Le Costa Rica, bien qu'il ait suscité une attention internationale croissante ces dernières années pour sa dépendance quasi-exclusive aux sources d'énergie renouvelable pour la production d’électricité (Zúñiga 2020), reste cependant un pays profondément tributaire des importations de pétrole, notamment pour le secteur des transports. Cette situation met en lumière une contradiction frappante dans la stratégie énergétique du pays : alors que la production d’électricité s’appuie largement sur des énergies renouvelables, le transport continue de dépendre de combustibles fossiles. Pablo, un des acteurs clés dans cette dynamique, a vu dans le passage aux énergies propres une opportunité de réduction des coûts et de diminution de la dépendance vis-à-vis du pétrole étranger, particulièrement pour les véhicules à essence.
Les voitures, en tant que marqueurs de statut social, occupent une place importante dans la société costaricaine, notamment dans la Grande Région Métropolitaine (GRM). Selon des statistiques de 2021, le Costa Rica détient le troisième taux de possession de voitures le plus élevé d'Amérique Latine, juste derrière l'Argentine et le Mexique (Lacqua 2021; Schmidt 2021), faisant des combustibles fossiles une nécessité quotidienne pour une large part de la population. Cette situation a poussé le gouvernement à réfléchir à des solutions pour réduire l'empreinte carbone du pays.
L'engagement du Costa Rica envers la neutralité carbone, annoncé lors de la réunion mondiale de l'ONU pour l'environnement (UNEP), a constitué un tournant. Cette promesse a d’abord servi de moteur à une mobilisation politique et à la mise en place de stratégies pour la réduction des émissions. En 2009, le pays a mis en place la Stratégie Nationale sur le Changement Climatique (ENCC), un document qui définissait les grandes lignes des politiques climatiques du pays tant au niveau national qu’international. Bien que cette stratégie soit restée assez vague sur les objectifs précis, elle a néanmoins montré une volonté de passer d’une politique symbolique à une politique avec des objectifs concrets, même si elle n’avait pas encore les moyens nécessaires pour sa mise en œuvre.
Dans les années qui ont suivi, les actions à l’échelle subnationale ont été menées par diverses institutions cherchant à réduire leurs émissions et à obtenir la certification « carbone neutre ». Des entreprises comme des hôtels, des banques, des compagnies aériennes et même des producteurs de bananes se sont impliquées dans cette démarche, parfois avec l’aide de l’Institut Costaricien des Normes Techniques (INTECO) pour valider et vérifier leurs efforts en matière de réduction et de compensation des émissions.
Cependant, la mise en œuvre de cette politique de neutralité carbone a été sérieusement perturbée par un événement majeur : le scandale lié à l’exploitation minière à Las Crucitas. Alors même que le Costa Rica était en train de construire sa réputation en tant que leader de la protection environnementale, l’annonce du gouvernement d’autoriser l’exploitation d’une mine d’or à ciel ouvert dans cette région sensible a suscité des tensions au sein même du gouvernement et de la société civile. Le projet minier à Las Crucitas, situé près de la frontière avec le Nicaragua, représentait une menace directe pour la biodiversité du pays, notamment dans des régions protégées telles que le parc national de Corcovado, considéré comme l’un des derniers grands écosystèmes de forêts tropicales humides d’Amérique Latine.
La contradiction entre les engagements en matière de neutralité carbone et l’exploitation des ressources naturelles a conduit à la désintégration du comité de l'initiative "Paix avec la Nature". Ce projet, qui avait pourtant trouvé un large soutien au début, a rapidement perdu son élan. En 2008, l’inversion de l’interdiction du président Pacheco concernant l’exploitation minière à Las Crucitas par son successeur, Arias, a marqué un tournant dans les politiques environnementales du pays. Ce revirement a plongé le Costa Rica dans un dilemme moral et politique majeur, affaiblissant les efforts de conservation tout en compromettant la crédibilité du pays sur la scène internationale en matière de lutte contre le changement climatique.
Le scandale de Las Crucitas illustre bien les défis auxquels le Costa Rica fait face dans sa quête de souveraineté énergétique et de durabilité environnementale. Le pays doit désormais jongler entre ses ambitions de devenir un modèle mondial de durabilité et les pressions internes et économiques qui poussent à exploiter des ressources naturelles telles que l’or. L’exploitation minière, bien que potentiellement lucrative, entre en conflit direct avec l'objectif de préserver les écosystèmes uniques du Costa Rica, un problème récurrent dans de nombreuses régions d’Amérique Latine où les conflits entre extraction de ressources et protection de l'environnement sont de plus en plus fréquents.
Une des principales leçons à tirer de l’histoire de Costa Rica est que la transition énergétique et la neutralité carbone ne se limitent pas à la production d’énergie renouvelable. La réussite de cette transition dépend également de la gestion des autres secteurs économiques, notamment le transport et l’exploitation des ressources naturelles. En ce sens, le Costa Rica, bien qu’il soit un modèle dans la production d’énergie verte, reste vulnérable à la pression de ses secteurs économiques traditionnels. Le cas de Las Crucitas démontre que la politique environnementale ne peut pas être isolée de l’économie nationale, et que chaque avancée dans le domaine de la durabilité doit être accompagnée d’un effort de transformation structurelle plus large pour éviter les contradictions internes.
