La traction est une quantité fondamentale en mécanique des solides déformables, représentant la force exercée par unité de surface sur la surface d’un corps. La force corporelle, quant à elle, décrit la force par unité de volume agissant à distance. Ces deux concepts, bien que distincts, sont intrinsèquement liés et permettent de caractériser l'état interne de contrainte d'un solide. La relation entre ces forces et l'équilibre d'un corps solide sera l'un des principaux éléments analysés dans ce chapitre.

Au niveau le plus simple, la traction peut être vue comme une force par unité de surface, et la force corporelle comme une force par unité de volume. Lorsque les distributions de forces sont variables, leurs effets nets se calculent à l'aide d'intégrales sur les régions de forces. Ainsi, des quantités comme tdA\mathbf{t} \, dA ou bdV\mathbf{b} \, dV représentent les effets respectifs de la traction et de la force corporelle, où t\mathbf{t} et b\mathbf{b} désignent les vecteurs de traction et de force corporelle, et dAdA et dVdV leurs surfaces et volumes infinitésimaux correspondants. Ces forces, représentées par des vecteurs, respectent les règles de l'algèbre vectorielle, comme établi dans le premier chapitre.

Dans un état multiaxial de contrainte, des forces de traction agissent sur toutes les surfaces exposées. L'exemple d'un cube infinitésimal, coupé d'un corps plus large, illustre cette situation. La combinaison de ces forces de traction crée un état interne de contrainte dans le cube. L'objectif de ce chapitre est de montrer comment ce phénomène peut être caractérisé de manière à garantir l'équilibre de tout corps libre pris à un instant donné. L’équilibre des forces permet de déduire que le tenseur de contrainte est le moyen le plus naturel de décrire l’état interne de force d’un corps solide.

Le principe de Cauchy, introduit par le mathématicien français Augustin-Louis Cauchy au XIXe siècle, constitue le fondement de cette analyse. Selon Cauchy, la traction exercée sur une surface dépend de la direction normale à cette surface. En combinant des arguments géométriques avec des considérations d'équilibre, on obtient naturellement la notion de contrainte sous forme de tenseur. Ce principe permet de traiter les diagrammes de corps libres dans des corps solides tridimensionnels.

Prenons l'exemple du "wafer de Cauchy", un diagramme de corps libre représentant un petit élément de volume d'un solide, soumis à des tractions sur ses faces. Dans ce cadre, les forces de traction sur les faces opposées du wafer sont désignées respectivement par t(n)\mathbf{t}(n) et t(n)\mathbf{t}(-n), où nn est le vecteur normal à la surface. L'équilibre des forces impose que la somme des tractions soit nulle :

t(n)A+t(n)A=0.\mathbf{t}(n)A + \mathbf{t}(-n)A = 0.

Ainsi, on en déduit que t(n)=t(n)\mathbf{t}(n) = -\mathbf{t}(-n), un principe fondamental qui reflète la réciprocité des forces.

Lorsqu'on analyse la géométrie d'un tétraèdre de Cauchy, qui est un élément de volume infinitésimal dont les faces sont perpendiculaires aux axes de coordonnées, on constate qu'il est possible de relier les tractions sur chaque face du tétraèdre en fonction de la direction du vecteur normal. Cela permet de formuler une équation d'équilibre dans laquelle les tractions sur toutes les faces du tétraèdre peuvent être exprimées en fonction des tractions sur les faces des plans de coordonnées. Cette démarche conduit à une relation tensorielle entre les différentes tractions, permettant de généraliser l’analyse à n’importe quelle orientation du tétraèdre.

Ainsi, à partir de la formulation géométrique, on peut établir une relation entre les tractions sur les faces et la direction normale, en utilisant le produit tensoriel. La formulation définitive est la suivante :

t(n)=i=13t(ei)ein,\mathbf{t}(n) = \sum_{i=1}^{3} \mathbf{t}(e_i) \otimes e_i n,

\otimes désigne le produit tensoriel, et t(ei)\mathbf{t}(e_i) sont les tractions sur les faces de coordonnée et eie_i les vecteurs unitaires correspondants.

L’une des implications majeures de cette analyse est que, pour déterminer l'état de contrainte dans un solide, il suffit de connaître les tractions sur les faces des plans de coordonnées. Cela simplifie considérablement le problème, car une fois les tractions de base établies, il est possible de déduire toutes les autres tractions en fonction de l'orientation des surfaces. Cette approche, bien que géométriquement sophistiquée, est parfaitement adaptée pour analyser la déformation et l'équilibre des solides déformables.

En complément de cette analyse, il est crucial pour le lecteur de comprendre que la notion de tenseur de contrainte ne se limite pas à une simple abstraction mathématique. Elle représente un moyen concret d'analyser la distribution des forces internes dans un matériau, ce qui est essentiel pour prédire son comportement sous diverses conditions de charge. Cela inclut la capacité à modéliser non seulement des matériaux homogènes, mais aussi des structures complexes soumises à des contraintes multiaxiales.

Le tenseur de contrainte offre ainsi une vue d'ensemble permettant d’étudier des phénomènes complexes comme la rupture, la plasticité et la fatigue des matériaux, des concepts qui se déduisent directement de l’état de contrainte interne. Il est donc fondamental de maîtriser la manière dont ces concepts se lient à l’équilibre global des corps solides et à leurs déformations sous l’effet des forces extérieures et internes.

