Le Jainisme, une tradition spirituelle profondément enracinée dans l'Inde ancienne, repose sur un ensemble de principes philosophiques et éthiques visant à atteindre la libération (moksha) par la connaissance, la conduite correcte et la foi juste. Ces principes, tout en affirmant la liberté et la vérité, mettent en avant une vision spécifique du monde, où la vérité n’est pas simplement un idéal abstrait, mais une expérience vécue, façonnée par la purification intérieure. Le concept de vérité dans le Jainisme s’inscrit dans une tolérance envers d’autres perspectives religieuses, mais cette tolérance ne signifie pas que toutes les visions sont considérées comme égales. Selon John Cort (2000), bien que les textes jains reconnaissent que d’autres voies vers le moksha sont partiellement correctes, elles sont essentiellement vues comme erronées. Seule la doctrine jaina, fondée sur la connaissance omnisciente des jinas, est perçue comme étant celle qui permet d’atteindre une perception et une compréhension véritables du monde.

La réalité, telle qu’elle est comprise dans le Jainisme, se divise en trois catégories fondamentales : le sentiment (le jiva, ou âme), la matière (pudgala) et ce qui n’est ni matériel ni sentient (arupi-ajiva). Le jiva, l’essence sentiente, est vu comme étant sans forme propre et prenant la forme et la taille du corps dans lequel il réside, tout comme la lumière d’une lampe qui se répand dans une pièce. La notion de jiva va au-delà de l’âme individuelle pour inclure une conscience, une énergie et une béatitude qui lui sont inhérentes. Ce sont ces qualités qui permettent au jiva de se libérer du cycle de la transmigration (samsara) et d'atteindre la moksha.

Le karma dans le Jainisme est perçu comme une matière matérielle flottant dans l’espace, affectant directement le jiva. Les particules karmiques se fixent sur l’âme en raison de ses désirs, passions et attachements. Cette interaction entre l’âme et le karma aboutit à la formation d’un enchaînement où l’âme, ou jiva, se trouve emprisonnée dans le cycle sans fin de naissance, mort et réincarnation. Cependant, le Jainisme propose une voie claire de purification et de libération par la réduction et l’épuisement du karma (nirjara). Le processus commence par l’arrêt de l’afflux de nouveaux karmas (samvara) et se poursuit par leur élimination progressive jusqu’à ce que le dernier grain de karma soit dissous, permettant à l’âme de retrouver son état originel de connaissance et de béatitude infinie.

Le chemin vers la liberté se divise en quatorze étapes ou « gunasthanas », dont la plus haute est atteinte lorsqu’un individu atteint l’état de kevalajnana (connaissance parfaite), moment où il devient un arhat, capable d’enseigner la doctrine. Le dernier pas avant la libération complète est l’état de siddha-loka, un royaume de perfection où résident les âmes libérées. Ce processus de purification de l'âme est au cœur de la discipline jaina, incarnée par les trois joyaux du Jainisme : la foi juste (samyag-darshana), la connaissance juste (samyag-jnana) et la conduite juste (samyag-charitra).

La discipline morale, et en particulier la non-violence (ahimsa), joue un rôle central dans le Jainisme. Cette valeur primordiale ne se limite pas aux actions externes, mais touche aussi les pensées, les émotions et les intentions de l’individu. La non-violence envers toutes les formes de vie est perçue comme une condition essentielle à la purification de l’âme. Ainsi, les Jains s’efforcent d'éviter de nuire, même aux plus petites formes de vie, comme les nigodas, des organismes microscopiques qui ne possèdent qu'un seul sens. Les Jains observent des règles strictes concernant leur alimentation, privilégiant un végétarisme absolu pour éviter de causer des souffrances aux êtres vivants, en particulier les nigodas. Cette approche s’étend même à l’idée que certains aliments, comme le miel ou les fruits sucrés, peuvent contenir des nigodas et, par conséquent, sont évités.

