Les premières expériences menées sur les monocouches de FeSe/SrTiO3 ont révélé des phénomènes intéressants liés à la supraconductivité. Il a été observé que l'écart d'énergie dans les monocouches de FeSe est jusqu'à dix fois plus grand que dans les cristaux de FeSe, ce qui suggère une température critique beaucoup plus élevée. Les variations de la température critique (TC) dans la plage de 65 à 109 K ont été mesurées, alors que pour les cristaux de FeSe, TC est d'environ 8 K. Ces résultats montrent que, dans les interfaces, le couplage électron-phonon est nettement renforcé. Grâce à la géométrie bidimensionnelle des monocouches de FeSe et à l'absence de composante kz du vecteur d'onde, le traitement théorique de ces phénomènes devient plus simple.

Dans des conditions de vide élevé et à une température de 3 K, une densité critique de courant électrique de 1,3 × 10⁷ A/cm² a été mesurée sans couche de protection. Cependant, la supraconductivité disparaît lorsque l'épaisseur des couches de FeSe atteint deux cellules unitaires ou plus. En résumé, les matériaux bidimensionnels se comportent de manière radicalement différente de ceux en trois dimensions. De nouveaux effets physiques apparaissent, et l'étude de ces phénomènes reste un domaine de recherche fascinant.

Les applications techniques des matériaux supraconducteurs à haute température, en raison de leurs températures critiques relativement élevées par rapport aux supraconducteurs classiques, ont ouvert de nouvelles perspectives. Les supraconducteurs haute température permettent d'exploiter la supraconductivité même après un refroidissement à des températures aussi élevées que 77 K grâce à l'utilisation de l'azote liquide. Ces matériaux ont trouvé une application dans des domaines aussi variés que l'électronique, la microélectronique, et l'électronique de puissance.

Un exemple d'application se trouve dans la fabrication de substrats bicristallins pour les jonctions par grain de Josephson et les SQUIDs, utilisés dans des instruments de mesure électroniques. Les filtres haute fréquence fabriqués à partir de couches minces de supraconducteurs à haute température sont particulièrement prometteurs. Ces filtres permettent une nette amélioration de la résolution des canaux haute fréquence, ce qui permet d'admettre beaucoup plus de canaux dans les bandes de fréquences disponibles. Par exemple, plusieurs centaines de stations de base de communication mobile utilisant cette technologie fonctionnent déjà aux États-Unis.

Cependant, la croissance rapide de la technologie supraconductrice a conduit à une réduction de l'usage des filtres supraconducteurs, car les avancées dans les générations plus récentes de téléphones mobiles ont éliminé leur nécessité. Dans le domaine des courants électriques élevés, le développement des bobines magnétiques fabriquées à partir de supraconducteurs à haute température est un sujet de recherche actif. De plus, les systèmes supraconducteurs destinés à limiter les courants de défaut électrique dans le domaine de l'énergie sont actuellement en développement prometteur. Ces systèmes sont conçus pour interrompre rapidement le courant électrique en cas de surcharge, afin de prévenir d'éventuels dégâts sur les lignes électriques.

L'utilisation de bandes supraconductrices est courante dans ces applications. Un film épitaxial de supraconducteur à haute température, tel que le YBa2Cu3O7, est déposé sur une bande métallique préparée de manière spéciale. Après refroidissement à l'azote liquide, une densité critique de courant électrique pouvant atteindre 10⁶ A/cm² est observée. Un développement intéressant, émergeant en 2013, concerne les générateurs supraconducteurs pour les courants électriques utilisés dans les éoliennes. Ces générateurs pourraient réduire de moitié le poids des générateurs situés au sommet des mâts, ou bien doubler la puissance pour un poids équivalent.

En parallèle, un projet au Japon (le projet Ishikari) travaille sur un câble supraconducteur pour courant continu, refroidi à l'azote liquide, et prévu pour une puissance de 5 GW. Depuis 2014, une liaison supraconductrice d'une longueur de 1 km entre deux stations de transformateurs fonctionne avec succès dans la ville d'Essen. Actuellement, une connexion supraconductrice de 12 km est en préparation pour relier la station principale de transformation au nord de Munich à son centre de charge dans le sud de la ville.

Les technologies supraconductrices, bien que prometteuses, ne sont pas exemptes de défis techniques. La nécessité de maintenir des conditions cryogéniques stables, l'intégration de ces matériaux dans des systèmes à grande échelle et la recherche de solutions de production économiques restent des obstacles à surmonter. Cependant, les développements en cours montrent un potentiel énorme pour des applications futures dans des domaines tels que l'énergie, les télécommunications et l'électronique de puissance.

Comment les découvertes fondamentales en physique des solides influencent-elles nos technologies modernes ?

