La décomposition d'une mesure de probabilité μ\mu en une somme de deux composantes, μ=μs+μa\mu = \mu_s + \mu_a, où μs\mu_s est singulière par rapport à λ\lambda et μa\mu_a est absolument continue, nous permet de définir une fonction U:M[0,1]U : M \rightarrow [0, 1] par U(μ):=xμa(dx)U(\mu) := \int x \mu_a(dx). Il est facile de constater que cette fonction UU est affine sur MM, et donc induit une relation de préférence \succ sur MM, laquelle respecte les axiomes d'Archimède et d'indépendance. Toutefois, il est important de noter que cette relation de préférence ne peut pas avoir de représentation de von Neumann-Morgenstern. En effet, puisque U(δx)=0U(\delta_x) = 0 pour tout xx, le seul choix possible pour uu dans l'équation de représentation serait u0u \equiv 0. Cela rend la relation de préférence triviale, ce qui signifie que pour toute mesure μM\mu \in M, nous avons μλ\mu \sim \lambda, une situation contradictoire si, par exemple, U(λ)=12U(\lambda) = \frac{1}{2} et U(δ1)=0U(\delta_1) = 0.

Une manière d’obtenir une représentation de von Neumann-Morgenstern est d’assumer des propriétés supplémentaires de continuité sur \succ, où la continuité est entendue dans le sens de la Définition 2.8. Comme cela a été souligné précédemment, l’axiome d’Archimède est automatiquement satisfait si la prise de combinaisons convexes est continue par rapport à la topologie sur MM. C’est le cas pour la topologie faible sur l’ensemble M1(S,S)M_1(S,S) des mesures de probabilité sur un espace métrique séparable SS, muni de la σ\sigma-algbra SS des ensembles de Borel. Nous considérerons l’espace SS comme étant fixé et écrirons simplement M1(S)=M1(S,S)M_1(S) = M_1(S,S) pour le reste de cette section.

Le théorème 2.27 établit qu’en supposant que \succ est une relation de préférence continue sur M1(S)M_1(S) qui satisfait l’axiome d’indépendance, il existe une représentation de von Neumann-Morgenstern sous la forme U(μ)=u(x)μ(dx)U(\mu) = \int u(x) \mu(dx), où la fonction u:SRu : S \rightarrow \mathbb{R} est bornée et continue. De plus, UU et uu sont uniques à une transformation affine positive près.

La démonstration repose sur le fait que si \succ est continue, alors l'axiome d'Archimède est satisfait, ce qui permet d’appliquer le Corollaire 2.22 pour que la relation de préférence restreinte à MsM_s, l’ensemble des distributions de probabilité simples sur SS, possède une représentation de von Neumann-Morgenstern. Cela nous amène à considérer des fonctions uu bornées. Par exemple, si uu n’est pas bornée, alors il existe une séquence x0,x1,x_0, x_1, \dots dans SS telle que u(x0)<u(x1)u(x_0) < u(x_1) et u(xn)>nu(x_n) > n. Cette situation conduit à une contradiction avec la continuité de \succ. Si, en revanche, uu est continue, cela permet à la fonction U(μ)U(\mu) de définir une représentation numérique de \succ sur l’ensemble MM, et UU devient continue par rapport à la topologie faible sur MM.

Cependant, la portée du théorème précédent est limitée dans la mesure où il implique des fonctions uu bornées. Cette condition n’est pas suffisamment flexible pour couvrir tous les cas pratiques. Par exemple, lorsqu'on considère des préférences averses au risque définies en termes de fonctions concaves uu sur S=RS = \mathbb{R}, ces fonctions ne peuvent pas être bornées, sauf si elles sont constantes. Cela nous pousse à relâcher certaines hypothèses du théorème précédent.

