L'hostilité croissante envers certains groupes au sein de la politique américaine, en particulier envers les membres du groupe connu sous le nom de "The Squad", a mis en lumière des tensions profondes liées à la race, la religion et, au-delà de ces critères visibles, à une question fondamentale : celle de l'identité et de la sécurité. Lorsqu'un leader politique comme Donald Trump appelle à "renvoyer" certains membres du Congrès, ce n'est pas simplement une question de politique migratoire ou d'immigration illégale ; c'est une question de sécurité collective et de vision du monde. En effet, ce qui rend ces figures politiques, souvent perçues comme des "étrangères", particulièrement menaçantes aux yeux de Trump et de ses partisans, ce n'est pas leur origine ethnique ou leur appartenance religieuse. Ce qui les rend dangereuses est qu'elles incarnent une vision politique radicalement opposée à celle de l'ordre sécuritaire prôné par Trump et ses alliés. L'adhésion à une idéologie sécuritaire, qui privilégie la défense nationale, la militarisation de la police et la restriction des libertés individuelles au nom de la sécurité, est un élément central qui distingue ceux qui sont acceptés et ceux qui ne le sont pas dans ce groupe. Ce n’est pas tant leur identité en soi qui est remise en question, mais leur manière de voir le monde et de structurer la société.
Les émotions, et en particulier la peur, jouent un rôle clé dans ce phénomène. Récemment, de nombreux chercheurs en sciences politiques ont réévalué l'impact des émotions sur les décisions politiques. Contrairement à la théorie des décisions rationnelles, selon laquelle les individus votent principalement en fonction d'un calcul d'intérêts personnels, il est désormais largement admis que des émotions comme la peur influencent profondément les choix politiques. La peur, en particulier, a été identifiée comme un moteur essentiel des attitudes conservatrices et nationalistes, comme l'ont souligné des chercheurs comme Pippa Norris et Ronald Inglehart. Selon eux, "la peur alimente la recherche d'une sécurité collective pour la tribu", et ce phénomène est bien visible dans les politiques de Trump.
Dans ce contexte, la peur ne se limite pas aux menaces physiques immédiates. Elle s'étend à la crainte d'un déclin économique, à la peur de l'instabilité sociale, ou encore à l'angoisse liée à l'immigration incontrôlée. Bien que de nombreuses études suggèrent que les conservateurs sont généralement plus susceptibles d'exprimer des préoccupations liées à des menaces extérieures (comme les criminels ou les terroristes), les recherches actuelles révèlent que cette peur n'est pas nécessairement plus forte que chez les libéraux. En effet, une étude menée par l'Université Chapman a montré que, parmi 57 menaces potentielles, seuls quatre ont provoqué une peur plus grande chez les conservateurs que chez les libéraux : les troubles civils, le déclin économique, la dégradation des États-Unis, et la surveillance gouvernementale des citoyens. Ces préoccupations sont souvent liées à une vision du monde centrée sur la protection des "insiders", de ceux considérés comme membres légitimes de la nation, et une méfiance vis-à-vis des "étrangers".
L’idéologie sécuritaire, donc, va bien au-delà de la simple peur. Elle est liée à un besoin de protection qui transcende la peur immédiate d'un danger. Elle représente une philosophie qui façonne l'approche politique et la manière dont les individus et les groupes perçoivent l'État, les institutions, et la sécurité. Cette vision du monde repose sur une série de compromis : l'acceptation d'une certaine restriction des libertés individuelles, le renforcement de la surveillance et de la force publique, et la fermeture des frontières aux influences extérieures. Le véritable moteur de ces choix politiques n'est pas tant la peur elle-même, mais une peur liée à un sens de vulnérabilité accrue et à un désir de maintenir l'ordre social face à une menace perçue.
