L’étude des anneaux quantiques (AQ) auto-organisés révèle une complexité profonde dans la façon dont leurs propriétés électroniques sont affectées par la géométrie et les contraintes mécaniques internes. Le modèle d’Hamiltonien adiabatique, diagonalisation numérique à l’appui, montre que les états propres des électrons et des trous confinés dans ces structures sont fortement modifiés par les variations locales du potentiel, notamment celles induites par la contrainte élastique (strain) et l’anisotropie de la forme.

L’anisotropie de la hauteur de l’anneau modifie notablement les oscillations du moment magnétique zéro-température μ en fonction du champ magnétique B. Alors que dans un anneau parfaitement symétrique les états électroniques se classent selon des nombres quantiques magnétiques bien définis, la variation de la hauteur de l’anneau selon l’angle azimutal φ introduit un mélange de ces états, entraînant un affaiblissement des oscillations de μ(B). Cependant, cet effet peut être atténué si la largeur de l’anneau varie en opposition de phase avec sa hauteur, une condition que l’on rencontre dans les anneaux quantiques auto-organisés observés par microscopie à balayage X-STM. Ce phénomène souligne la sensibilité extrême des propriétés magnétiques à la topographie locale.

L’introduction de la contrainte mécanique modifie la profondeur du puits de potentiel qui confine l’électron dans le rim de l’anneau. Ce puits devient plus faible et plus peu profond, réduisant ainsi le rayon effectif de l’électron. De ce fait, les champs magnétiques de transition, ceux où les niveaux d’énergie fondamentaux et excités s’interchangent, augmentent. La contrainte agit aussi pour diminuer la variation azimutale du potentiel adiabatique, atténuant le mélange entre états de différents nombres quantiques magnétiques. Cette réduction de la complexité de la structure énergétique se traduit par une augmentation notable de l’écart énergétique entre l’état fondamental et le premier état excité à faible champ magnétique, et par une réduction de la séparation à zéro champ entre les états excités qui, dans un anneau parfaitement circulaire, seraient issus de niveaux L = ±1.

L’effet de la contrainte se manifeste également dans le déplacement des courbes μ(B) vers des champs plus élevés, ce qui est directement lié à la diminution de la profondeur du puits potentiel dans la bordure de l’anneau. Un autre aspect significatif est l’impact sur l’amplitude des oscillations d’Aharonov-Bohm. Celle-ci reste globalement stable du fait de deux effets opposés : la réduction de la barrière potentielle induit une plus grande pénétration de la fonction d’onde électronique dans la barrière, élargissant ainsi la largeur effective de l’anneau, ce qui tend à diminuer l’amplitude des oscillations ; simultanément, la moindre influence de l’anisotropie de forme sur les états électroniques réduit la suppression des oscillations, compensant partiellement l’effet précédent.

L’augmentation de la température a un effet prévisible d’adoucissement des oscillations Aharonov-Bohm, mais cette suppression n’est pas dramatique à des températures cryogéniques, notamment à celles de l’hélium liquide (∼1.2 K à 4.2 K). Les mesures expérimentales réalisées sur des ensembles homogènes d’anneaux quantiques InAs auto-assemblés confirment la présence des oscillations persistantes du courant, détectées via le moment magnétique par un torquemagnétomètre extrêmement sensible. Ces expériences montrent une nette signature des oscillations AB, même en présence d’un bruit mécanique et d’un signal de fond important, attestant ainsi de la robustesse du phénomène quantique dans ces nanostructures.

Il est essentiel de comprendre que les propriétés quantiques des électrons dans ces anneaux ne sont pas seulement déterminées par la simple géométrie idéale mais résultent d’un équilibre subtil entre anisotropie géométrique, effets de contrainte mécanique et interaction avec le champ magnétique appliqué. La profondeur variable du puits de potentiel, la modulation azimutale des paramètres géométriques et les effets de pénétration de la fonction d’onde hors de la région confinée modifient ensemble la dynamique électronique et les réponses magnétiques observables. De plus, la température joue un rôle non négligeable en limitant la visibilité des oscillations, même si elles demeurent détectables à basse température.

Une autre dimension importante réside dans la nature quantique du mélange des états de différents nombres quantiques magnétiques, directement lié à la symétrie brisée de l’anneau. Cela implique que toute modélisation ou interprétation des phénomènes observés doit nécessairement intégrer ces effets d’anisotropie et de contrainte, sans quoi les prédictions seraient incomplètes. La théorie et l’expérimentation se complètent ainsi pour décrire une physique riche et complexe qui dépasse largement les modèles simplistes d’anneaux parfaitement circulaires et symétriques.

Enfin, la capacité de détecter les oscillations du moment magnétique à partir de courants persistants dans des ensembles macroscopiques de nanostructures souligne l’importance des propriétés collectives et de la haute homogénéité des systèmes fabriqués. Cela ouvre des perspectives intéressantes pour l’étude et l’utilisation des effets quantiques dans des dispositifs nanoélectroniques, où la maîtrise fine de la géométrie et des contraintes locales permettrait d’ajuster les caractéristiques magnétiques et électroniques à souhait.