Les moines et les nonnes, qui suivent un chemin de renoncement, appliquent ces principes à un degré encore plus élevé, cherchant à éviter toute forme de violence, même envers les êtres à un seul sens. Ils doivent se conformer à des règles strictes : ne pas creuser la terre, ne pas allumer de flammes, ne pas se baigner ou marcher sous la pluie, pour éviter de nuire aux éléments ou aux formes de vie invisibles dans ces processus. Leur mode de vie, dépouillé de tout désir matériel, reflète leur quête de purification et d’ascension spirituelle vers la libération.

Un aspect essentiel du Jainisme est sa conception du libre arbitre et de la responsabilité personnelle dans le processus de libération. Le Jainisme soutient que l’individu a le pouvoir de se libérer de la souffrance et de la transmigration en cultivant la connaissance juste, la foi juste et en observant une conduite morale irréprochable. Cette capacité de transformation intérieure repose sur la compréhension de la misère du monde, la renonciation au monde matériel et l’aspiration à une vie de pureté.

Le Jainisme offre ainsi une perspective unique sur la vérité, la liberté et la nature de l’âme. Il enseigne que la véritable connaissance est celle qui permet à l’individu de transcender le monde matériel et de se réconcilier avec la pure conscience. La véritable liberté ne réside pas dans l’acquisition de biens matériels, mais dans la maîtrise des passions, des désirs et des émotions négatives, et dans l’adhésion aux principes de non-violence, de vérité et de pureté. Cette quête spirituelle se révèle comme un chemin vers la libération non seulement de l’âme, mais aussi de l’emprisonnement dans le cycle sans fin de la souffrance et de la transmigration.

Comment les guildes et les dynasties ont façonné l’histoire de l'Inde antique, entre le IIIe et le VIIe siècle ?

Au cours du IIIe au VIIe siècle de notre ère, l’Inde a connu une période de transition importante, marquée par des évolutions politiques, sociales et économiques majeures. Ce sont notamment les guildes, comme celle des tisserands de soie de Lata, qui ont joué un rôle de catalyseur dans cette dynamique. Ce groupe, originaire de Gujarat, entreprit un long voyage vers le centre de l’Inde, où il s’installa à Dashapura, à l’époque gouvernée par Bandhuvarman sous le règne de l’empereur Kumaragupta I. Ce déplacement n’était probablement pas anodin, mais il est difficile de déterminer la cause exacte de leur migration. Ce qui est certain, cependant, est qu’au fil du temps, la guilde de tisserands contribua à la construction d’un temple somptueux dédié à Surya, le dieu solaire, entre 437 et 438 de notre ère. Ce temple, avec ses flèches imposantes et ses spires élancées, fut par la suite partiellement endommagé, peut-être par la foudre. La guilde intervint alors pour financer les réparations nécessaires, qui commencèrent au printemps de l’année 473–74 de notre ère, comme en témoigne une inscription retrouvée à Mandasor, qui était autrefois Dashapura.

Ce phénomène des guildes, dont l’influence s’étendait bien au-delà de la simple sphère économique, reflète les structures complexes de l’époque Gupta. Les inscriptions de cette période, notamment celles retrouvées dans diverses régions de l'Inde, montrent que les guildes jouaient un rôle essentiel non seulement dans l'économie, mais aussi dans la structuration du pouvoir politique. Ces guildes, souvent organisées autour de métiers spécialisés, avaient des relations étroites avec les royaumes locaux et étaient parfois responsables de la construction de temples et d’autres monuments religieux.

Le contexte politique de cette période, bien qu’encadré par les dynasties Gupta et Vakataka, n’est cependant pas unidimensionnel. Si l’historiographie nationaliste a longtemps vu l’Empire Gupta comme un âge d’or, un réexamen critique des archives de l’époque a permis de remettre en question cette vision. La conception traditionnelle d’un âge d'or Gupta a été révisée dans les années 1960 et 1970 par des historiens marxistes, qui ont mis en lumière les structures économiques et politiques plus complexes de l’époque. L’idée de féodalisme, avancée par des historiens comme R. S. Sharma, repose sur l’existence d’un système administratif fondé sur la terre et sur des rapports de dépendance de type servile entre seigneurs et paysans. Ce modèle, bien qu’utile, a néanmoins été contesté par d’autres chercheurs qui soulignent l’émergence, durant cette même période, d’un processus de formation étatique intensif, souvent à l’échelle régionale ou sous-régionale.

