L'art de la période Maurya, notamment celui qui est lié à l'empereur Ashoka, témoigne d'une évolution fascinante des formes et des motifs, qui ont voyagé bien au-delà des frontières de l'Inde antique. Ce phénomène n'est pas seulement un exemple de diffusion artistique, mais aussi une illustration de la manière dont l'histoire et les monuments peuvent être réinterprétés au fil du temps. La notion d'influence artistique, dans ce contexte, devient un champ d'étude complexe. Il est évident que des motifs et des conceptions visuelles ont circulé sur de vastes distances, et ce phénomène a souvent entraîné des transformations significatives de ces éléments, en fonction des contextes culturels et politiques.

Les piliers d'Ashoka, par exemple, sont souvent associés à une influence perse, mais il semble que cette attribution soit partiellement réductrice. L’Inde avait sans doute déjà une tradition de sculpture en bois et de gravure sur pierre bien avant l'ère Maurya. L'évolution de cette tradition vers des monuments de pierre, réalisés sous le patronage impérial de la dynastie Maurya, témoigne de l'ambition impériale d’Ashoka de marquer son autorité à travers des formes monumentales et durables. Cependant, ces édifices ne doivent pas seulement être perçus comme des objets d'influence extérieure, mais aussi comme des créations uniques, enracinées dans un terreau local aux significations multiples et diverses.

Les sculptures et les monuments en pierre qui ont émergé durant la période Maurya, tels que le Vajrasana à Bodh Gaya, un trône de méditation sous l'arbre Bodhi, montrent un mélange de formes géométriques et de motifs floraux qui rappellent les influences grecques, mais aussi les traditions locales de sculpture. De plus, l’apparition d’éléphants sculptés, comme ceux retrouvés sur les édits d'Ashoka à Dhauli, démontre une maîtrise de la représentation naturaliste, inédite dans l'art indien jusqu’alors.

Les caves de Barabar et de Nagarjuni, creusées dans la roche, marquent un tournant dans l’architecture religieuse de l’époque. Ces cavernes, dont les intérieurs sont polis avec une grande précision, sont les premières structures à incarner l’idée d’habitat spirituel, conçu pour les ascètes. La porte de la grotte de Lomash Rishi, décorée de motifs complexes comme des éléphants et des makaras, est particulièrement significative. Elle illustre non seulement les influences artistiques extérieures, mais aussi la manière dont des motifs partagés entre différentes cultures pouvaient avoir des significations variées, selon le contexte religieux et symbolique.

Il est également important de noter que les stupas, qui étaient initialement des monuments funéraires, ont acquis une signification spirituelle profonde bien au-delà de leur rôle d’origine. Bien que certains chercheurs suggèrent que la tradition des stupas puisse être antérieure au bouddhisme, c’est sous l’Empire Maurya qu'ils connaissent une véritable institutionnalisation. Le rôle d'Ashoka dans l’expansion de la vénération des reliques bouddhistes à travers des stupas monumentaux est indéniable. Les stupas ne servaient pas seulement à abriter les reliques du Bouddha, mais aussi à symboliser son enseignement. Dans ce processus, la vénération des reliques elle-même a progressivement laissé place à une forme de dévotion au stupa en tant que tel, une pratique qui s’étendra largement dans le monde bouddhiste.

Le site de Sanchi, en particulier, est un exemple majeur de l'architecture de stupa de l'époque Maurya. Le Stupa no. 1, dont la base en brique remonte à la période d'Ashoka, est un exemple parfait de l'usage de l’architecture pour célébrer et pérenniser la mémoire religieuse. L’évolution du site, avec ses ajouts successifs au fil des siècles, montre bien comment un monument peut se transformer, tout en maintenant une part de son essence originelle.

En dehors des stupas, une autre caractéristique essentielle de l'art Maurya réside dans la sculpture des divinités populaires, telles que les yakshas et yakshis, souvent retrouvées dans la région de Mathura et Patna. Bien que ces sculptures aient été attribuées à la période Maurya en raison de leur surface polie, des recherches plus récentes ont révélé que cette technique de polissage pouvait perdurer au-delà de cette époque, notamment au début de notre ère.

L'art Maurya est donc un mélange d'influences diverses, où chaque élément, chaque sculpture et chaque édifice semble à la fois faire écho à des traditions anciennes et être le produit de nouvelles ambitions impériales. Cette dualité est essentielle pour comprendre la complexité de l’époque. Elle reflète une époque de transformation profonde, marquée par une réévaluation constante des symboles et des pratiques culturelles, un processus qui est toujours visible dans les monuments de cette période.