Comment résoudre les problèmes de poutre linéaire : une approche des déformations et des contraintes internes

Les conditions de continuité cinématique sont une composante essentielle pour aborder la résolution des problèmes linéaires de poutre. Celles-ci sont automatiquement satisfaites lorsque les forces internes sont basées sur des diagrammes de corps libres finis. Ces conditions incluent des relations telles que w1(L)=0w_1(L) = 0, w2(0)=u1(L)w_2(0) = u_1(L), θ1(L)=θ2(0)\theta_1(L) = \theta_2(0), ainsi que les relations de continuité des forces internes, telles que B+V1(L)+N2(0)=0B + V_1(L) + N_2(0) = 0, N1(L)=V2(0)N_1(L) = V_2(0), M1(L)=M2(0)M_1(L) = M_2(0). Ces relations peuvent être vérifiées en utilisant les expressions dérivées pour les résultants des contraintes internes.

L'intégration des relations de déformation-déplacement est essentielle pour obtenir les expressions des déplacements. L'une des tâches fondamentales est de résoudre le problème de la barre axiale dans la poutre 1, notamment en tenant compte de la présence d'une force axiale non nulle. Ensuite, il convient de calculer la déflexion transversale pour les deux poutres. Prenons d'abord le problème de la barre axiale.

L'intégration de la relation u1=N1EAu_1' = \frac{N_1}{EA} nous permet d'obtenir l'expression u1(z)=PzEAu_1(z) = \frac{Pz}{EA}, où PP est la charge axiale appliquée. À partir de la condition aux limites u1(0)=0u_1(0) = 0, il en résulte que C1=0C_1 = 0. À la position z=Lz = L, cette expression nous donne u1(L)=PLEAu_1(L) = \frac{PL}{EA}, qui sera utilisée comme condition aux limites pour la poutre 2.

En intégrant l'équation de la flexion w1=M1EIw''_1 = -\frac{M_1}{EI}, pour la poutre 1, nous obtenons l'expression de la déflexion w1(z)w_1(z) sous la forme :

w1(z)=PLEI(Lz22z3)+C2z+C3.w_1(z) = -\frac{PL}{EI} \left( \frac{Lz^2}{2} - z^3 \right) + C_2 z + C_3.

Pour la poutre 2, le calcul similaire donne :

w2(x)=PLEI(Lx26x33)+C4x+C5.w_2(x) = \frac{PL}{EI} \left( \frac{Lx^2}{6} - \frac{x^3}{3} \right) + C_4 x + C_5.

Les constantes C2C_2, C3C_3, C4C_4, et C5C_5 peuvent être déterminées en appliquant les conditions aux limites et les conditions de continuité. Ces dernières, qui relient les déplacements et les rotations à l'interface entre les deux poutres, jouent un rôle crucial pour garantir la continuité des déplacements et des rotations aux jonctions. Par exemple, la condition w1(L)=0w_1(L) = 0 permet de déterminer les valeurs de C2C_2 et C3C_3, tandis que la condition w2(0)=u1(L)w_2(0) = u_1(L) est utilisée pour déterminer C5C_5.

Une fois ces constantes déterminées, les expressions finales pour les résultats de contraintes internes peuvent être obtenues. Les diagrammes de force interne – notamment les diagrammes de moment de flexion, de force tranchante et de force axiale – sont essentiels pour visualiser les résultats et comprendre la distribution des contraintes le long de la poutre.

Les diagrammes de contraintes internes sont souvent tracés directement sur la structure elle-même, en illustrant les conventions de signe pour la force axiale, la force tranchante et le moment de flexion. Cela permet de visualiser clairement les zones de la poutre soumises à des contraintes maximales, où la sécurité structurelle peut être la plus critique.

Dans ce contexte, le calcul des contraintes normales et de cisaillement devient un aspect fondamental. Les formules pour ces contraintes en flexion sont données par :

σ(x,z)=N(x)zI+M(x)I,τ(x,z)=V(x)Q(z)Ib(z).\sigma(x, z) = \frac{N(x)z}{I} + \frac{M(x)}{I},
\quad \tau(x, z) = \frac{V(x)Q(z)}{Ib(z)}.

Ici, N(x)N(x), V(x)V(x), et M(x)M(x) représentent respectivement la force axiale, la force tranchante et le moment de flexion internes. Les propriétés de la section transversale, telles que l'aire AA, le premier moment d'aire Q(z)Q(z), et le moment d'inertie II, sont essentielles pour déterminer les valeurs de ces contraintes.

La contrainte normale maximale se produit à la fibre la plus éloignée du centre de la section transversale, tandis que la contrainte de cisaillement maximale apparaît au niveau du centroid si b(z)b(z) est constant. Le calcul précis des propriétés de la section transversale est donc crucial pour obtenir des résultats fiables.

En résumé, bien que les diagrammes de forces internes et les expressions analytiques des déplacements et des contraintes soient essentiels pour comprendre le comportement de la poutre, une bonne maîtrise des propriétés géométriques de la section est indispensable pour une analyse complète et une conception efficace.