L'un des aspects les plus fascinants des réseaux sociaux, et notamment de Twitter, est la manière dont les informations – qu'elles soient véridiques ou fausses – se propagent au sein des communautés en ligne. La diffusion de ces informations repose sur un ensemble complexe d'interactions entre utilisateurs, chacune de ces interactions étant influencée par des facteurs aussi bien politiques que sociaux. La façon dont ces histoires sont partagées, leur portée, leur vitesse et leur étendue géographique nous offrent un aperçu des dynamiques sous-jacentes à la propagation des nouvelles sur Internet.
Dans le cadre de notre analyse, nous avons étudié comment une histoire particulière, celle des investissements dans la mine Adani, se propageait à travers le réseau des abonnements Twitter. Nous avons observé que les utilisateurs qui retweetaient cette histoire étaient principalement situés dans la partie gauche du spectre politique, suivant en majorité des personnalités politiques du Parti travailliste. Cependant, il existe aussi une petite fraction d’utilisateurs associés à des figures du Parti libéral-national, situé à droite sur le spectre politique, qui ont également partagé cette histoire. Cette observation soulève des questions importantes sur les motivations des utilisateurs dans la propagation de l'information, notamment les facteurs politiques qui influencent leurs choix de partage.
Nous avons ensuite exploré trois critères pour évaluer l'impact de la vérité d’une histoire sur sa diffusion : la portée (nombre total de retweets), la vitesse (nombre d'heures nécessaires pour atteindre 50 % des retweets) et l'étendue (distance géodésique moyenne entre les utilisateurs qui ont retweeté l’histoire). Bien que l’échantillon étudié fût limité en termes de nombre d’histoires et de diversité de leurs véracités, les résultats ont montré des tendances intéressantes. Par exemple, l’histoire classée comme étant fausse – celle du "test de citoyenneté" – avait une portée relativement faible (huit retweets), mais sa diffusion a pris beaucoup plus de temps pour atteindre 50 % des retweets (64 heures contre une moyenne de dix heures).
Ce résultat contredit l'hypothèse généralement admise selon laquelle les fausses informations se propagent plus rapidement et plus largement que les informations véridiques. Toutefois, il est important de souligner que cette étude est limitée par le nombre restreint de récits analysés et par la faible variation des scores de véracité parmi les histoires sélectionnées. Ainsi, bien que les données ne permettent pas de tirer des conclusions définitives, elles offrent un aperçu méthodologique sur la manière dont on pourrait étudier la diffusion des fausses nouvelles à l’avenir.
En effet, la tâche de recréer les arbres de cascade de retweets pour une analyse détaillée de la diffusion est extrêmement complexe, car Twitter ne fournit pas de telles données de manière transparente. Cependant, les approches actuelles tentent de surmonter ces limitations en se concentrant sur les connexions directes et les réseaux d’abonnements des utilisateurs. Une telle approche ouvre de nouvelles perspectives pour comprendre comment des récits, qu'ils soient vrais ou faux, se propagent dans des réseaux d’informations, sans avoir besoin d’une visualisation complète des cascades de retweets.
Une étude plus large de la diffusion des nouvelles sur Twitter pourrait impliquer un plus grand nombre de récits, ainsi qu’une variété plus large de sources d’informations politiques et sociales. Cela permettrait de mieux comprendre les patterns de propagation, non seulement entre utilisateurs de différentes orientations politiques, mais aussi à travers différents types de médias et de genres d'informations. Il serait également pertinent d'analyser comment les retweets se concentrent souvent dans des "bulles" d'information, où les utilisateurs sont exposés principalement à des contenus qui confirment leurs croyances préexistantes, créant ainsi des chambres d’écho qui amplifient certaines informations au détriment d’autres.
Il est aussi crucial de noter que la diffusion des fausses nouvelles n'est pas seulement un phénomène de rapidité et de portée. L’orientation idéologique des utilisateurs, leurs croyances politiques et leur propension à partager des informations qu’ils jugent conformes à leurs convictions peuvent jouer un rôle déterminant dans l’amplification de certaines histoires. La distinction entre désinformation (le fait de délibérément diffuser des informations fausses pour tromper) et mésinformation (la diffusion d'informations incorrectes, mais sans intention de tromper) devient ainsi un facteur clé dans la compréhension de la manière dont les nouvelles se propagent.
Pourquoi la répétition influence-t-elle la crédibilité des informations et la confiance des témoins oculaires ?