Les inscriptions de la période Gupta, comme les prashastis (panégyriques royaux), étaient des supports médiatiques importants, transmettant des messages politiques tout en glorifiant les succès des souverains. Ces inscriptions sont souvent pleines de détails concernant la généalogie royale, les événements politiques majeurs, ainsi que des déclarations sur la prospérité et l’organisation des royaumes. Les rois Gupta, comme Chandragupta II et Kumaragupta I, ont largement utilisé ces inscriptions pour légitimer leur pouvoir et maintenir une image de grandeur impériale. Les monnaies émises durant cette époque, principalement en or sous la forme de dinaras, portaient les noms et épithètes des rois, tandis que l’avers représentait souvent leur portrait, accompagné d’un motif religieux ou d’un animal symbolique sur le revers.

Cependant, les critiques du modèle féodal se sont intensifiées avec le temps, notamment dans les années 1970 et 1980, lorsque des historiens comme B. D. Chattopadhyaya et Hermann Kulke ont proposé une révision du paradigme traditionnel. Pour ces chercheurs, loin de marquer un déclin politique, la période du début du Moyen Âge aurait plutôt été celle d’un processus de formation d’états régionaux. Les dons de terres, loin d’être une simple répartition féodale, auraient eu un rôle intégrateur, consolidant l’autorité des rois et facilitant l’intégration sociale et politique des différentes régions.

Il est important de comprendre que cette période, tout en étant marquée par des transformations profondes, n’a pas été une époque de chaos, comme certains historiens l’ont suggéré. Au contraire, elle a été celle de l’élargissement des structures étatiques et de l’intensification des liens économiques et sociaux à travers les guildes, le commerce et la construction religieuse. Le rôle de ces guildes, loin de se limiter à des préoccupations économiques, a été aussi un élément crucial dans la stabilisation des dynamiques sociales et culturelles à travers la construction de temples et la production artistique.

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La grandeur des Gupta et l'héritage des rois indiens

Les Vahlikas, qui occupaient les bouches du Sindhu, furent conquis lors d'une bataille où leur vaillance fut telle que l'air du sud en demeure parfumé jusqu'à nos jours. Ce fut un roi, souverain des hommes, dont le corps, tel un être fatigué, s'éteignit pour s'élever vers un autre monde, mais dont la renommée subsiste sur cette terre. Sa gloire, née de la destruction de ses ennemis, perdure comme la chaleur d'un feu qui s'éteint lentement au cœur d'une grande forêt. Le roi qui régna, acquérant une souveraineté suprême sur Terre pendant un temps prodigieux par ses propres exploits, était celui qu'on appelait Chandra, dont le visage brillait de la beauté de la pleine lune. D'un esprit dévoué à Vishnu, ce même Chandra érigea un emblème de Vishnu sur la colline de Vishnupada.

Cet emblème, un pilier de fer, se trouve dans le complexe de Qutb à Delhi. Ce pilier, d'une hauteur de 7,16 mètres, possède un fût solide et légèrement conique surmonté par un emblème de lotus inversé, avec trois disques flûtés qui soutiennent une plateforme carrée. Il est supposé avoir été couronné d'un symbole Vaishnava, sans doute un Garuda. Ce pilier est remarquable, non seulement pour l'habileté métallurgique qu'il a nécessité, mais aussi pour la clarté des inscriptions qu'il porte, restées intactes malgré les siècles, et pour sa capacité à rester étonnamment exempt de rouille, même après tout ce temps.

Une analyse chimique a révélé que ce pilier est composé de fer forgé pur, contenant 99,7 % de fer, avec une très faible teneur en soufre et une teneur élevée en phosphore. Cependant, des signes de rouille apparaissent aux endroits où le pilier est en contact prolongé avec l'eau, principalement les portions enterrées et la partie supérieure, où l'eau pouvait s'accumuler. L'origine exacte de l'emplacement du pilier reste incertaine. Beaucoup d'historiens pensent qu'il n'est pas dans son emplacement d'origine. L'inscription mentionne une colline appelée Vishnupada, mais aujourd'hui, il n'y a aucune colline à proximité, ce qui pourrait indiquer que la région était autrefois montagneuse. D. R. Bhandarkar a situé Vishnupada dans l'Himalaya, près de la source de la rivière Beas. Toutefois, Fleet a observé que les supports souterrains du pilier incluaient plusieurs petites pièces de métal, qui semblaient faire partie de ses fondations d'origine, ce qui suggère que le pilier pourrait être toujours resté à cet endroit.