Les émotions, en particulier la peur, sont souvent utilisées de manière stratégique par les dirigeants politiques pour mobiliser leurs partisans. Donald Trump, par exemple, a brillamment manipulé la peur des électeurs en mettant en avant des menaces spécifiques comme les immigrés criminels ou le terrorisme. Toutefois, il est essentiel de comprendre que la peur en politique n’est pas un phénomène unidimensionnel. Si la peur peut être utilisée pour justifier des politiques de sécurité renforcées, elle peut aussi, paradoxalement, servir à masquer des vulnérabilités profondes, en particulier lorsqu'elle est manipulée à des fins électorales. Le message qu'il convient de tirer de cette dynamique est que la peur, bien que puissante, est loin d'être un indicateur simple ou linéaire du conservatisme. Elle est façonnée par un ensemble complexe de facteurs culturels, sociaux et politiques qui ne se résument pas à des considérations de sécurité nationale.
Les données issues des enquêtes sur les menaces perçues (comme celles de l'Université Chapman) révèlent que la peur n'est pas un facteur déterminant en soi, mais plutôt un symptôme d’une vision du monde beaucoup plus large. Pour les conservateurs et les partisans de Trump, la sécurité est un principe fondamental de la vie politique, bien au-delà de la simple gestion des risques. Les menaces qui suscitent la peur ne sont pas seulement les menaces physiques, mais aussi les menaces idéologiques, culturelles et sociales qui risquent de perturber l'ordre existant. Les politiques de Trump, et plus largement des conservateurs sécuritaires, répondent à ce besoin de protection, non seulement face à des dangers externes, mais aussi contre ce qu'ils perçoivent comme des forces internes subversives qui mettent en péril leur conception du monde.
Quelles caractéristiques distinguent réellement les vénérateurs de Trump des autres conservateurs ?
L’analyse statistique révèle que la plupart des corrélations entre traits de personnalité ou caractéristiques démographiques et le fait d’être vénérateur de Trump ne sont pas significatives. Trouver des différences marquantes entre les conservateurs qui vénèrent Trump et ceux qui ne le font pas demeure un défi majeur. Néanmoins, certaines distinctions émergent avec clarté. Par exemple, les vénérateurs de Trump tendent à être plus âgés (âge moyen de 56,9 ans contre 50,3 pour les autres conservateurs) et moins éduqués (55 % d’entre eux ont fréquenté l’université, contre 65 % chez les conservateurs non vénérateurs). Ces deux caractéristiques, bien qu’importantes, n’expliquent pas l’ensemble de la complexité du profil des vénérateurs de Trump, qui démentent certains clichés répandus.
Contrairement aux idées reçues, un nombre non négligeable de ces vénérateurs ne sont ni pauvres, ni issus de milieux ruraux, ni particulièrement religieux. En effet, 62 % vivent en ville ou en banlieue, 54 % ne fréquentent les offices religieux que rarement, et près d’un tiers ont moins de 50 ans. De plus, la moitié d’entre eux sont des femmes, remettant en cause l’idée selon laquelle ils seraient majoritairement masculins. Ces données invitent à une reconsidération des représentations simplistes associées à ce groupe.
Les traits de personnalité, en revanche, fournissent une grille d’analyse plus pertinente. En s’appuyant sur les « Big Five », à savoir l’extraversion, l’agréabilité, la conscience, le névrosisme et l’ouverture à l’expérience, l’étude montre que les conservateurs, en général, sont plus consciencieux et moins ouverts à la nouveauté que les libéraux. Les vénérateurs de Trump se distinguent particulièrement par une conscience plus élevée, un extraversion plus marquée, une ouverture à l’expérience plus importante et un niveau de névrosisme plus faible par rapport aux conservateurs non vénérants. Cette combinaison est remarquable, car elle contredit l’idée d’un conservatisme rigide et fermé.
L’extraversion élevée chez les vénérateurs de Trump s’explique aisément par leur comportement parfois bruyant et affirmé, déjà observé dans des études antérieures sur les partisans de Trump. Leur conscience accrue traduit une grande discipline et un sens aigu des responsabilités personnelles, tandis que leur ouverture à l’expérience suggère une curiosité ou une capacité à embrasser certaines nouveautés, ce qui pourrait expliquer leur attraction pour un personnage politique aussi atypique que Trump. Enfin, leur faible névrosisme indique une stabilité émotionnelle supérieure, ce qui contraste avec les perceptions souvent négatives qui les accompagnent.