L'effet de la répétition sur la perception de la véracité d'une information est un phénomène psychologique fascinant et crucial dans le domaine des sciences sociales et cognitives. Il a été démontré que la simple répétition d'une information peut non seulement accroître sa crédibilité perçue, mais aussi rendre les individus plus confiants dans leur capacité à en juger l'exactitude. En d'autres termes, plus une information est répétée, plus elle semble vraie et digne de confiance, même si elle est incorrecte. Ce phénomène, bien que relativement simple, a des implications profondes dans des contextes tels que les témoignages oculaires, où la confiance dans la précision de la mémoire humaine peut être mise à mal.
Des recherches comme celle de Foster et al. (2012) ont montré que la répétition d'une information augmente la susceptibilité à la désinformation. Même lorsque les témoins sont exposés à des sources multiples, ce n'est pas le nombre de sources qui détermine leur croyance dans l'exactitude de l'information, mais la fréquence à laquelle elle leur est présentée. Ce phénomène se manifeste de manière frappante dans le contexte des témoignages oculaires. Par exemple, un témoin oculaire peut être persuadé de l'exactitude de ses souvenirs simplement parce que les informations auxquelles il a été exposé ont été répétées à plusieurs reprises, créant ainsi une illusion de vérité. Cette confiance en la précision de leurs témoignages, même en l'absence de preuves solides, peut mener à des erreurs judiciaires.
Il est aussi intéressant de noter que cette dynamique de la répétition va au-delà des simples processus cognitifs de validation de la vérité. Elle influence également les jugements subjectifs sur la crédibilité des sources d'information. Selon les travaux de Fragale et Heath (2004), les individus attribuent souvent de manière erronée des faits vérifiables à des sources jugées crédibles, même si ces sources n'ont pas réellement l'autorité ou l'expertise nécessaire. Cette tendance peut expliquer pourquoi des informations erronées, véhiculées par des canaux perçus comme dignes de confiance, sont acceptées et partagées sans réflexion critique.
Il ne faut pas négliger non plus l'impact des biais cognitifs sous-jacents dans l'évaluation de la crédibilité. Les théories du biais de cohérence, comme celles proposées par Gawronski et Strack (2012), suggèrent que les individus ont tendance à chercher des informations qui confirment leurs croyances préexistantes et à ignorer celles qui les contredisent. Cela conduit à un renforcement de la conviction subjective que les informations répétées sont non seulement vraies, mais aussi soutenues par une logique cohérente et un consensus général. Ce mécanisme est d'autant plus puissant dans des environnements comme les réseaux sociaux, où la répétition est amplifiée et où les informations circulent rapidement entre des individus ayant des opinions similaires.
Dans le même temps, l'effet de la répétition sur la confiance et la crédibilité est exacerbé par des phénomènes sociaux comme l'homophilie et le phénomène de "bulle de filtre", décrit par Pariser (2011). Sur les réseaux sociaux, par exemple, les utilisateurs sont davantage exposés à des informations provenant de sources qui partagent leurs points de vue, ce qui crée un cercle vicieux où les mêmes informations sont répétées au sein de communautés fermées. Ce phénomène limite la diversité des points de vue et renforce la conviction que ces informations sont non seulement fiables, mais également partagées par une majorité. Cela peut rendre les individus plus susceptibles de croire en la véracité de ces informations, même si elles sont incorrectes ou partiales.
L'une des clés pour comprendre ces mécanismes est de se rappeler que la mémoire humaine, loin d'être une simple reproduction fidèle des événements, est en réalité malléable et influencée par de nombreux facteurs externes. Des recherches sur les erreurs de mémoire et les faux souvenirs, telles que celles menées par Jacoby et al. (1989), ont mis en lumière la facilité avec laquelle les individus peuvent confondre des souvenirs vrais et faux. Dans un contexte judiciaire, par exemple, un témoin peut sincèrement croire qu'il se souvient des détails d'un événement, alors que sa mémoire a été influencée par des facteurs externes comme la répétition d'une information erronée ou la suggestion d'une autre personne.
Il est donc primordial de comprendre que la confiance en la précision des témoignages oculaires ne repose pas seulement sur la véracité des souvenirs, mais aussi sur des mécanismes cognitifs complexes influencés par des facteurs sociaux et psychologiques. La répétition, l'homophilie, et l'effet de la "bulle de filtre" jouent tous un rôle crucial dans la façon dont nous évaluons la crédibilité des informations et la fiabilité des témoignages.
