L'accumulation de glace sur les surfaces des aéronefs constitue une problématique cruciale en aéronautique, affectant directement la performance aérodynamique et la sécurité du vol. Depuis plusieurs décennies, des recherches approfondies ont été menées pour caractériser et modéliser les phénomènes d'englacement en vol, avec une attention particulière portée aux effets sur les profils aérodynamiques et les moteurs. Lynch et Khodadoust (2001) ont souligné l'impact significatif des dépôts de glace sur la distribution de pression et la traînée, provoquant souvent une dégradation marquée des performances.

Les travaux expérimentaux et numériques, tels que ceux de Mason et al. (2006), ont démontré que les particules de glace représentent une menace sérieuse pour les moteurs en vol, pouvant entraîner des phénomènes de perte de poussée ou même des défaillances mécaniques. La complexité du problème réside dans l'évolution dynamique des dépôts de glace, caractérisée par une rugosité variable à la fois spatialement et temporellement, comme modélisé par McClain et al. (2021), qui ont développé des modèles prédictifs intégrant cette évolution pour mieux anticiper les variations aérodynamiques.

Les simulations tridimensionnelles, notamment via le système FENSAP-ICE (Morency et al., 2001 ; Ozcer et al., 2011, 2019), apportent une capacité avancée de prédiction des formes de glace et de leur impact aérodynamique, en tenant compte des échanges thermiques couplés à la dynamique des fluides. Ces outils permettent non seulement de simuler l'accrétion initiale mais aussi les phénomènes de dégivrage intercyclique, essentiels pour la conception des systèmes anti-icing.

À l'échelle des drones (UAV), les enjeux se complexifient avec des régimes de nombres de Reynolds faibles et des géométries spécifiques. Les études de Müller et Hann (2022) ainsi que Szilder et Yuan (2017) illustrent les pénalités aérodynamiques induites par la glace sur les hélices et profils adaptés aux petits véhicules, affectant directement la maniabilité et l'autonomie. La physique des bulles de séparation laminaire, comme étudiée par O'Meara et Mueller (1987), devient déterminante dans ces régimes, aggravée par la rugosité créée par la glace, ce qui peut provoquer des pertes de portance et une augmentation significative de la traînée.

Les modèles de turbulence avancés, tels que ceux de Menter (1992) ou Spalart et Allmaras (1994), sont intégrés pour mieux rendre compte des effets de la glace sur la couche limite, aspect essentiel pour des simulations précises des écoulements autour des profils glacés. L’évolution des couches d’eau ruisselante sur les surfaces glacées est modélisée via des approches hydrodynamiques sophistiquées, notamment dans la description des films d’eau et des critères de rupture de ces films, qui conditionnent la formation de nouvelles couches de glace et influent sur la dynamique thermique de l’ensemble.

L'importance des phénomènes locaux, tels que les rivulets d'eau et l'angle de contact, ne peut être sous-estimée car ils jouent un rôle clé dans la répartition spatiale de la glace et son adhérence. Par ailleurs, les technologies de protection électrothermique, comme le système HeatCoat étudié par Yugulis et al. (2020), montrent comment une maîtrise fine des transferts de chaleur couplés aux modèles d'accumulation permet de prévenir efficacement les formations de glace tout en minimisant les coûts énergétiques.

Il est également nécessaire de considérer la variabilité climatique et environnementale, notamment pour les opérations en milieu nordique, comme le rapport de Sørensen et al. (2021) l’a mis en évidence, afin d’adapter les stratégies de protection selon les conditions réelles de vol. Cette approche holistique intègre des données météorologiques précises, la caractérisation des aérosols glacés et la prise en compte des spécificités géométriques des aéronefs, conditionnant le risque d’englacement.

En complément de ces modélisations et recherches techniques, il importe de comprendre que la complexité de l’englacement dépasse souvent les seules conditions aérodynamiques. Les interactions multi-physiques impliquent des couplages thermiques, hydrodynamiques et même chimiques, nécessitant une approche interdisciplinaire. La validation expérimentale, en soufflerie et en conditions réelles, demeure indispensable pour confirmer la pertinence des modèles numériques et assurer leur fiabilité opérationnelle. Par ailleurs, la maintenance préventive, la formation des opérateurs et l’intégration des systèmes d’alerte en temps réel sont des composantes essentielles de la gestion du risque lié à l’englacement.

Enfin, la compréhension profonde des mécanismes d’englacement permet aussi d’anticiper les innovations futures en matière de conception aérodynamique, avec des profils optimisés pour réduire la sensibilité à la glace, et le développement de matériaux et revêtements spécifiques visant à minimiser l’adhérence des dépôts. L’intégration des connaissances sur l’englacement dans la phase de design des aéronefs et UAV est un facteur clé pour garantir à la fois la performance et la sécurité dans des environnements atmosphériques hostiles.

Quelle est l'efficacité des systèmes de protection contre le givre électrothermique en mode anti-givre et dégivrage ?