Il est également intéressant de noter que d’autres traits psychologiques tels que le dogmatisme, la préférence pour la clôture cognitive ou encore le désir de consensus ne montrent pas de différences marquées entre vénérateurs et non-vénérateurs de Trump, suggérant que ces dimensions ne sont pas déterminantes pour comprendre leur distinction.
Les analyses démontrent que la division entre vénérateurs et non-vénérateurs de Trump est avant tout une question de nuances psychologiques et démographiques fines, plutôt que de simples stéréotypes sociaux ou économiques. La majorité des différences observées sont modestes et souvent entremêlées. Cette complexité invite à dépasser les raccourcis et à saisir la pluralité des profils qui composent la base conservatrice contemporaine.
Au-delà des résultats statistiques, il est essentiel de comprendre que les identités politiques, notamment dans un contexte aussi polarisé que celui des États-Unis, ne se résument pas à des critères uniques ou isolés. Elles résultent d’un entrelacs de facteurs personnels, sociaux, économiques et culturels, ainsi que de dynamiques émotionnelles et cognitives propres à chaque individu. Reconnaître cette diversité interne au sein des conservateurs, y compris parmi les fervents soutiens de Trump, permet de mieux appréhender les mécanismes de mobilisation politique et les stratégies de communication qui leur sont destinées.
Pourquoi les autorités modernes semblent-elles plus concernées par les étrangers que par les citoyens nationaux ?
Les autorités modernes ne semblent plus exclusivement préoccupées par la préservation de la culture dominante et des intérêts de l'intérieur. Dans une perspective sécuritaire, on observe une tendance inquiétante : les autorités semblent de plus en plus sympathiser avec les étrangers, tolérer des niveaux d'immigration excessifs, permettre à des entités supranationales de supplanter le contrôle local, négliger les besoins de l'armée et de la police, et accorder tant de droits et de privilèges aux étrangers que les membres du groupe culturel central se sentent de plus en plus étrangers dans leur propre pays. Cette observation s'applique particulièrement au Royaume-Uni, où les autorités ont observé, sans réagir, la diminution de la souveraineté britannique, facilitée par Bruxelles. Cette situation a ouvert la voie à une immigration massive, affaiblissant irrémédiablement la culture britannique. Aux États-Unis, cette même tendance s’est manifestée pendant des décennies à travers l'adoption du globalisme, du multiculturalisme, des aides étrangères, de l'immigration et des accords commerciaux multinationaux, sans prendre en compte la vulnérabilité qu’entraînait ces choix pour l’Amérique traditionnelle, notamment pour les Américains blancs. Pour les sécuritaires, ces politiques modernes favorisent les étrangers au détriment des citoyens nationaux, ce qui explique pourquoi ils exaltent les rares leaders qui, sans faiblir, refusent de céder aux pressions internationales.
Les autorités modernes, en favorisant des politiques globalistes, ont pris des décisions qui, aux yeux des sécuritaires, ont contribué à l’affaiblissement des sociétés occidentales. Les sécuritaires vénèrent les dirigeants qui, au contraire, agissent sans compromission en faveur des citoyens nationaux, en privilégiant la sécurité et la cohésion sociale interne plutôt que l’ouverture excessive vers l'extérieur.
Cette dynamique se retrouve également dans les sondages et les catégories politiques des soutiens à des figures comme Donald Trump. Lors des rassemblements de ses partisans, des groupes aux préoccupations diverses se forment spontanément, en fonction des enjeux qui leur semblent les plus importants. Parmi ces groupes, ceux qui privilégient l’immigration, la sécurité nationale, les armes et l’ordre public se regroupent sous l’étiquette de « sécuritaires ». Ce groupe majoritaire de partisans de Trump trouve son unité dans la volonté de défendre la culture nationale face à l’immigration massive et aux menaces perçues de l'extérieur. Les préoccupations économiques, de santé et de commerce créent une autre catégorie, plus axée sur la fragilité de la situation économique et des inégalités sociales.
