du moyeu que sur les zones proches du bout des pales.

Il est aussi crucial de noter que les méthodes de simulation des phénomènes de givrage permettent de mieux comprendre non seulement la formation de la glace mais aussi la manière dont elle peut affecter la performance du moteur à réaction, en particulier à travers les risques de détachement de glace des pales et des aubes, ce qui peut entraîner des défaillances mécaniques, des arrêts imprévus ou des réductions de performance du moteur. Les résultats de ces simulations fournissent des informations précieuses pour l'optimisation des moteurs et l’amélioration de la sécurité aérienne.

Comment optimiser un système de protection contre le givrage électrothermique tout en réduisant la formation de glace ?

L'optimisation d'un système de protection contre le givrage électrothermique (IPS) repose sur un équilibre délicat entre plusieurs paramètres techniques. L'objectif principal de ce processus est de minimiser la formation de glace tout en respectant les contraintes de puissance et en maximisant l'efficacité de l'allocation du flux thermique sur les éléments chauffants du système.

L'approche numérique de cette optimisation commence par la minimisation de la quantité de glace formée, représentée par MiceM_{\text{ice}}, qui est une norme L2 calculée selon la formule de l'équation (12). Cette minimisation se fait sous la contrainte d'un budget énergétique, c'est-à-dire que la somme des flux thermiques alloués aux éléments chauffants doit être égale à 4815 W/m, valeur imposée par la contrainte de puissance. La distribution du flux thermique sur les chauffages du système de protection est directement liée à la configuration de chaque élément chauffant, et l'objectif est de trouver l'allocation optimale de ce flux.

Une particularité importante du processus d'optimisation réside dans la nécessité de minimiser la probabilité de formation de glace, tout en tenant compte des incertitudes liées aux conditions de vol. Celles-ci incluent des facteurs comme la température de l'air, la vitesse du vent et les caractéristiques des nuages, qui peuvent varier considérablement pendant un vol. En conséquence, pour éviter que l'optimisation ne converge vers un minimum local, plusieurs simulations de l'algorithme sont réalisées, à partir de points de départ aléatoires dans l'espace des variables de conception. Cela garantit que la solution obtenue est robuste et générale, ce qui permet de maintenir une performance constante en fonction des conditions de vol réelles.

Les résultats de cette optimisation montrent des améliorations significatives par rapport à la configuration de base, avec une réduction d'environ 17,58 % de la formation de glace, tout en respectant le même budget énergétique. Cette réduction est obtenue grâce à une redistribution plus efficiente du flux thermique. Par exemple, la quantité de flux thermique est réduite au minimum dans les zones où les pertes convectives sont les plus importantes, comme au point de stagnation, et est ensuite augmentée dans les régions où les pertes sont plus faibles.

Pour augmenter la robustesse de cette optimisation face aux incertitudes environnementales, un modèle de propagation des incertitudes est introduit. Ce modèle permet de simuler différents scénarios de formation de glace en fonction de l'incertitude des conditions climatiques. Une approche courante pour propager ces incertitudes est l'échantillonnage Monte Carlo. Cette méthode consiste à tirer des échantillons aléatoires pour simuler différents jeux de conditions, et ensuite calculer les performances du système en fonction de ces échantillons. Cela permet d'obtenir une distribution de probabilité des formations de glace, ce qui offre une meilleure compréhension des risques associés à l'opération du système de protection contre le givrage dans des conditions variables.

Il est également important de souligner que le système ne doit pas seulement minimiser la formation de glace, mais aussi augmenter la probabilité qu'aucune glace ne se forme. Un deuxième objectif d'optimisation pourrait être de maximiser cette probabilité de non-formation de glace, en réduisant les dépendances aux conditions climatiques spécifiques rencontrées. Cela pourrait être accompli en prenant en compte des critères statistiques comme le quantile à 95 % de la formation de glace, ce qui permet d'assurer que les performances du système restent robustes même en présence de conditions de givrage sévères.

En conclusion, l'optimisation d'un système de protection électrothermique contre le givrage nécessite une approche sophistiquée qui intègre à la fois la minimisation de la glace, l'efficacité énergétique et la gestion des incertitudes liées aux conditions de vol. Pour cela, la combinaison de modèles numériques de simulation, d'algorithmes d'optimisation robustes et de méthodes de propagation des incertitudes constitue un ensemble de techniques essentielles pour garantir la performance et la fiabilité du système.