Dans un premier approche, nous fixons un point x0Sx_0 \in S et notons par Br(x0)B_r(x_0) la boule métrique fermée de rayon rr autour de x0x_0. L’espace des mesures à support borné sur SS est donné par Mb(S):=r>0M1(Br(x0))M_b(S) := \bigcup_{r>0} M_1(B_r(x_0)), soit l'ensemble des mesures μM1(S)\mu \in M_1(S) telles que μ(Br(x0))=1\mu(B_r(x_0)) = 1 pour un certain r0r \geq 0. Cette définition ne dépend pas du choix particulier de x0x_0. Le Corollaire 2.28 affirme que si \succ est une relation de préférence sur Mb(S)M_b(S), dont la restriction à chaque sous-espace M1(Br(x0))M_1(B_r(x_0)) est continue par rapport à la topologie faible, alors il existe une représentation de von Neumann-Morgenstern U(μ)=u(x)μ(dx)U(\mu) = \int u(x) \mu(dx) avec une fonction u:SRu : S \rightarrow \mathbb{R} continue. De plus, UU et uu sont uniques à une transformation affine près.

Dans une deuxième approche, nous incluons des mesures ayant un support non borné, mais sous des hypothèses de continuité plus fortes. Pour ce faire, nous utilisons une fonction continue ψ\psi à valeurs dans [1,)[1, \infty) sur l’espace métrique séparé SS. Nous définissons l’espace ψM1(S)\psi M_1(S) comme l’ensemble des mesures μM1(S)\mu \in M_1(S) telles que ψ(x)μ(dx)<\int \psi(x) \mu(dx) < \infty. Une topologie sur ψM1(S)\psi M_1(S) est définie de manière similaire à la topologie faible, mais en prenant en compte des fonctions continues bornées par ψ(x)\psi(x), ce qui nous permet d’étudier des représentations de von Neumann-Morgenstern pour des fonctions non bornées.

Le théorème 2.29 étend ainsi la représentation de von Neumann-Morgenstern à un cadre où ψ\psi est une fonction non bornée. Il affirme que si \succ est une relation de préférence continue dans cette topologie ψ\psi-faible et satisfait l’axiome d’indépendance, alors il existe une représentation numérique de von Neumann-Morgenstern sous la forme U(μ)=u(x)μ(dx)U(\mu) = \int u(x) \mu(dx) avec une fonction uCψ(S)u \in C_\psi(S). Encore une fois, UU et uu sont uniques à une transformation affine près.

Enfin, bien que la théorie classique de l’utilité espérée, basée sur l’axiome d’indépendance et l’axiome d’Archimède, soit une approche rigoureuse, elle ne reflète pas toujours la réalité des comportements humains. Par exemple, le paradoxe d’Allais, qui met en question l’aspect descriptif de l’utilité espérée, montre que les individus peuvent ne pas se comporter selon ce modèle, même lorsqu’une loterie a une valeur attendue plus élevée qu’une autre. Ce paradoxe illustre ainsi les limites du cadre théorique et la nécessité de considérer des modèles alternatifs pour mieux comprendre les préférences et les choix réels des individus.

Comment la topologie ψ-faible et la topologie relative se rejoignent dans l'embeddding d'espaces topologiques

Nous examinons la relation entre la topologie relative de l'inclusion et la topologie ψ-faible dans le contexte des espaces de mesures et de leurs propriétés.

Soit EE un espace topologique, et considérons un ensemble Cψ(S)C_{\psi}(S) de fonctions définies sur un espace SS, où SS est souvent un espace polonais. Nous nous intéressons particulièrement aux mesures ρE\rho \in E et à la manière dont elles sont intégrées avec des fonctions de Cψ(S)C_{\psi}(S) à travers des intégrales, formant ainsi une base pour la topologie σ(E,Cψ(S))\sigma(E, C_{\psi}(S)). Cette base est constituée d'ensembles de la forme :

Uϵ(ρ;f1,,fn):=i=1n{ρE:fidρfidρ<ϵ},U_{\epsilon}(\rho; f_1, \dots, f_n) := \bigcap_{i=1}^n \{ \rho' \in E : \left| \int f_i d\rho - \int f_i d\rho' \right| < \epsilon \},

avec ϵ>0\epsilon > 0, fiCψ(S)f_i \in C_{\psi}(S), et ρE\rho \in E. Cette construction permet de définir une topologie σ(E,Cψ(S))\sigma(E, C_{\psi}(S)), et la question de savoir si cette topologie coïncide avec la topologie ψ-faible, plus fine, sur un sous-ensemble M1(S)M_1(S) des mesures de probabilité.