La solution SIM2D est utilisée dans la région turbulente pour modéliser la dynamique de la couche limite. Dans le cas où le système fonctionne en mode anti-givre, la surface de l'aile est censée être exempte de glace. Par conséquent, pour tous les calculs de la couche limite, la surface a été considérée comme lisse. De plus, conformément aux travaux d'Al Khalil et al. (1997), lors de l'utilisation de SIM2D ou CLICET, la transition vers la turbulence a été imposée à une position de s=0.03175s = 0.03175. En ce qui concerne le modèle de turbulence utilisé, c’est le modèle de Spalart-Allmaras (1992) qui a été choisi pour calculer les régions turbulentes.

Des simulations ont été menées en utilisant SIM2D et CLICET comme solveurs de couche limite. La figure 33 montre une comparaison entre la distribution de température de paroi prédite par la simulation et les données expérimentales. La stratégie de simulation permet de capturer l’ordre de grandeur correct pour la température de surface. On observe que la température de surface prédite par CLICET est plus élevée que celle obtenue avec SIM2D. Cela peut être expliqué par le fait qu'avec CLICET, la paroi n'est pas supposée être adiabatique. L'actualisation à chaque étape de l'algorithme de couplage permet de tenir compte du transport de la chaleur dans la couche limite. Cette chaleur est alors convectée en aval et contribue à l'augmentation de la température de la paroi.

Les résultats numériques obtenus par Al-Khalil et al. (1997) à l'aide de l'outil ANTICE sont proches de ceux prédits par IGLOO2D. Dans la région centrale, la température de surface prédite par ANTICE est plus basse et plus proche des données expérimentales. En revanche, plus en aval, c'est IGLOO2D (avec SIM2D ou CLICET) qui prédit des températures plus basses, plus proches des mesures expérimentales. Ces différences peuvent être dues aux différentes méthodes utilisées pour prédire le coefficient de transfert de chaleur convectif.

Le cas de dé-icing a aussi été simulé en utilisant le cas de dé-icing 1 de Wright et al. (1997). Dans ce cas, le système électro-thermique fonctionne en mode dégivrage, ce qui implique que de la glace va se former durant le cycle d'activation des chauffages. En conséquence, la surface de l'aile est supposée être rugueuse et la couche limite est pleinement turbulente. Une fois encore, le modèle de turbulence de Spalart-Allmaras a été utilisé pour effectuer les calculs. L'évacuation de la glace est modélisée à l'aide d'un critère simple : lorsque la longueur fondue d'un bloc de glace dépasse 80 % de la longueur de contact totale, le bloc est supposé se détacher de l'aile.

Les résultats de la simulation, comparés aux données expérimentales, montrent que pour le chauffage 4, la simulation surestime la vitesse à laquelle la température augmente. Cela peut être dû à une sous-estimation du coefficient de transfert de chaleur au niveau du bord d’attaque. Cependant, après t=100st = 100 \, \text{s}, la température se stabilise à une valeur proche des pics observés expérimentalement. Pour les chauffages 5 et 6, la simulation montre un bon accord avec les données expérimentales, bien que la température du chauffage 5 soit légèrement surestimée d’environ 2 K. En revanche, le chauffage 6 montre un excellent accord, avec des résultats qui suivent bien la tendance expérimentale, descendant même en dessous de 273,15 K. Cela contraste avec la simulation de LEWICE/Thermal, qui semble stagner à 273,15 K lors de la déactivation du chauffage, un phénomène que l’approche utilisée dans cette étude parvient à capturer avec plus de précision.

L’analyse des modèles et des stratégies de simulation pour les systèmes de protection électrothermiques met en évidence la complexité des phénomènes de conduction thermique dans l’aile, ainsi que l’importance de modéliser de manière réaliste l’accrétion, la fusion et la détachement de la glace. La méthode des trois couches, combinée à un modèle dynamique du film liquide et un schéma de Roe pour la résolution des équations de transfert de chaleur et de masse, permet de simuler ces phénomènes de manière précise. L’utilisation de la méthode de couplage Schwarz optimise les coefficients de couplage et améliore la simulation de la formation et de la fusion de la glace pendant l’opération du système électrothermique.

L’un des aspects essentiels de ce type de simulation est la prise en compte de la variation des conditions d’aérodynamique et de givre tout au long du cycle de fonctionnement des systèmes. La modélisation du transfert thermique en interaction avec les phénomènes de givrage et de dé-givrage représente un défi majeur, d’autant plus qu’il existe des différences notables entre les différents modèles de simulation. Ces différences peuvent provenir des hypothèses sur les conditions aux frontières, notamment l’hypothèse d’une paroi adiabatique ou non, et des méthodes employées pour prédire le coefficient de transfert de chaleur convectif.

Quelle est l'importance de la conservation de la masse dans la simulation de l'accrétion de glace en vol ?