Les photos non-probatives et l'effet de vérité : comment les images influencent nos jugements de vérité
L’influence des images sur nos jugements de vérité est un phénomène bien documenté dans la psychologie cognitive. Lorsqu'une image accompagne une affirmation, qu'elle soit probante ou non, elle a le pouvoir de renforcer la crédibilité perçue de cette affirmation, simplement par le biais de sa présence. C'est ce qu'on appelle l'effet de "vérité apparente" (truthiness), où les gens sont plus enclins à croire une information si elle est accompagnée d'une photo, même si cette photo n'apporte aucune preuve concrète à l'affirmation en question. Cela soulève la question de savoir pourquoi les photos semblent rendre les informations plus crédibles, malgré leur manque de valeur probante.
Les recherches de Newman et de ses collègues (2012) ont exploré ce phénomène en examinant comment la présence de photos non probantes affectait les jugements des participants sur la véracité de certaines affirmations. Dans une expérience, les participants ont vu des noms de célébrités, accompagnés de l'affirmation « Cette personne est vivante [morte] ». Pour certains, ce nom était associé à une photo de la célébrité dans un contexte professionnel, tandis que pour d’autres, il était associé à une description verbale de la même scène. Les résultats ont montré que les participants étaient plus enclins à croire l'affirmation lorsque des informations non probantes (qu'elles soient visuelles ou verbales) étaient présentes, comparativement aux cas où aucune information supplémentaire n'était fournie. Ainsi, les photos, loin d’être nécessaires pour juger de la vérité d’une affirmation, ont en réalité facilité le traitement de l’information, influençant la perception de sa véracité.
Ce phénomène peut être expliqué par un processus cognitif plus large connu sous le nom de "fluidité cognitive". Ce terme désigne la facilité avec laquelle l’esprit humain traite l’information. Plus un processus cognitif est fluide, c’est-à-dire facile et rapide, plus les gens ont tendance à juger l’information comme vraie. La fluidité cognitive est donc une sorte de signal d’alerte qui indique que l’information est cohérente, crédible et facile à comprendre. Quand les informations sont traitées facilement, elles semblent plus familières, plus fréquentes et plus véridiques. En ce sens, une photo, même non probante, peut rendre une affirmation plus facile à traiter mentalement, créant ainsi une illusion de véracité.
Dans ce contexte, les photos non probantes semblent jouer un rôle crucial en facilitant la récupération d'informations associées à une affirmation. Par exemple, lorsqu'une image d’un girafe accompagne une affirmation telle que « Les girafes sont les seuls mammifères incapables de sauter », cette image pourrait aider les individus à récupérer plus rapidement des informations connexes, qu'elles soient pertinentes ou non, et à renforcer la perception de vérité de cette affirmation. De même, une photo liée à une description permet aux gens de mieux imaginer l'affirmation dans leur esprit, rendant l’idée plus concrète et donc plus crédible.
Les résultats expérimentaux soutiennent cette théorie de la fluidité cognitive. Des recherches ont montré que l’effet de vérité n’apparaît que lorsque la photo est sémantiquement liée à l'affirmation. Par exemple, une photo de thermomètre associée à l'affirmation « Le magnésium est le métal liquide à l’intérieur d’un thermomètre » augmente la fluidité cognitive et, par conséquent, la croyance en la véracité de cette affirmation. En revanche, une photo non pertinente, comme une image de lézard, n’a pas cet effet et peut même nuire à la perception de la véracité de l'affirmation.
Ce phénomène peut être compris à travers le concept de « priming sémantique », où des informations associées de manière implicite ou explicite à une idée facilitent son traitement mental. Les photos non probantes créent un contexte sémantique qui rend l’évaluation d’une affirmation plus rapide et plus facile, donnant ainsi l'impression que l’information est plus fiable. De plus, la capacité d’imaginer facilement l’affirmation augmente sa probabilité d’être jugée vraie. En d’autres termes, l’ajout d’une photo liée à une affirmation active des processus cognitifs qui favorisent son acceptation comme vraie, même si cette photo ne constitue en aucun cas une preuve de la véracité de l’affirmation.
Pour le lecteur, il est essentiel de comprendre que l’effet de vérité ne réside pas dans la photo elle-même, mais dans la manière dont elle influence le traitement cognitif de l’information. Ce processus est souvent inconscient : les gens ne sont pas toujours conscients du fait que la présence d’une photo, même non probante, modifie leur jugement. Ainsi, il devient crucial de développer une conscience critique face aux sources d’information visuelle, surtout à une époque où les images sont omniprésentes dans les médias sociaux et les actualités. La fluidité cognitive est un outil puissant, mais elle peut aussi être manipulée pour orienter les croyances et perceptions des individus, ce qui soulève des questions éthiques importantes sur l’utilisation de photos dans la diffusion d’informations.
