Comment éviter les paradoxes en théorie des ensembles et construire rigoureusement les nombres naturels
L'axiome de compréhension, qui assure l'existence de l'ensemble M:={x∣x est un ensemble∧x∈/x}, conduit directement à une contradiction manifeste : M∈M⟺M∈/M. Ce paradoxe, dit de Russell, a profondément ébranlé les fondements de la théorie des ensembles. Une analyse plus approfondie a révélé que ces contradictions ne surviennent que lorsqu'on manipule des collections « trop grandes ». Pour éviter ce type d’antinomie, il convient de distinguer deux types d’ensembles : les classes et les ensembles propres. Les ensembles sont des classes « petites » qui peuvent être décrites par un système d’axiomes. Ainsi, l’axiome de compréhension s’exprime dorénavant : pour chaque propriété E définie sur des ensembles, la classe ME:={x∣x est un ensemble∧E(x)} existe. En particulier, M={x∣x est un ensemble∧x∈/x} est une classe, mais non un ensemble, ce qui évite la contradiction. Pour que cela fonctionne, un axiome supplémentaire garantit que pour tout ensemble X et propriété E, l’ensemble {x∈X∣E(x)} est bien un ensemble. Cette distinction s’incarne notamment dans le système d’axiomes von Neumann-Bernays-Gödel (NBG), où le concept de classe est central, mais elle peut aussi être contournée dans d’autres systèmes, comme la théorie de Zermelo-Fraenkel avec l’axiome du choix (ZFC), équivalents en puissance démonstrative.
La construction des nombres naturels dans ce cadre axiomatique repose sur l’axiome d’infinité, qui garantit l’existence d’un ensemble inductif : un ensemble N contenant le vide ∅ et stable par l’application ν(z):=z∪{z}. L’ensemble N:={m∣m est inductif} lui-même est inductif et muni de 0:=∅ et de la fonction ν, satisfait les axiomes de Peano. Cela confère aux nombres naturels une structure unique à isomorphisme près, c’est-à-dire qu’il existe un unique modèle fondé sur ces axiomes, ce qui légitime pleinement l’usage des nombres naturels comme objets mathématiques fondamentaux.
À partir de ces axiomes, on peut définir rigoureusement les opérations arithmétiques usuelles sur N : addition, multiplication, ainsi qu’un ordre total partiel. L’addition est définie par récurrence en posant n+0=n et n+ν(m)=ν(n+m), et satisfait naturellement les propriétés d’associativité, de commutativité et d’existence d’un élément neutre 0. De même, la multiplication est associative, commutative, possède un élément neutre 1:=ν(0), et vérifie la distributivité par rapport à l’addition. L’ordre total ≤ sur N est compatible avec ces opérations et permet de définir rigoureusement les notions d’inégalité et de différence. La preuve de ces propriétés repose sur l’application systématique de l’axiome de récurrence, tout en évitant d’utiliser a priori les résultats arithmétiques familiers, assurant ainsi une fondation rigoureuse et autonome.
Cette construction explicite des opérations arithmétiques dans N est essentielle non seulement pour la cohérence interne de la théorie des ensembles mais aussi pour fonder toute la mathématique sur une base solide, débarrassée de paradoxes. Elle illustre la nécessité de définir les concepts à partir d’axiomes simples et précis, permettant d’éviter les contradictions.
Au-delà de ces constructions, il est important de saisir que l’apparente évidence des nombres naturels et de leurs propriétés masque une profondeur conceptuelle considérable. La théorie des ensembles montre que ce que nous appelons « nombres » est en fait une structure formelle construite par des règles strictes, et non une intuition immédiate. Comprendre cette formalisation permet d’apprécier la puissance et la rigueur des mathématiques modernes, ainsi que les limites et précautions nécessaires face aux notions d’infini et d’ensemble.