L’accrétion de glace sur une surface d'aéronef est un phénomène complexe influencé par plusieurs facteurs, parmi lesquels la conservation de la masse joue un rôle essentiel. Les méthodes de simulation numériques qui négligent la correction de l'épaisseur peuvent entraîner des erreurs significatives dans la forme et la distribution de la glace accumulée. La méthode à épaisseur constante, par exemple, présente une erreur relative d'aire de 11,76 % dans les simulations par rapport à la méthode conservatrice de la masse, dont l'erreur est réduite à seulement 0,05 %, mais elle peut être affectée par des erreurs numériques. Cette différence est d'autant plus marquée lorsque la courbure de la surface varie, la correction d'épaisseur préservant la masse devenant plus importante à mesure que la courbure augmente, notamment dans les zones de maximum de courbure où l'épaisseur de la glace préservant la masse peut ne représenter que 66 % de l'épaisseur initialement prescrite.

Dans le cadre d’une simulation d’accrétion de glace, l'oubli de ces corrections pourrait entraîner une déformation des formes de glace, altérant ainsi le champ d'écoulement environnant et la trajectoire des gouttelettes d'eau. Ce phénomène pourrait amplifier les erreurs au fil des étapes successives de la simulation. Cependant, aucune correction géométrique n'a encore été proposée pour les cas tridimensionnels. Une approche morphogénétique, fondée sur des travaux antérieurs (Szilder 1994; Szilder et al. 2006; Szilder et Lozowski 2018), pourrait constituer une solution potentielle pour résoudre le problème de la conservation de la masse.

Le calcul de l'efficacité de la collecte est un autre aspect clé dans les simulations d’accrétion de glace. Deux cadres de référence peuvent être utilisés : l’approche eulérienne et l’approche lagrangienne. L’approche eulérienne modélise la phase de particules comme un fluide continu, ce qui permet de recourir à des outils numériques standard utilisés en aérodynamique. L’approche lagrangienne, quant à elle, résout les forces agissant sur chaque particule discrète, ce qui la rend plus proche de la physique réelle des gouttelettes. Bien que les deux méthodes aient été testées et comparées avec succès dans des géométries propres, l’introduction de petites perturbations dans la géométrie peut provoquer un comportement oscillatoire de l'efficacité de la collecte, accentuant les perturbations géométriques et créant un phénomène auto-amplificateur. Ce phénomène, tel qu'illustré par Bourgault-Coté et al. (2018), renforce l’impaction de l’eau et génère des modifications géométriques supplémentaires.

Un défi important lors de la simulation de l’accrétion de glace sur un profil aérodynamique est d’obtenir une convergence stable. Cette stabilité dépend de la finesse du maillage utilisé pour discrétiser la surface et de la précision du suivi des particules. Par exemple, lors de simulations sur un profil NACA0012, différents types de glace, tels que la glace rime, la glace verglacée, et un état intermédiaire de glace mixte, sont modélisés. Les conditions de test spécifiques pour chaque type de glace, notamment l'angle d'attaque, la température, la vitesse du vent, et la concentration en eau, sont essentielles pour la précision des simulations.

La méthode de suivi des particules lagrangiennes est employée pour déterminer l’efficacité de collecte, calculée sur la base du flux aérodynamique obtenu à chaque pas de temps. Dans cette approche, l'écoulement aérodynamique est calculé à l’aide du solveur RANS, qui repose sur une méthode des volumes finis (FVM) et un modèle de turbulence Spalart–Allmaras. Les flux convectifs sont discrétisés selon un schéma upwind, et les variables turbulentes sont convectées selon une méthode de premier ordre. Cette configuration permet de résoudre les équations de Navier-Stokes moyennées de Reynolds, offrant ainsi une approche robuste pour modéliser l’écoulement autour des géométries aérodynamiques.

L’efficacité de la collecte est particulièrement sensible à l’échelle de la particule, notamment à la taille des gouttelettes d’eau. En raison de la petitesse de ces gouttelettes, leur impact sur la solution aérodynamique est souvent négligeable, permettant ainsi de séparer les calculs aérodynamiques et de collecte. Cependant, lorsque des perturbations sont introduites dans la géométrie, des oscillations indésirables peuvent apparaître dans l'efficacité de la collecte, nécessitant éventuellement un lissage de la géométrie ou de l'efficacité de collecte elle-même. Le lissage, cependant, est une opération délicate qui doit éviter à la fois la réduction de la géométrie et la distorsion excessive de la distribution de collecte, en particulier dans la région de crête de l’efficacité de collecte.

Pour la simulation d’accrétion de glace en 2D, il est fondamental de s’assurer que les différents types de glace, qu’il s’agisse de glace rime, de glace verglacée ou de glace mixte, sont correctement représentés dans les simulations à multiples étapes. L’interaction entre la forme de la glace et l’écoulement aérodynamique est un facteur crucial, non seulement pour prédire la quantité de glace accumulée, mais aussi pour évaluer l’impact potentiel sur les performances de l’aéronef.