Comment les flux d’arséniure et la température influencent-ils la formation et la morphologie des nanostructures quantiques auto-assemblées ?

La formation des nanostructures quantiques, telles que les anneaux et les points quantiques, repose sur un équilibre délicat entre la chimie des flux d’arséniure, les migrations atomiques sur la surface, et les températures de croissance. Le recours à différents états d’arséniure, notamment As_2 versus As_4, modifie profondément la cinétique de réaction avec le gallium liquide. As_2, plus réactif, induit une cristallisation plus rapide du Ga liquide et conduit à des nanostructures de plus petite taille mais de densité plus élevée. Cette densité accrue s’explique par l’absence d’interruption lors du réglage de la température du four à cracker l’arséniure, évitant ainsi des phénomènes de coalescence ou de maturation d’Ostwald pendant ces pauses.

L’étude de la photoluminescence confirme que les anneaux quantiques fabriqués sous flux d’As_2 présentent une émission dominante à haute température, révélant la qualité et la stabilité de ces structures. Ce modèle de formation, basé sur la migration et la réaction atomique, s’applique aussi bien aux systèmes semi-conducteurs III-V parfaitement adaptés aux réseaux cristallins qu’aux systèmes avec désaccord de réseau, comme InAs sur GaSb(001). La formation d’amas d’indium à la surface nécessite une surface riche en gallium, obtenue par la déposition contrôlée d’environ 1,5 couches moléculaires de Ga avant l’ajout d’In. La migration anisotrope des atomes d’In le long de la direction [1 1̄ 0] modifie la morphologie des anneaux, et la longueur de migration des adatomes d’In est influencée par la pression partielle d’arséniure (BEP). Plus la couverture en As est faible, plus la migration latérale est longue, ce qui démontre que la dynamique de la surface est gouvernée non seulement par la température mais aussi par le flux d’As_2 pendant la cristallisation.

Dans certains systèmes soumis à des contraintes mécaniques, comme GaSb sur GaAs, la relaxation de contrainte modifie la formation de nanostructures. Par exemple, sous flux d’antimoine, la cristallisation des gouttelettes de Ga liquide sur GaAs(001) forme des anneaux de GaAs partiellement dissous et des îlots GaAs_1−xSb_x isolés, avec des protubérances en points opposés du cercle pour minimiser l’énergie de contrainte. Ce mécanisme est fondamentalement différent de celui observé dans les systèmes à réseau parfaitement adapté, illustrant l’importance des contraintes dans la morphogenèse des nanostructures.

L’extension de ces techniques permet la création de nanostructures complexes, combinant anneaux, points et disques au sein d’un même assemblage. La croissance contrôlée via des impulsions précises de fourniture d’arséniure permet de réguler finement trois phénomènes interdépendants : la diffusion thermodynamique du gallium hors des gouttelettes pour former une couche bidimensionnelle, l’incorporation d’arséniure dans le Ga liquide pour générer une cristallisation tridimensionnelle, et la transformation de la reconstruction de surface, de Ga-riche à As-riche, influençant la configuration finale.

Ainsi, la morphologie finale des nanostructures dépend du compromis entre diffusion latérale du Ga et cristallisation complète au sein de la gouttelette. À basse température et fort flux d’arséniure, la mobilité réduite du Ga favorise la formation de points quantiques tridimensionnels centrés sur les gouttelettes. À des températures intermédiaires (environ 300 °C), la diffusion de Ga favorise la formation d’anneaux autour des gouttelettes, avec le diamètre contrôlé par la température et le flux d’As. Les dimensions des points quantiques restent quant à elles liées à la taille initiale des gouttelettes, garantissant un contrôle précis de la taille finale.

La flexibilité extrême du procédé de dépôt par éclaboussure (droplet epitaxy) offre ainsi la possibilité de concevoir et d’assembler des nanostructures hybrides où des éléments de différentes dimensions cohabitent dans un espace réduit, ouvrant des perspectives majeures pour les dispositifs quantiques intégrés. La maîtrise fine de la cinétique de transformation du gallium dans les gouttelettes est au cœur de ce contrôle, et permet une personnalisation des architectures nanométriques par auto-assemblage.

Il est essentiel de considérer, outre les phénomènes décrits, que les processus de diffusion et de cristallisation sont intrinsèquement couplés à la dynamique de surface et à la reconstruction atomique, lesquelles sont elles-mêmes influencées par des paramètres souvent complexes comme la pression partielle des gaz, la température et la présence de contraintes mécaniques. La compréhension complète de ces interactions est cruciale pour anticiper la morphologie finale et les propriétés optiques des nanostructures, en particulier dans des systèmes non latticematched où la relaxation de contraintes peut induire des effets topologiques inattendus.