Comment le leadership de Christiana Figueres a façonné l'Accord de Paris et le rôle de Costa Rica dans la lutte contre le changement climatique
L'Accord de Paris, adopté en 2015, a marqué un tournant majeur dans la gouvernance mondiale du climat. À l'origine, chaque pays devait soumettre ses contributions nationales déterminées (INDC), qui, une fois l'Accord entré en vigueur en novembre 2016, ont été transformées en Contributions Nationales Déterminées (NDC). Bien que cet accord ait été salué comme une étape cruciale pour limiter le réchauffement climatique, il n’a pas manqué de critiques. Certains pays, en particulier ceux les plus vulnérables, ont regretté que l'Accord n'alloue pas suffisamment de fonds pour l'adaptation au changement climatique, tandis que d'autres ont fait remarquer que l’objectif de limiter le réchauffement à 2°C n’était pas garanti. Cependant, l'Accord est largement considéré comme un pas nécessaire pour éviter un réchauffement encore plus important.
Les plans soumis par les nations lors de la COP de Paris nécessitent une révision ambitieuse afin de tenir cet objectif de 2°C, un défi que de nombreux experts considèrent comme crucial pour l’avenir de la planète. Cette dynamique a été portée par des personnalités influentes, et l’une des plus marquantes fut Christiana Figueres, ancienne secrétaire exécutive de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Son rôle à la COP21, à Paris, a été déterminant, et son leadership a été perçu comme un facteur clé de succès de l’Accord.
Les entretiens réalisés avec divers acteurs du processus de négociation climatique montrent que l'impact de Figueres était largement reconnu. Pour beaucoup, sa nomination à ce poste symbolisait l'engagement de Costa Rica dans la lutte contre le changement climatique, renforçant ainsi l'idée que ce pays représentait un pont naturel entre les nations industrialisées et celles en développement. Cette position géopolitique a permis à Figueres de jouer un rôle de médiatrice efficace lors des négociations, aidant à construire des compromis essentiels pour aboutir à l'Accord de Paris.
Son parcours et son engagement avant sa nomination, notamment à travers le Centre pour le Développement Durable des Amériques, ainsi que ses années d’expérience au sein de l’ONU sur les questions climatiques, ont fait d’elle une figure reconnue sur la scène internationale. Sa maîtrise de plusieurs langues et son réseau mondial ont facilité sa capacité à naviguer entre différentes cultures et intérêts nationaux. Mais c'est surtout sa personnalité – une combinaison rare de fermeté et de diplomatie – qui lui a permis de jouer un rôle central dans l'élaboration de l'Accord. Comme l’a décrit un ancien collègue, elle « sait s'imposer » tout en « écoutant et collaborant », des qualités qui ont largement contribué à sa réussite.
Christiana Figueres a, par ailleurs, été une figure clé après la COP21, recevant de nombreux prix et distinctions qui témoignent de l'influence qu’elle a exercée à l’échelle mondiale. En 2017, elle fut reconnue comme l'une des cinq femmes les plus influentes dans le domaine de la science par BBC Mundo, et elle a été incluse dans le prestigieux classement des 100 personnes les plus influentes de Time Magazine. En plus de son travail de terrain, elle est devenue une figure médiatique, animant des podcasts et écrivant des livres sur le climat, ce qui a encore renforcé son influence mondiale.
Le leadership de Figueres est également un modèle pour le Costa Rica, un petit pays qui a réussi à se positionner comme un acteur majeur sur la scène climatique internationale. Son ascension à la tête de la CCNUCC a mis en lumière la capacité du Costa Rica à concilier développement durable et diplomatie mondiale, un rôle qu’il continue de jouer dans la promotion des NDC à travers le monde. Ce pays, qui s’est engagé à devenir neutre en carbone d’ici 2050, incarne l’espoir qu'un modèle de croissance durable puisse être non seulement viable, mais également inspirant pour d’autres nations.
Parallèlement, dans le contexte politique costaricain, la montée en puissance de Carlos Alvarado, élu président en 2018, a également fait écho à cette dynamique de leadership vert. Bien que relativement jeune, Alvarado a rapidement adopté des politiques ambitieuses en matière de changement climatique, continuant ainsi l’héritage de Costa Rica en tant que pionnier dans ce domaine. Son élection est significative, car elle a montré que même face à des oppositions politiques internes, comme l'ascension de Fabricio Alvarado, un pasteur évangélique aux opinions conservatrices, le pays restait attaché à des principes progressistes, notamment sur les questions environnementales.
Dans ce contexte, l’influence de leaders comme Christiana Figueres et les évolutions politiques internes du Costa Rica illustrent que, même dans un monde globalisé et souvent fragmenté, des actions déterminées au niveau national peuvent avoir des répercussions profondes sur les politiques mondiales. Si l'Accord de Paris a permis un rapprochement entre pays aux intérêts souvent divergents, il reste clair que l’ambition collective pour le climat devra être constamment renforcée et ajustée pour rester à la hauteur des défis actuels.

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