La démonstration repose sur le fait que, pour chaque point μψUM1(S)\mu_{\psi} \in U \cap M_1(S), il existe un voisinage Uϵ(μ;f1,,fn)UU_{\epsilon}(\mu; f_1, \dots, f_n) \subset U, et que Uϵ(μ;f1,,fn)M1(S)U_{\epsilon}(\mu; f_1, \dots, f_n) \cap M_1(S) est un voisinage ouvert de μ\mu dans la topologie ψ-faible. Cela montre que les ensembles ouverts dans la topologie relative σ(E,Cψ(S))\sigma(E, C_{\psi}(S)) sont également ouverts dans la topologie ψ-faible et vice versa, ce qui conclut l'égalité des topologies.

Une conséquence importante de cette coïncidence est que l'ensemble M1(S)M_1(S) des mesures de probabilité normalisées sur SS est fermé dans EE, car il est défini par une intersection de sous-espaces fermés dans EE. De plus, si E2E_2 désigne le produit E×EE \times E avec la topologie produit, l'espace E2E_2 devient un espace vectoriel topologique localement convexe, et chaque fonctionnelle linéaire continue sur E2E_2 peut être exprimée sous la forme :

(ρ1,ρ2)=f1dρ1+f2dρ2,\ell(\rho_1, \rho_2) = \int f_1 d\rho_1 + \int f_2 d\rho_2,

pour des fonctions f1,f2Cψ(S)f_1, f_2 \in C_{\psi}(S). Cela illustre le rôle central des intégrales avec des fonctions de Cψ(S)C_{\psi}(S) dans la définition et la structure des espaces de mesures.

Dans un contexte plus général, le théorème de séparation de Hahn-Banach peut être appliqué dans ce cadre, ce qui permet de caractériser des sous-espaces fermés et convexes dans les espaces produits E2E_2, en montrant par exemple que les ensembles convexes fermés de type HΛH_{\Lambda} dans E2E_2 peuvent être décrits par des projections sur M1(S)M_1(S).

Il est aussi important de comprendre que cette théorie a des implications profondes pour la géométrie des espaces de mesures. Par exemple, dans des contextes plus complexes comme les mesures sur Rd\mathbb{R}^d, la dominance stochastique dans l'ordre concave croissant icv\succ_{icv} peut être caractérisée de manière similaire à travers des intégrales et des projections, avec des applications à l'ordre stochastique de deuxième type. Les résultats s'étendent aux espaces multidimensionnels, où des fonctions concaves croissantes peuvent servir à exprimer des relations entre les mesures.

Un point essentiel à retenir est que ces constructions ne se limitent pas à des dimensions spécifiques ou à des espaces de probabilité simples. Les outils comme les topologies ψ-faibles et les projections jouent un rôle crucial dans l’analyse de la convergence de suites de mesures et dans la construction de modèles probabilistes en dimension quelconque. Ces théories sont à la base de nombreuses applications en économie, statistique, et théorie des probabilités, où la stabilité des distributions marginales et les relations entre elles sont essentielles pour les modèles de décisions et d'incertitude.

Comment optimiser l'utilité espérée dans des modèles financiers sous contraintes de dominance stochastique

L'optimisation de l'utilité espérée est un concept fondamental dans la théorie financière moderne, particulièrement dans les modèles où l'incertitude joue un rôle majeur. Dans le cadre d'un portefeuille d'actifs, on cherche à déterminer un profil d'investissement qui maximise l'utilité espérée d'un investisseur. Le modèle de base repose sur une fonction d'utilité, souvent choisie pour refléter les préférences de l'investisseur face au risque. L'idée est d'optimiser cette fonction sous diverses contraintes et formes de dominance stochastique, en tenant compte des caractéristiques spécifiques des actifs.

Prenons une fonction d'utilité u(X)u(X) qui représente la satisfaction d'un investisseur en fonction de son portefeuille XX. Si XX^* est une solution optimale, cela signifie que la fonction d'utilité est maximisée pour ce portefeuille parmi tous les portefeuilles XX appartenant à un certain ensemble BB, c'est-à-dire E[u(X)]E[u(X)]E[u(X^*)] \geq E[u(X)] pour tout XBX \in B. Un tel portefeuille est optimal en termes d'utilité espérée, sous l'hypothèse que les préférences de l'investisseur sont décrites par une fonction d'utilité bien définie. L'optimisation de l'utilité implique aussi souvent une maximisation sous des contraintes supplémentaires, telles que celles relatives à la dominance stochastique.