Modélisation morphogénétique des formations de glace sous différentes conditions d'impact

La modélisation morphogénétique des formations de glace en vol est un domaine complexe où l'interaction entre les particules d'eau et les surfaces solides est cruciale. Les particules, lorsqu'elles impactent une surface, ne se déplacent pas toutes simultanément. Leur comportement est calculé successivement ; chaque particule influençant l'évolution de la suivante par le biais de sa position ou de son état congelé, modifiant ainsi la structure de la surface qu'elle rencontre. Pour la simulation, la taille des particules est considérée égale à la taille de la cellule de la grille, un compromis entre la précision du modèle et l'effort de calcul. L’échelle du domaine physique dans ce modèle ne dépasse généralement pas une matrice de 1000 x 1000 x 1000, permettant ainsi de simuler les événements de givrage sur des objets de taille raisonnable comme des ailes ou des cylindres.

Un des principaux défis de cette modélisation est d'estimer la quantité de particules qui vont impacter la surface. Cela dépend de plusieurs facteurs : la vitesse du flux d'air, la teneur en eau liquide, la taille des particules, la durée de l'événement de givrage, et la distribution spatiale de l'efficacité des collisions. Dans ce modèle, le passage du temps n’est pas lié au mouvement des particules, mais plutôt à l’accumulation de leur masse totale à chaque instant. Cela implique que la formation de glace sur une surface est directement corrélée à l'impact des particules, et non à leur mouvement, ce qui simplifie les calculs mais introduit aussi des approximations.

Le modèle utilisé dans ce contexte peut être vu comme une approche séquentielle. Après chaque impact, une particule commence un "parcours aléatoire" sur la surface, se déplaçant en aval tout en respectant certaines contraintes. Elle doit, en effet, rester en contact avec la surface ou avec une autre particule gelée et ne peut pas pénétrer dans une zone déjà occupée par de la glace. Le modèle de gel est ainsi régi par des probabilités de congélation qui dépendent de la position de la particule et de son interaction avec la surface.

Une partie importante de la modélisation implique l’estimation des caractéristiques de transfert de chaleur. Dans le modèle bidimensionnel adapté aux cylindres, des paramètres de transfert de chaleur sont calculés à l'aide du nombre de Frössling, une formule qui lie la conductivité thermique à la vitesse de l'air, à la taille des gouttes et à l'angle d'impact. Cela permet de simuler de manière réaliste les effets thermiques associés aux impacts de gouttes, qui jouent un rôle majeur dans la formation de glace.

Un aspect crucial de la modélisation des formations de glace est la manière dont les différents types de glace, comme le givre (rime) ou la glace de verglas (glaze), se forment sous des conditions variées. Le givre se caractérise par une densité d'accrétion qui varie en fonction de l’angle d’azimut et de la vitesse d'impact des gouttes. En revanche, la glace de verglas, qui se forme sous des conditions d’impact à haute vitesse, présente des caractéristiques différentes en termes de répartition de la chaleur et de structure de la glace. Le modèle prédictif montre que la distribution de la densité de la glace dans un environnement de givre varie avec l'angle azimutal, la densité diminuant au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la ligne de stagnation, créant ainsi des "cornes" de glace typiques.

Les simulations ont révélé que la vitesse de l'air, la température et la taille des gouttes influencent directement la forme de l'accumulation de glace. Par exemple, une augmentation de la vitesse de l'air entraîne la formation de "cornes" de glace plus prononcées, bien que des écarts entre les résultats de simulation et les données expérimentales puissent encore persister. Ces divergences sont en partie dues à des approximations dans la distribution de l'efficacité de la collision et des transferts de chaleur, qui peuvent ne pas parfaitement refléter les variations locales de la température de la surface ou la dynamique des gouttes.

Les résultats de ces simulations sont validés par des données expérimentales qui montrent des tendances qualitatives prometteuses, mais les différences quantitatives soulignent la complexité de la modélisation. Bien que des améliorations puissent être apportées, ces modèles représentent déjà un outil précieux pour prédire les formes d'accumulation de glace dans des conditions variées.

En matière de recherche et de développement, il est essentiel de comprendre que chaque modèle de simulation est une approximation des phénomènes réels, et que des facteurs externes comme la distribution des tailles des gouttes, la variabilité de l'air ambiant et les propriétés de surface peuvent avoir une influence significative sur les résultats. La modélisation morphogénétique de la glace est donc un domaine en constante évolution, nécessitant de nombreuses validations expérimentales pour affiner sa précision et sa fiabilité dans des conditions réelles.