Ainsi, la politique sécuritaire s'articule autour de la préservation des valeurs et de l’identité nationale face aux influences extérieures. Elle est également liée à la perception de vulnérabilité, où les valeurs traditionnelles sont mises en danger par les changements sociaux et démographiques accélérés. Il ne s'agit pas seulement d'un rejet de l'immigration ou des politiques globales, mais d'une défense de ce qui est perçu comme une cohésion sociale menacée par des décisions prises à des échelons supranationaux ou par des élites politiques éloignées des préoccupations des citoyens ordinaires.
Le point clé pour le lecteur est de comprendre que ces préoccupations sécuritaires ne se limitent pas à un rejet pur et simple des étrangers, mais sont souvent le fruit de craintes profondes concernant l’intégrité culturelle et la stabilité économique de la nation. L'adhésion à des idéologies telles que le globalisme ou le multiculturalisme est perçue comme une forme de capitulation face à des forces extérieures qui fragmentent la société. Le rôle des autorités est désormais vu par une partie de la population comme celui de protéger non seulement la sécurité physique, mais aussi la culture et les valeurs internes de la nation, dans un monde de plus en plus globalisé.
Il est aussi crucial de noter que ce phénomène n'est pas limité à un seul pays ou à un seul mouvement politique, mais constitue un défi commun dans de nombreuses démocraties occidentales. La perception de la politique d’immigration et de l’intégration des étrangers est profondément influencée par la manière dont les autorités naviguent entre les besoins de sécurité nationale et les exigences des normes internationales. Cela crée une tension constante entre le nationalisme et le cosmopolitisme, et met en lumière les dilemmes auxquels les gouvernements doivent faire face dans un monde où les frontières, qu’elles soient géographiques, culturelles ou économiques, sont de plus en plus floues.
La vigilance dans une société en crise : comment une orientation sécuritaire façonne les politiques actuelles
La vigilance est une disposition psychologique fondamentale dans le comportement humain, née d'une nécessité de survivre dans des environnements potentiellement menaçant. Cette orientation peut parfois être perçue comme une sorte de carapace, un mécanisme de défense face à des menaces externes, qui se manifeste par une méfiance accrue envers l'extérieur et un désir de maintenir une certaine stabilité interne au sein d'un groupe. Dans le cadre de l'actualité politique, cette attitude est devenue plus visible, en particulier parmi les partisans des politiques nationalistes et de droite, comme ceux qui soutiennent Donald Trump ou qui ont appuyé le Brexit.
Les partisans de Trump, par exemple, prônent une dérégulation qui, loin de découler d'inquiétudes économiques directes, est souvent liée à un sentiment de vulnérabilité croissante face à une perte de statut ou de contrôle. L'idée qu'un groupe dominant pourrait être dépossédé de sa place dans la hiérarchie sociale engendre une réaction de protectionnisme, une volonté de conserver une certaine forme de pouvoir sur son propre destin. Ce phénomène n'est pas seulement économique mais touche des questions d'identité et de sécurité. Ceux qui soutiennent Trump, tout comme les partisans du Brexit, sont prêts à sacrifier leur bien-être économique immédiat si cela signifie que leur identité culturelle ou nationale reste intacte.
Cette propension à placer la sécurité avant l'économie est difficile à expliquer si l'on se limite aux facteurs matériels. En effet, de nombreux agriculteurs américains, malgré les effets négatifs des guerres commerciales sur les prix des produits agricoles, soutiennent Trump parce qu'il incarne une forme de résistance contre des forces étrangères jugées menaçantes pour leur mode de vie. De même, bien que le Royaume-Uni pourrait subir des conséquences économiques négatives à la suite du Brexit, les partisans de cette décision étaient prêts à accepter des sacrifices pour protéger ce qu'ils considèrent comme leur culture britannique face à une immigration accrue.
Cette dynamique met en lumière une orientation psychologique plus profonde : celle des « sécuritariens ». Ce terme désigne les individus qui, au-delà de simples préoccupations économiques, adoptent une posture vigilantiste face aux dangers perçus venant de l’extérieur. Ils sont guidés par la peur de la vulnérabilité, un état émotionnel qui affecte leur manière de percevoir le monde et de prendre des décisions politiques. Ils privilégient la stabilité interne et la protection contre les menaces extérieures à toute autre considération.