Les prix Nobel de physique ont, au fil des décennies, révélé des découvertes fondamentales en physique des solides qui ont non seulement redéfini notre compréhension de la matière à l’échelle microscopique, mais ont également ouvert la voie à des technologies révolutionnaires, transformant notre quotidien de manière souvent invisible. L’évolution des concepts clés dans ce domaine, notamment la supraconductivité, les phénomènes quantiques, les matériaux composites et les nanostructures, continue d’influencer le développement de dispositifs électroniques, médicaux et de communication.

L’un des grands jalons de cette évolution est la découverte de la supraconductivité dans des matériaux céramiques, qui a valu à Johannes Georg Bednorz et Karl Alexander Müller le prix Nobel de physique en 1987. Leur travail a marqué un tournant dans la compréhension des matériaux supraconducteurs à température relativement élevée, dépassant les précédentes limitations théoriques qui imposaient des températures extrêmement basses pour observer la supraconductivité. Ce phénomène, où la résistance électrique d’un matériau disparaît totalement sous certaines conditions, est désormais exploité dans des technologies de pointe telles que les aimants supraconducteurs utilisés en imagerie par résonance magnétique (IRM) et dans les accélérateurs de particules.

À la même époque, d’autres découvertes, comme l’effet Hall quantique observé par Klaus von Klitzing en 1985, ont permis de mieux comprendre les propriétés quantiques des électrons dans des systèmes fortement confinés, ouvrant ainsi la voie à des applications dans les capteurs de haute précision et dans le domaine de l’électronique de l'avenir. Ces phénomènes quantiques, souvent contre-intuitifs, nous montrent que le comportement des électrons peut être modifié par l’application de champs magnétiques ou électriques, créant ainsi des matériaux à propriétés très particulières.

Un autre aspect fondamental qui a pris une importance considérable au cours des dernières décennies est l’étude des structures à l’échelle nanométrique, qui a conduit à des progrès dans la conception de nouveaux matériaux et dans la mise au point de nouveaux instruments. L’apparition du microscope à effet tunnel, développé par Gerd Binnig et Heinrich Rohrer en 1986, a permis de visualiser la surface des matériaux à l’échelle atomique, offrant des perspectives de contrôle sans précédent de la structure des matériaux à l’échelle la plus réduite. Cela a permis des avancées notables dans le domaine de la nanotechnologie, où des atomes et des molécules individuels peuvent être manipulés pour créer des dispositifs électroniques et optiques plus performants.

L’introduction du graphène, découverte par Andre Geim et Konstantin Novoselov en 2010, a été un autre tournant décisif. Ce matériau, composé d'une seule couche d'atomes de carbone, possède des propriétés électroniques exceptionnelles, notamment une conductivité et une résistance mécanique impressionnantes. Ses applications potentielles sont vastes, allant des transistors ultrarapides aux batteries de nouvelle génération, et il reste un domaine de recherche très actif. Le graphène a également ouvert la voie à la compréhension de matériaux bidimensionnels plus complexes, comme les dichalcogénures de métaux de transition, qui présentent des propriétés électroniques et optiques uniques.

La théorie des transitions de phase topologiques, développée par David J. Thouless, J. Michael Kosterlitz et F. Duncan M. Haldane en 2016, est une autre contribution théorique importante. Leur travail sur les phases topologiques des matériaux, qui se manifestent par des états de matière robustes et non conventionnels, a des implications potentielles pour le développement de l'informatique quantique, où les qubits, éléments fondamentaux de cette nouvelle ère de l’informatique, pourraient être protégés de manière plus stable.

Ces recherches, ainsi que les nombreuses autres découvertes qui les accompagnent, illustrent l’importance de la physique des solides non seulement pour la compréhension fondamentale de la matière, mais aussi pour le développement de technologies clés du XXIe siècle. L’évolution rapide de l'électronique, de l'optique et des matériaux conducteurs repose en grande partie sur les principes de la physique des solides, qui continuent de guider les innovations dans des secteurs aussi variés que les télécommunications, la médecine, l’énergie et les technologies de l’information.

En outre, il est essentiel de comprendre que bien que ces découvertes aient été fondamentales pour l’évolution des technologies modernes, elles restent souvent le fruit d’une collaboration interdisciplinaire entre la physique, la chimie et les sciences de l’ingénierie. Les avancées théoriques sont régulièrement validées ou affinées par des travaux expérimentaux, ce qui montre l’importance d’un dialogue continu entre la recherche fondamentale et appliquée. Par ailleurs, ces découvertes ont également des implications philosophiques et sociales profondes, en particulier en ce qui concerne les possibilités offertes par l’informatique quantique et la manipulation de l’information à des échelles jamais imaginées auparavant.

Il devient évident que la physique des solides, loin de se limiter à des applications pratiques immédiates, façonne également notre compréhension du monde à un niveau fondamental. Les recherches actuelles et futures dans ce domaine ouvriront sans doute de nouvelles portes vers des technologies plus avancées, tout en continuant à redéfinir les limites de ce qui est technologiquement possible.