Comment comprendre la convergence et la divergence des suites dans R et R∞
Lorsque l'on étudie les suites dans les espaces de nombres réels, une question cruciale est celle de la convergence et de la divergence de ces suites. Une suite (xn) est dite convergente si ses termes tendent vers une valeur fixe au fur et à mesure que n devient grand. Cependant, cette notion de convergence doit être étendue lorsqu'il s'agit de suites qui ne convergent pas vers un réel, mais qui tendent plutôt vers +∞ ou −∞, ou même dans des espaces topologiques plus larges comme R∞.
La première étape de cette étude consiste à définir ce que l'on entend par "limite infinie" dans un espace élargi comme R∞, qui inclut les points +∞ et −∞. Plus précisément, pour une suite (xn) dans R, on dit que xn→+∞ si, pour chaque K>0, il existe un entier N tel que xn>K pour tous les n≥N. De manière similaire, on dit que xn→−∞ si, pour chaque K>0, il existe un N tel que xn<−K pour tous les n≥N. Ces concepts se généralisent à l'ensemble R∞, où les suites peuvent tendre vers +∞ ou −∞ dans un sens "improper" de la convergence.
Il est également important de distinguer la convergence propre de la convergence impropre. Une suite qui converge normalement dans R vers un réel x est dite convergente proprement. En revanche, si une suite diverge vers +∞ ou −∞, mais peut être vue comme convergeant vers un "point" à l'infini dans R∞, on parle alors de convergence impropre. Cela présente un intérêt particulier dans les études de métriques et de topologies plus complexes, où la compréhension des suites divergent est nécessaire.
Un autre aspect fondamental de l'étude des suites dans R∞ est la notion de points d'accumulation ou de "points-cluster" (cluster points). Si une suite (xn) dans R a une accumulation infinie de ses termes dans une région particulière, on dit que la suite a un point-cluster. Un point-cluster est défini comme une valeur vers laquelle la suite se rapproche de manière répétée, mais sans nécessairement converger. Ainsi, si une suite (xn) tend vers +∞, alors +∞ est un point-cluster, tout comme −∞ l'est si la suite tend vers −∞.
L'un des résultats les plus importants dans ce contexte est le théorème de Bolzano-Weierstrass, qui stipule qu'une suite bornée dans R possède toujours une sous-suite convergente. Ce théorème est crucial car il permet de garantir qu'une suite bornée, même si elle est trop complexe pour converger directement, aura toujours une sous-suite qui converge vers un point-cluster. Ce résultat peut être généralisé à des espaces de dimension supérieure, comme Rm, où il garantit l'existence d'une sous-suite convergente même lorsque la suite entière n'est pas convergente.
La relation entre les limites supérieures et inférieures joue également un rôle central dans la caractérisation de la convergence des suites. La limite supérieure (lim sup) d'une suite est le plus grand point-cluster auquel la suite peut converger, tandis que la limite inférieure (lim inf) représente le plus petit point-cluster. Ces deux limites sont particulièrement utiles pour déterminer la nature de la divergence d'une suite, car elles permettent de décrire les comportements asymptotiques de la suite, qu'ils soient vers l'infini ou vers une valeur particulière.
En conclusion, la compréhension des suites qui convergent dans R∞, ou qui tendent vers +∞ ou −∞, nécessite une distinction claire entre convergence propre et impropre, ainsi qu'une utilisation des concepts de points-cluster, de limites supérieures et inférieures. Ce sont des outils fondamentaux pour étudier les comportements asymptotiques dans des espaces plus larges que R, ce qui ouvre la voie à une analyse plus fine des suites et de leurs limites dans des contextes topologiques étendus.
La continuité des fonctions : Exemples et propriétés
La continuité des fonctions est une notion fondamentale dans le domaine de l'analyse mathématique, mais elle possède également des subtilités qui méritent d'être explorées. Parfois, des comportements inattendus émergent lorsqu'on examine des compositions de fonctions, ce qui peut déconcerter même les plus aguerris des mathématiciens. Ce texte présente plusieurs propriétés, exemples et propositions importants liés à cette notion.
Le premier exemple à considérer est celui de deux fonctions f et g définies sur des ensembles disjoints. Soit Z=[−3/2,−1/2]∪(1/2,3/2] et I=[−1,1], et les fonctions f:Z→R et g:I→R définies par :