Le phénomène de la vigilance a des racines profondément ancrées dans l’histoire évolutive de l’humanité. Pendant une grande partie de notre existence en tant qu’Homo sapiens, nos ancêtres vivaient dans des bandes semi-nomadiques où la violence humaine était courante et constituait la principale cause de décès chez les adultes. La menace posée par d'autres groupes humains a naturellement conduit à une sélection évolutive pour une vigilance accrue. Ce phénomène a façonné une partie de nos instincts, nous rendant particulièrement réactifs aux dangers perçus, surtout ceux venant des « autres », des étrangers, des dissidents ou des normaux violateurs.
Cependant, cette vigilance n’a pas été universelle. Les groupes humains ont également tiré des avantages considérables de l’ouverture aux autres. Les échanges culturels, les nouvelles idées, voire les opportunités de mélange génétique ont permis aux sociétés humaines de prospérer. L’importance d’une gestion équilibrée des menaces internes et externes était cruciale. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs, bien qu’elles aient été égalitaires sur le plan social, devaient faire face à un autre type de menace, celle provenant de leaders internes puissants, souvent des hommes alpha. L’équilibre entre sécurisation contre les ennemis extérieurs et gestion des rapports de pouvoir internes était ainsi primordial pour la survie du groupe.
Les sécuritariens modernes semblent perpétuer cette logique ancestrale. Leur préoccupation première n’est pas seulement économique, mais porte sur la préservation de l'ordre et de la stabilité internes, souvent perçus comme menacés par des forces extérieures. Dans cette optique, les politiques de fermeture des frontières, la lutte contre les migrants et la dérégulation économique ne sont que des symptômes d'une inquiétude plus profonde vis-à-vis de la vulnérabilité collective.
Mais cette approche n'est pas sans conséquences. L’orientation sécuritaire, en cherchant à protéger un groupe contre les menaces perçues, peut aussi conduire à la marginalisation et à la stigmatisation de ceux qui sont perçus comme « étrangers », que ce soit au sens littéral ou symbolique. Elle peut également engendrer des divisions internes, nourrissant la peur et l’animosité au sein même de la société. Ainsi, bien que l’orientation sécuritaire puisse apporter une certaine forme de cohésion dans un premier temps, elle peut aussi, à long terme, fragiliser le tissu social, en créant des fossés de plus en plus profonds entre les différentes parties d’une population.
Dans ce contexte, il est important de comprendre que cette orientation sécuritaire ne doit pas être vue uniquement sous l'angle de la défense contre des menaces extérieures. Elle doit aussi être abordée comme un phénomène complexe, où se croisent des questions d'identité, de pouvoir et de perception de la vulnérabilité. Elle nous invite à réfléchir sur la manière dont la peur des autres, qu'ils soient migrants, étrangers ou simplement « différents », peut se transformer en une force politique capable de façonner des sociétés entières.
Pourquoi l’égalité a-t-elle rejeté les « grands hommes » dans les sociétés primitives, et comment cela éclaire-t-il nos divisions politiques modernes ?
Dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, les comportements arrogants et l’aspiration à un statut supérieur étaient immédiatement ridiculisés, honteusement exposés et socialement sanctionnés. Un ancien membre d’un groupe de chasseurs-cueilleurs expliquait ainsi : lorsqu’un jeune homme tue beaucoup de gibier, il tend à se croire un « grand homme » et à considérer les autres comme ses inférieurs. Ce comportement est inacceptable. Le groupe refuse celui qui se vante, car sa fierté pourrait un jour provoquer la mort d’un autre. Ainsi, pour maintenir l’équilibre social, on minimise constamment la valeur de sa prise. Ce mécanisme, que l’on pourrait qualifier de « comportement anti-grand homme », semble avoir été universel à travers les millénaires, témoignant d’une profonde méfiance envers ceux qui cherchent à s’élever au-dessus des autres.