L'inscription du pilier de fer a été liée à plusieurs légendes, notamment celle racontée dans le Prithviraja Raso. Selon cette histoire, un brahmane savant aurait dit au roi Rajput Bilan Deo (ou Anangapala Tomara) que le pilier était immobile, son socle reposant sur le serpent Vasuki, et que le règne du roi durerait aussi longtemps que le pilier tiendrait. Intrigué, Anangapala fit creuser le pilier, mais on découvrit que sa base était maculée du sang du serpent. Réalisant son erreur, le roi ordonna que le pilier soit réinstallé, mais malgré toutes les tentatives, il demeura "dhili", ou "délâché". Cette particularité aurait donné son nom à la ville de Delhi.

Le pilier de fer porte également d'autres inscriptions, dont une du XIe siècle, qui semble mentionner Anangapala en rapport avec l'établissement de Delhi. Ces inscriptions témoignent de la continuité de la puissance Gupta, bien après la chute de l'empire.

Les Gupta, et plus spécifiquement le roi Chandragupta II, dont les campagnes militaires ont marqué le nord de l'Inde, laissent un héritage d'une grande importance. Les inscriptions découvertes dans les montagnes de Gilgit, notamment à Hunza, mentionnent un certain Chandra, souvent assimilé à Chandragupta II. Cependant, ces inscriptions pourraient aussi faire référence à un autre souverain local nommé Chandra. La période de Chandragupta II marque l'apogée de l'empire Gupta, mais celle-ci sera suivie de luttes internes, notamment la montée en puissance des Huns blancs, ou Hepthalites. Ces invasions, bien que repoussées par Skandagupta, marqueront le début du déclin de l'empire.

Vers la fin du Ve siècle, les invasions des Huns, menées par le roi Toramana, apportèrent un bouleversement majeur dans la politique indienne. Ces incursions ne seront que partiellement stoppées par la résistance des Gupta, mais la fin de l'empire Gupta semble inévitable avec la montée de nouvelles dynasties et la disparition progressive de la cohésion impériale. Dans ce contexte, les Vakatakas, un autre groupe royal du Deccan, émergent. Leur origine géographique est débattue, mais plusieurs inscriptions anciennes permettent de suggérer une connexion avec le Sud de l'Inde, notamment dans la région d'Andhra Pradesh. Ces royaumes du Deccan, bien que moins connus que les Gupta, ont joué un rôle clé dans la continuation de la civilisation indienne.

À mesure que l'empire Gupta se fragmente, l'Inde voit une multitude de royaumes émerger, dont les Maukharis, les Pushyabhutis et les Maitrakas. Ces derniers siècles marquent une transition vers de nouvelles dynasties et la fin de l'unité impériale que les Gupta avaient autrefois consolidée. Toutefois, même après leur chute, l'influence des Gupta reste manifeste dans de nombreuses pratiques culturelles, religieuses et politiques de l'Inde médiévale.

Comment les dons fonciers ont façonné les relations agraires et les hiérarchies sociales au Moyen Âge en Inde du Sud ?

Au cours de la période médiévale précoce, les dons fonciers, connus sous le nom de brahmadeyas, ont joué un rôle central dans la structuration des relations agraires et sociales. Bien que certains historiens aient considéré cette période comme une ère d'expansion agraire, la nature de ces relations a fait l'objet de nombreux débats. Les terres attribuées aux brahmanes, souvent exemptées de taxes, ont introduit de nouvelles dynamiques sociales et économiques qui affectaient profondément les communautés rurales.