Comment les jeux peuvent-ils aider à lutter contre la désinformation : Le cas du jeu "Bad News"
L'une des approches novatrices pour lutter contre la désinformation en ligne est l’utilisation de jeux vidéo qui visent à éduquer les joueurs sur les techniques de production de fausses informations. Un exemple marquant de cette approche est le jeu "Bad News", créé dans le but d'inoculer les utilisateurs contre les stratégies de manipulation médiatique courantes. En se basant sur le concept d’inoculation, l’objectif n’est pas de modifier directement les opinions politiques des individus, mais plutôt de les rendre capables de reconnaître et de se défendre contre la désinformation.
Dans le cadre d'une étude menée par Roozenbeek et van der Linden (2018), des étudiants ont été invités à jouer à un jeu de cartes sur les fausses informations pendant 30 minutes. Les résultats ont montré que ceux qui avaient joué au jeu ont attribué une fiabilité beaucoup plus faible aux articles fabriqués concernant la crise des réfugiés syriens par rapport à un groupe témoin qui avait simplement regardé une vidéo. Cependant, cette intervention n'a pas conduit à un changement significatif dans les croyances politiques des participants. Ce résultat rejoint les travaux récents qui suggèrent que bien que les interventions médiatiques puissent réduire les idées fausses, elles n'entraînent pas nécessairement des changements dans les convictions politiques (Nyhan et al., 2019).
Le jeu "Bad News" s’inspire de ces premières recherches pour créer une version en ligne interactive où les joueurs incarnent des producteurs de désinformation sur une plateforme de type Twitter. L’objectif du jeu est d’attirer le plus grand nombre d'abonnés possible tout en maintenant une crédibilité minimale. Les joueurs créent et partagent des nouvelles fictives et choisissent différentes stratégies, allant de l’émotionnel à la polarisation, pour maximiser leur influence. Si un joueur choisit une méthode trop évidente ou trop honnête, il perdra des abonnés et sa crédibilité diminuera.
Les stratégies de désinformation couvertes dans "Bad News" incluent la production de contenus émotionnels, la polarisation politique, l’amplification des fausses informations, ainsi que des tactiques de trolling et de dissimulation des sources. Chacune de ces stratégies est expliquée à travers un "badge" que les joueurs doivent obtenir en appliquant les techniques de manipulation médiatique de manière progressive.
Un des badges fondamentaux du jeu est celui de l'imitation. Cette tactique consiste à imiter des personnes ou des organisations connues, comme des politiciens ou des entreprises célèbres, pour donner une apparence de légitimité à des informations fausses. Dans le jeu, les joueurs peuvent choisir d'imiter des figures publiques comme Donald Trump ou même des institutions comme la NASA pour semer la confusion et manipuler les croyances de leurs abonnés.
Une autre stratégie clé dans le jeu est l’émotionnel, qui repose sur la manipulation des émotions des individus, en particulier la peur, la colère ou l'empathie. Cette approche montre comment un contenu, qu’il soit vrai ou faux, peut être amplifié en jouant sur les émotions pour susciter une réaction immédiate, souvent sous forme de partage.
Le jeu aborde également la polarisation en ligne, une stratégie qui consiste à accentuer les divisions politiques et sociales. Par l’utilisation de discours extrêmes et en opposant les opinions, les producteurs de fausses informations parviennent à renforcer les camps opposés tout en éloignant les individus du centre. Cette tactique s’accompagne souvent de l’amplification fausse, où des problèmes mineurs sont exagérés pour sembler plus importants qu'ils ne le sont en réalité. Cette manipulation contribue à créer une illusion de consensus ou de soutien populaire pour des idées ou événements fictifs.
L’inoculation contre ces stratégies ne consiste pas à endoctriner les joueurs dans une opinion particulière, mais plutôt à les sensibiliser à la façon dont ces techniques peuvent être utilisées pour manipuler l'opinion publique. En comprenant comment les producteurs de fausses informations agissent, les joueurs sont mieux préparés à repérer et à se défendre contre des contenus trompeurs dans la vie réelle.
Bien que ces jeux puissent constituer un outil précieux pour renforcer la résilience des individus face à la désinformation, il est important de noter que les résultats obtenus dans les études de terrain, bien que prometteurs, restent encore relativement limités. Les changements de comportement des joueurs, en termes de détection des fausses informations, ne se traduisent pas nécessairement par un changement plus profond dans leurs croyances politiques ou leurs opinions personnelles. Néanmoins, ces interventions offrent une manière ludique et efficace d’aborder un problème complexe, en permettant aux individus de mieux comprendre et de se protéger contre les dangers de la désinformation.

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