Cette norme égalitariste, strictement appliquée, révèle en réalité une inclination humaine ancienne à adopter des comportements opposés. La coexistence de ces tendances opposées a permis l’émergence de divers profils comportementaux, selon les menaces perçues par le groupe. D’un côté, les ancêtres des « sécuritariens » considéraient les dangers extérieurs comme prioritaires. Ils valorisaient les leaders puissants, capables de fédérer et défendre la communauté contre les ennemis extérieurs, même au prix d’une hiérarchie interne. C’est cette lignée qui, à travers les siècles, a engendré des figures comme Donald Trump, dont le style « grand homme » correspond à ce besoin de protection forte contre l’extérieur.
À l’opposé, les ancêtres des « unitariens » étaient davantage préoccupés par les menaces internes. Ils redoutaient les chefs arrogants et puissants qui pourraient menacer l’harmonie du groupe. Leur priorité était la protection contre les conflits et les abus à l’intérieur du clan, ce qui les rendait souvent accueillants envers les étrangers. Bernie Sanders peut être vu comme une incarnation moderne de cette perspective, privilégiant l’égalité interne et la diversité extérieure.
Le conflit fondamental au cœur de toutes les sociétés réside dans ce dilemme : faut-il prioriser la sécurité et l’uniformité interne face aux menaces extérieures, ou bien favoriser la diversité et le bien-être des « autres » ? Cette division ancienne sous-tend les clivages politiques contemporains, souvent représentés par l’axe gauche-droite. À droite, en particulier chez les nationalistes et les nativistes, la peur principale est celle des étrangers et des dissidents au sein du groupe. À gauche, la préoccupation majeure est la concentration du pouvoir politique et économique entre les mains d’une élite interne.
Comprendre ce fossé primordial permet d’éclairer les débats qui agitent nos sociétés, souvent marqués par des affrontements passionnés autour des questions d’identité, de sécurité, et de cohésion sociale. Les questions de fiscalité, d’éducation ou d’environnement, bien qu’importantes, prennent place dans ce cadre plus vaste où s’opposent les visions du monde securitarienne et unitarienne.
Du point de vue securitarien, les « outsiders » sont définis non seulement par leur origine ethnique, leur langue, leur religion ou leurs coutumes, mais aussi par leur refus de reconnaître la nécessité de défendre le groupe intérieur. Ceux qui ne partagent pas cette vision sont perçus comme des menaces internes, susceptibles de briser l’unité et la sécurité du groupe. Ainsi, soutenir des politiques comme le contrôle des armes, la réduction du budget militaire, l’aide étrangère, ou les droits des minorités est vu comme affaiblissant la communauté des « insiders ».
Les securitariens recherchent des leaders qui incarnent clairement cette défense intransigeante du groupe, rejetant toute forme de compromis, de débat ou de langage politiquement correct. Ils sont extrêmement vigilants à distinguer les dirigeants qui prétendent défendre ces valeurs de ceux qui le font réellement. L’exemple de John McCain illustre cette nuance : malgré un parcours militaire et un engagement conservateur, certains de ses efforts pour plaire à une large base électorale ont pu sembler manquer d’authenticité securitarienne, ce que ses partisans ont su percevoir.
Il est essentiel de saisir que cette division profonde, enracinée dans notre évolution, ne se limite pas à une simple opposition politique ou culturelle. Elle éclaire les raisons pour lesquelles certains individus et groupes privilégient la sécurité collective au prix de l’exclusion, tandis que d’autres valorisent la tolérance et l’ouverture, au risque de fragiliser l’unité interne. Cette dualité est une clé indispensable pour comprendre non seulement les choix politiques, mais aussi les tensions sociales et culturelles qui traversent le monde contemporain.
Au-delà de ces considérations, il importe également de comprendre que ces tendances ne sont pas figées et peuvent varier selon les contextes, les expériences personnelles et les circonstances historiques. La complexité humaine ne se réduit pas à un simple clivage, mais ce dernier reste un cadre puissant pour analyser les motivations profondes des comportements collectifs et individuels. Enfin, reconnaître cette dynamique peut aider à dépasser les polarisations stériles et à envisager des formes d’organisation sociale capables de concilier sécurité et diversité, protection interne et ouverture extérieure.
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