Les brahmadeyas étaient généralement des terres accordées à des brahmanes, souvent en tant que bénéficiaires de subventions royales. Ces terres étaient exemptées de taxes et, en tant que telles, les paysans devaient verser des impôts non plus au roi, mais directement aux donateurs brahmanes. De plus, ces dons incluaient fréquemment des droits sur les ressources en eau, les forêts et parfois même sur l'habitation, ce qui modifiait l'accès aux biens communs au sein des villages. Bien que les relations entre les brahmanes et les paysans ne puissent être assimilées à un système de servage comme en Europe médiévale, elles étaient néanmoins marquées par un contrôle renforcé et une exploitation accrue des groupes ruraux.

Le modèle féodal, qui voit ces dons comme une forme de subordination des paysans, a été largement soutenu par des historiens comme Burton Stein, qui a suggéré qu’une alliance entre les brahmanes et les paysans se développait dans l'Inde du Sud. Toutefois, cette alliance n'était pas égalitaire. Les brahmanes, en tant que bénéficiaires des brahmadeyas, jouissaient de privilèges supérieurs, notamment le droit d'instaurer une forme de domination sur les autres groupes ruraux. Les relations de production étaient de plus en plus hiérarchisées, créant ainsi une stratification sociale croissante dans les communautés rurales. L'introduction de l'exploitation des terres par des donateurs brahmanes a souvent mené à une oppression accrue des paysans, qui ont dû faire face à de nouvelles formes de prélèvements et d'exploitations.

La transformation des relations agraires était également liée à un changement dans les structures de propriété. En particulier, l'emploi de travail non familial dans les établissements brahmanes, comme l'ont suggéré des chercheurs comme Rajan Gurukkal, a affaibli les anciennes bases kinship des relations de production. Cette évolution a conduit à l'émergence de nouveaux types de producteurs agricoles, parfois éloignés des structures communautaires traditionnelles, et à la consolidation de certaines pratiques agricoles plus intensives. En même temps, les brahmanes ont facilité l'intégration des groupes tribaux dans le système agraire, en leur enseignant l'agriculture sur charrue, ce qui a eu pour effet d'étendre les pratiques agricoles tout en reconfigurant les relations sociales et économiques.

La mise en place de sabhas, des organisations corporatives de brahmanes, a renforcé cette dynamique, notamment en permettant aux donateurs brahmanes de consolider leur pouvoir local. En revanche, la situation en Assam, où la terre cultivable n'était pas en pénurie et où les non-Brahmanas détenaient également des terres, montre que la stratification sociale n'a pas pris la même ampleur. Les relations sociales entre les groupes étaient plus flexibles, et les conflits agraires y étaient moins accentués.

L'impact des dons fonciers va au-delà des questions économiques. Le processus de constitution des castes est intimement lié aux dons, en particulier avec la création de nouvelles sous-castes parmi les brahmanes. Par exemple, l'engagement des brahmanes dans les temples a conduit à la naissance des Brahmanes de Shiva, une sous-caste associée aux temples dédiés à Shiva. Cela marque aussi le début d'une transformation dans les pratiques matrimoniales, comme le montre l'exemple des Brahmanes de Payyanur, en Kerala, qui ont adopté la matrilinéarité, une pratique liée à la société matrilinéaire des Nair.

Par ailleurs, l'essor du culte basé sur les temples à partir du 10e siècle, soutenu par un patronage royal accru, a renforcé le rôle des brahmanes dans la gestion des temples. Ces brahmanes étaient en grande partie responsables de la diffusion des religions sectaires, bien que leurs affiliations religieuses fussent souvent liées aux traditions védiques. Ce phénomène a créé des interactions complexes entre Brahmanisme et religions tribales locales, entraînant des synthèses religieuses qui se sont traduites par des formes nouvelles et hybrides de pratiques religieuses.

Au final, la période médiévale précoce a vu l'émergence d'une société rurale plus stratifiée, où les rapports de domination entre les donateurs brahmanes et les autres groupes agraires se sont consolidés. Bien que la forme d'exploitation n'ait pas pris les contours d’un système de servage, l'augmentation des privilèges des brahmanes, de même que la concentration de terres entre leurs mains, a constitué un tournant majeur dans l'histoire sociale et économique de l'Inde du Sud. Dans ce contexte, la religion, la politique et l'agriculture ont interagi de manière à remodeler non seulement les structures économiques mais aussi les relations sociales et religieuses.