Les monuments de l'Empire Maurya, loin d'être des simples vestiges du passé, sont des témoins vivants de la manière dont les symboles culturels et religieux peuvent être réappropriés, réinterprétés et redéfinis à travers les âges. Ce processus n'est pas limité à l'Inde antique, mais est un phénomène universel qui touche toutes les civilisations, où les artefacts et les traditions sont continuellement redéfinis, transformés, et réutilisés dans de nouveaux contextes, souvent très éloignés de leurs origines.

Les figurines féminines : Divinités ou femmes ordinaires ?

L'interprétation des figurines féminines découvertes dans des sites archéologiques comme Rana Ghundai, Mehrgarh, Mundigak, et d'autres, a été longtemps dominée par une vision réductrice qui associait systématiquement ces représentations à un culte de la « déesse-mère ». Cette hypothèse était largement fondée sur l'idée que le culte de déesses liées à la fertilité jouait un rôle central dans les sociétés agricoles anciennes à travers le monde, et aussi par une tendance à projeter les croyances religieuses hindoues contemporaines sur les artefacts anciens. Cependant, au fil du temps, les chercheurs ont reconnu la diversité des styles et des techniques des figurines féminines, remettant en question cette vision simpliste. Ce n’est pas parce qu’une figurine représente une femme qu’elle doit nécessairement incarner une déesse ou symboliser la maternité.

En réalité, l’étude des figurines féminines doit s'accompagner d'une analyse plus nuancée qui prend en compte à la fois la forme de l'objet et le contexte dans lequel il a été trouvé. Il est en effet possible que certaines figurines aient eu une signification religieuse ou cultuelle, servant soit d’images vénérées, soit d’offrandes votives dans le cadre de cultes domestiques ou de rituels. Néanmoins, il est essentiel de se rappeler que toutes les figurines féminines ne peuvent pas être automatiquement interprétées comme ayant cette fonction. Pour toute figurine, humaine ou animale, il est indispensable de remettre en question son rôle et sa signification, en prenant soin d'éviter les généralisations hâtives.

Un des exemples les plus parlants est celui de Mehrgarh, où des figurines féminines ont été retrouvées dans des contextes variés, souvent associés à des pratiques funéraires. La grande variété des découvertes montre que ces objets pouvaient servir à des fins multiples, allant de simples représentations à des objets votifs ou de culte, mais aussi à des symboles de fertilité ou de liens sociaux. Le lien entre les figurines et les pratiques funéraires, en particulier, suggère une signification complexe et multiforme qui mérite d’être explorée de manière plus approfondie.

Il est aussi important de noter que les pratiques funéraires, comme celles observées à Mehrgarh ou à Burzahom, témoignent d'une relation étroite entre les humains et les animaux. À Mehrgarh, par exemple, les corps étaient souvent recouverts d’ocre rouge avant d’être enterrés, un rituel qui pourrait avoir une connotation liée à la fertilité. Cette pratique, de même que la présence d'animaux dans certaines tombes, suggère des croyances complexes sur la vie après la mort et la continuité des liens entre les vivants et les morts.

Les fouilles des sites néolithiques, notamment à Mehrgarh et Burzahom, révèlent une grande diversité de tombes, allant des plus simples aux plus élaborées, ce qui indique des différences sociales notables entre les individus et les groupes. Les biens funéraires retrouvés dans les tombes, tels que des objets alimentaires, suggèrent également des croyances en l’existence d'une vie après la mort. Les pratiques de sépulture secondaire, observées sur certains sites, révèlent des rituels funéraires en plusieurs étapes, ce qui reflète une vision particulière du passage de la vie à la mort, et peut-être de la réincarnation ou de la continuité des ancêtres.

Il ne faut pas sous-estimer l’importance des liens familiaux ou communautaires, comme en témoignent les multiples sépultures retrouvées, où des individus étaient enterrés ensemble, probablement en raison de liens de parenté. Ces pratiques funéraires témoignent d’une structure sociale bien définie et d’une organisation des rituels autour de la mort et de la mémoire des défunts.

L'archéologie de ces sociétés anciennes révèle ainsi que la coexistence de différentes pratiques culturelles – agricoles, pastorales et de chasse – ne signifie pas nécessairement une rupture, mais plutôt une interaction complexe. Ces communautés néolithiques, qui sont progressivement passées à une organisation plus sédentaire, ont maintenu de nombreux aspects de leurs anciennes traditions de chasse et de cueillette tout en intégrant les nouvelles pratiques agricoles. Ces sociétés ont vécu un processus de transformation continue, qui a marqué le début de l’émergence de villes proto-urbaines, puis de véritables cités.

Ce phénomène de transition est crucial, car il a permis à ces sociétés de développer des formes de gouvernance, des pratiques commerciales et des structures sociales plus complexes. Cependant, la véritable signification de ces figurines et de ces rituels, ainsi que leur place dans la structuration sociale et spirituelle de ces sociétés, doit encore être approfondie par les recherches archéologiques futures.