Lorsqu'un portefeuille XX est soumis à une mesure de probabilité PP, il est nécessaire d'analyser l'espérance de l'utilité par rapport à des mesures de risque neutres ou minimisant l'entropie, comme dans le cas de PP^*. Pour une fonction d'utilité exponentielle u(x)=1eαxu(x) = 1 - e^{ -\alpha x}, le problème peut se modéliser avec une fonction I+(y)I^+(y), qui décrit l'investissement optimal en fonction de certains paramètres, comme α\alpha, et dont les propriétés sont étudiées à l'aide de la convergence dominée.

Ce même cadre théorique s'étend aux fonctions d'utilité HARA (Hyperbolic Absolute Risk Aversion), qui sont couramment utilisées dans les applications pratiques. Si u(x)=xγ1u(x) = x^{\gamma - 1}, alors on observe que le profil optimal XX^* peut être obtenu de manière similaire en prenant en compte la distribution des actifs sous la mesure PP^*. L'utilité maximale dépendra alors de l'espérance de la fonction d'utilité et du comportement de la fonction dans des contextes spécifiques.

Un cas particulier se présente lorsque l'on intègre des préférences aléatoires ou dépendantes de l'état dans le modèle. Dans ce cadre, les préférences de l'investisseur ne sont plus fixes mais varient selon l'état de la nature ω\omega, ce qui introduit une incertitude supplémentaire dans l'optimisation. Par exemple, si la fonction d'utilité u(,ω)u(\cdot, \omega) dépend de l'état, il faut adapter le modèle pour prendre en compte cette variabilité, ce qui peut entraîner des profils d'investissement optimaux différents en fonction de chaque scénario possible.

L'extension de ce modèle vers la dominance stochastique implique de considérer des positions financières sous des contraintes supplémentaires, comme la dominance stochastique de second ordre (≽icv). Ce type de dominance impose qu'un actif XX soit au moins aussi attractif qu'un autre X0X_0 en termes d'utilité, c'est-à-dire que pour tout uu, E[u(X)]E[u(X0)]E[u(X)] \geq E[u(X_0)]. Cette relation, qui est une forme d'ordre partiel, peut être utilisée pour établir des stratégies d'investissement plus robustes, notamment dans les modèles de portefeuille où le but est de minimiser les coûts tout en respectant ces contraintes de dominance.

Dans un tel cadre, l'optimisation sous contrainte de dominance stochastique revient à chercher un portefeuille XX^* qui minimise son coût tout en satisfaisant les conditions d'attractivité par rapport à un portefeuille de référence X0X_0. Un des résultats importants de ce type de modélisation est que la minimisation du coût dans le cadre de la dominance stochastique peut être réalisée en cherchant des quantiles qui respectent les propriétés de la fonction de distribution cumulée de XX et de X0X_0. Cette approche permet de caractériser le portefeuille optimal et d'explorer de nouvelles stratégies d'investissement basées sur la notion de risque et de rentabilité relative.

Les travaux sur ce sujet montrent aussi que l'optimisation de l'utilité espérée peut, dans certains cas, conduire à une demande pour des produits dérivés complexes, tels que des options sur paniers d'actifs, ce qui permet de mieux gérer les risques associés à l'incertitude des marchés financiers. Ainsi, la recherche sur les profils optimaux sous contraintes de dominance stochastique ouvre la voie à des stratégies plus fines et adaptées à des préférences d'investisseurs divers, tout en mettant en lumière l'importance de la gestion des risques dans la construction de portefeuilles.

En conclusion, l'optimisation de l'utilité dans un environnement incertain, avec des préférences stochastiques et sous des contraintes de dominance, nécessite une approche approfondie et souvent théorique pour modéliser et résoudre les problèmes financiers. Cela implique non seulement de comprendre les fonctions d'utilité et les distributions des actifs, mais aussi de savoir comment gérer les risques de manière optimale pour atteindre l'objectif d'utilité maximale.